14 septembre 2025

Avec ses yeux / Liu Cixin

Voici une œuvre émouvante, créée par l’écrivain de science-fiction chinois renommé, Liu Cixin. Depuis le Centre de navigation aérospatial, l’histoire se déroule dans deux lieux hostiles : le désert du Taklamakan et le cœur de notre planète.

Pendant le récit, des allusions révèlent et éclaircissent le sens de la nouvelle : Trois jours pour voir (Helen Keller), Clair de lune (Claude Debussy) et L’Enfer (Dante Alighieri).

Aperçu

Centre de navigation

Le narrateur, qui est aussi le personnage principal, obtient deux jours de congé, à condition d’apporter une paire d’yeux. Ces yeux fonctionnent selon le principe de la télédétection, c’est-à-dire qu’ils sont en réalité des lunettes offrant une expérience sensorielle complète : la vision, l’odorat, le goût, l’ouïe et le toucher.


Les yeux empruntés appartiennent à une jeune femme encapsulée. À sa demande, le protagoniste accepte de se rendre au désert du Taklamakan, situé à plus de 2 000 kilomètres du Centre de navigation. Le voyage dure environ un quart d’heure.

Les désirs exprimés et les émotions ressenties par la jeune femme sont intenses : «Elle voulait voir chaque fleur sauvage, chaque brin d’herbe, chaque rayon de soleil insufflant la vie à chaque buisson, elle voulait écouter chaque bruit de la prairie. Le moindre ruisselet qui surgissait sous nos pas, le moindre poisson nageant dans celui-ci l’émerveillait au plus haut point; le plus infime murmure de la brise, la moindre fragrance d’herbe portée par le vent lui arrachaient un sanglot…»

Crépuscule VI


Longtemps après son retour au Centre, le protagoniste s’informe du lieu où se trouve la jeune femme. Comme il l’avait soudainement soupçonné, elle fait partie de l’expédition Crépuscule VI envoyée au cœur de la Terre. Au moment de leur voyage synchrone au Taklamakan, la troglonaute franchissait la discontinuité de Gutenberg. Or, le vaisseau qui l’abritait n’était pas conçu pour y naviguer…

Terre transparente

Dans l’épilogue, l’accomplissement de l’histoire est ainsi formulé par le protagoniste : «Les années qui suivirent, je voyageai dans de nombreuses contrées. […] Une pensée en particulier apaisait mon âme : même aux confins de la Terre, je serais toujours aussi proche d’elle.»

Références

Livre

Liu Cixin. – « Avec ses yeux », dans L’Équateur d’Einstein. – Nouvelles complètes 1. – Édition préparée sous la direction de Gwennaël Gaffric. – Paris : Actes Sud, 2025 © 2022. – 649 p. – (Collection Babel, n° 2015). – ISBN 978-2-330-18850-4. – Pages 53-73; première publication originale en chinois : 1999. – [Citation : p. 60-61]. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : LIU Cix no v.1 ; Liu L7832e.

Auteur

Liu Cixin (Wikipédia)

Entrevue

Liu Cixin : la science-fiction chinoise vit-elle son âge d’or ? (Xie Ping et Li Xiang, Chine-Info, 27 janvier 2022)

Compléments

Désert du Taklamakan (Wikipédia)
Une bataille titanesque contre le désert Taklamakan (Luc Laporte, Mes plaisirs)

La structure interne de la Terre (Alloprof)
Structure interne de la Terre (Wikipédia)



L’Enfer (Dante Alighieri, c.1266-1321) – (Divine Comédie)
Clair de lune (Claude Debussy, 1862-1918) – (YouTube, 6 octobre 2008)
Helen Keller (1880-1968) – Biographie (Wikipédia)
Three Days to See [Trois jours pour voir] (Helen Keller) – (The Atlantic, janvier 1933)
Three Days to See [Trois jours pour voir] (Helen Keller) – (Reader’s Digest, 27 juin 2023)

Chuck Yeager (1923-2020) – Biographie (Wikipédia)



Les types de narrateurs (Alloprof)

Images

Taklamakan – CC BY-SA 2.5 ES (Colegota, Wikimedia Commons, 12 octobre 2005)
Earth cutaway – CC BY-SA 3.0 (CharlesC, Wikimedia Commons, 7 février 2009)

Article connexe

L’Instituteur du village / Liu Cixin

07 septembre 2025

Le masque de Dimitrios / Eric Ambler


Préface et note de l’éditeur

La réédition du célèbre roman est préfacée par l’éditeur Olivier Cohen. Intitulée Le retour d’Eric Ambler, la préface présente une rencontre de l’éditeur avec l’auteur du Masque de Dimitrios en 1978, une biographie succincte d’Eric Ambler, puis les caractéristiques et l’actualité des œuvres de l’écrivain britannique.

La note apporte cette précision : la traduction de Gabriel Veraldi révisée par Patricia Doaz contient des passages remaniés ainsi que d’autres qui avaient été coupés. Cette réédition est ainsi plus conforme au texte d’origine.

Incipit

Thèse et protagoniste (deux pages).

Neuf paragraphes :

[ 1 ] – Le narrateur rappelle les propos du moraliste français Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort (1740-1794) sur le hasard : «Un Français nommé Chamfort, qui aurait dû être mieux inspiré, a dit que le hasard était un sobriquet de la providence.»

[ 2 ] – Le narrateur réfute ce point de vue : «C’est là un de ces aphorismes commodes, fabriqués pour nier une vérité déplaisante : le hasard joue un rôle important, sinon prédominant, dans les affaires humaines.» Toutefois, il reconnaît que le hasard peut agir avec une certaine cohérence : «L’histoire de Dimitrios Makropoulos en est un bon exemple.»

[ 3 ] – Le narrateur esquisse les séquences majeures de cette histoire exemplaire : Latimer apprend l’existence de Dimitrios et voit le cadavre de Dimitrios (chapitre 1), consacre plusieurs semaines à reconstituer la vie de Dimitrios (chapitres 2-13) et survit grâce à un criminel (chapitres 14-15).

[ 4 ] – Le narrateur reprend sa réflexion sur le hasard, puis formule cette déduction conclusive : «Le choix de Latimer comme instrument ne pouvait être fait que par un idiot.»

[ 5 ] – Le narrateur présente la carrière du protagoniste Charles Latimer, maître de conférences en économie politique et auteur de trois ouvrages : une étude sur Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), le Programme de Gotha (1875), et un ouvrage exposant les implications économiques du livre Le Mythe du vingtième siècle (1930) d’Alfred Rosenberg (1893-1946).

[ 6 ] – Le narrateur explique la circonstance ayant mené Latimer à devenir écrivain de romans policiers : «Ce fut peu après la fin des corrections de cet ouvrage [Le Mythe du vingtième siècle], et dans l’espoir de chasser la dépression engendrée par la philosophie du prophète national-socialiste, qu’il écrivit son premier roman policier.»

[ 7 ] – Le narrateur cite les titres des premiers polars de Latimer, mentionne sa démission de l’université pour se consacrer à sa nouvelle carrière d’écrivain, puis son départ vers une destination soleil pour compléter son cinquième roman.

[ 8 ] – Le narrateur indique que Latiner passe un an à Athènes, puis quitte pour Istanbul après avoir achevé son sixième roman.

[ 9 ] – Le narrateur tire le rideau et plonge le lecteur dans l’action, sans dévoiler quoi que ce soit sur Dimitrios : «Ce fut là, et par le colonel Haki, que pour la première fois il entendit parler de Dimitrios.»

Les liaisons entre les paragraphes et entre les chapitres sont exemplaires, aussi bien dans l’incipit que dans l’ensemble du roman.

Observations

Le roman est publié en 1939.

L’histoire se déroule après la Grande Guerre, plus précisément de 1922 à 1938.

Le thème du hasard est omniprésent dans le roman.

Les portraits sont saisissants, en particulier celui du protagoniste. La personnalité de Latimer est constante tout au long du récit : un intellectuel détaché de la réalité, spéculant sur différentes hypothèses, introspectif et hésitant sur des décisions à prendre; un homme passionné de recherches (livresques), imbu de morale.

Les écrits tiennent une place significative dans le roman : les publications citées dans l’incipit, les rapports, lettres et autres documents reproduits au cours de l’histoire en témoignent.

Le titre du volume trouve son explication dans le chapitre intitulé Le masque de Dimitrios, le concept «masque» faisant l’objet de son paragraphe initial.

Épilogue

La dernière page du roman peut être considérée comme un épilogue. Depuis Paris, dans le train de l’Orient-Express qui le ramène en Orient, Latimer décide de poursuivre son métier d’écrivain, en suivant la recette traditionnelle qui a fait sa réputation, mais en y ajoutant un peu d’humour.

Les dernières phrases. Le retour à la normale après ses nombreuses et dangereuses péripéties : «Bientôt Belfort. Deux jours de voyage encore. Il devait absolument avoir imaginé une intrigue avant l’arrivée. Le train s’enfonça dans un tunnel.»

Un romancier au diapason de ses lectrices et lecteurs : oublier la réalité du monde… pour s’évader; s’évader… pour échapper aux réalités du monde.

Quelques citations

S’il n’y avait eu le hasard du transfert du colonel Haki à la police secrète, rien de l’aurait jamais relié à cette insignifiante affaire. (p. 55)

Dans une civilisation mourante, le prestige politique n’appartient pas au profond diagnosticien mais à l’habile charlatan. C’est la distinction accordée à la médiocrité par l’ignorance. (p. 79)

Je l’ai senti, perçu comme un homme, pas comme un cadavre, comme… un élément d’un système social en décomposition, pas comme un cas isolé… (p. 84)

Depuis qu’elle existe, la finance internationale a provoqué des révolutions pour protéger ses intérêts. (p. 92)

Le capitalisme international gouverne la terre par le papier, mais l’encre dont il se sert est du sang humain ! (p. 93-94)

Si cela n’était pas aussi dangereux, on en rirait. Mais la méthode est claire. La propagande commence par des mots, qui bientôt se transforment en actes. Quand les mensonges ne reposent sur aucun fait réel, il faut en créer de toutes pièces. (p. 280)

Référence

Ambler, Eric. – Le masque de Dimitrios. – Traduit de l’anglais par Gabriel Veraldi. – Édition révisée par Patricia Doaz. – Préface et note d’Olivier Cohen. – Paris : Éditions de l’Olivier, 2024 © 1939. – 288 p. – (Collection Points, n° P441) – ISBN 979-10-414-1862-6. – [Citation : p. 283, 15, 16]. – [Extrait]. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : AMB Eri ma ; Ambler A493m.

Image

Istanbul (Plan d’ensemble de la ville de Constantinople, Société anonyme ottomane d’études et d’entreprises urbaines, 1922) – (Wikipedia Commons)

Sur la Toile

Articles

[ 1 ] – Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort (1740-1794) : Biographie (Wikipédia) - Biographie (Scribe+)

[ 5 ] – Articles dans Wikipédia : Pierre-Joseph Proudhon - Programme de Gotha - Alfred Rosenberg

Critiques

Eric Ambler : du monde aux Balkans (Le Masque de Dimitrios) (Dominique Bry, 18 mars 2024)
Embrouilles sur le Bosphore (Claude Grimal, 2 mars 2024)

The Mask of Dimitrios / Eric Ambler with an introduction by Robert Harris (1939, 1999)
Dangerous games (Thomas Jones, The Guardian, 6 juin 2009)
A Point of View : The enduring relevance of Eric Ambler’s spy novels (BBC News, 23 août 2015)
A Coffin for Dimitrios: Analysis of Major Characters (Eugene S. Lardon, EBSCO, 2021)
The Mask of Dimitrios (fullybooked2017, Classics revisited, 12 septembe 2023)
A Coffin for Dimitrios (Blogue de Jordan M. Poss, 7 mars 2024)

01 septembre 2025

Tout comprendre (ou presque) sur l’intelligence artificielle


L’IA d’aujourd’hui s’appuie sur des méthodes d’apprentissage à grande échelle reposant sur le traitement de données brutes et optimisant la prédiction à partir d’énormes échantillons d’exemples. Elle produit ainsi de spectaculaires résultats.

L’intelligence artificielle suscite une foule de questions, en plus de générer de multiples débats. Sous la direction d’Olivier Cappé et Claire Marc, ce livre permet de s’informer sur une vingtaine de questions relatives à cette nouvelle discipline.

Les thèmes abordés sont variés, dont ceux-ci : origine de l’IA, apprentissage automatique, réseau de neurones, grand modèle de langue, IA générative, création artistique, langues, autoapprentissage, robots, santé, IA sociale, erreurs, vie privée, biais, éthique.

Les énoncés des questions sont clairs et succincts. Les réponses apportées par une vingtaine de contributeurs scientifiques sont limpides, d’autant plus que les exposés sont illustrés avec brio par Claire Marc.

Le livre est complété par la présentation des auteurs et contributeurs scientifiques.

Un ouvrage remarquable pour s’initier à l’IA et comprendre ses concepts, méthodes et techniques de base.

Référence

Cappé, Olivier; Marc, Claire; dir. – Tout comprendre (ou presque) sur l’intelligence artificielle. – Avant-propos par Olivier Cappé, directeur de recherche CNRS. – Paris : CNRS Éditions, 2025. – 133 p. – ISBN 978-2-271-15424-8. – [Citation : Question n° 3, D’où vient l’IA que l’on connaît actuellement?, p. 23]. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : 006.3 C247t 2025.

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Photo © Claude Trudel, Le monde en images, CCDMD.

Articles connexes

Une contre-histoire d’Internet
Contre-atlas de l’intelligence artificielle
Le calcul à découvert / CNRS

24 août 2025

Le mort du chemin des Arsène


On avait trouvé le cadavre d’un homme dans le salon de sa maison du chemin des Arsène, à L’Étang-du-Nord.

Le roman policier de Jean Lemieux se déroule aux îles de la Madeleine. La plupart des épisodes ont lieu sur l’île du Cap aux meules. Le chemin des Arsène est situé à proximité de L’Étang-du-Nord. Le lecteur peu familier avec la géographie de l’archipel pourra consulter les cartes référencées ci-dessous.

Le polar compte 32 chapitres ainsi regroupés : Dimanche, 25 août 2002 (16 chapitres), Lundi, 26 août 2002 (14 chapitres), Mercredi, 11 septembre 2002 (2 chapitres). Cette chronologie laisse entrevoir un récit serré dans un court laps de temps. Effectivement, les péripéties surviennent, se multiplient et se complexifient au cours de 48 heures, de la découverte d’un mort sur le chemin des Arsène à la résolution du meurtre. Les deux derniers chapitres peuvent être considérés comme un épilogue.

Les nombreux personnages sont bien typés. Les dialogues sont précis, directs et saisissants. Les descriptions des lieux et des paysages sont évocatrices. Les rebondissements et les retournements sont étonnants et contrastés. Le style dynamique de l’écriture tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page.

S’il écrivait quelque chose, ce serait un roman, l’histoire d’un homme qui avait perdu son âme. Ou qui l’avait regagnée? Dans cette galerie de personnages, il manquait un témoin important : la victime.

Une histoire fascinante sur le monde artistique des îles de la Madeleine, le milieu policier de l’archipel, les insulaires d’origine acadienne et, d’une façon générale, la condition humaine.

Références

Livre

Lemieux, Jean. – Le mort du chemin des Arsène. – 3e édition. – Montréal : Québec Amérique, 2024 © 2009, 2016. – (Collection qa). – 409 p. – ISBN 978-2-7644-5523-4. – [Citations : p. 17, 346] – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : Lemieux L5542m.

Prix Arthur-Ellis du roman policier en langue française – Prix de création littéraire de la Ville de Québec – Prix du Salon du livre de Québec – Prix des abonnés de la Bibliothèque de Québec, fiction.

Cartes

Îles de la Madeleine. – Québec : Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, Service de la recherche socio-économique, Direction de la planification, 1977. – Échelle : 1/50 000. – Remarque : le chemin des Arsène est indiqué sur cette carte géographique.

Îles-de-la-Madeleine. – Québec : Direction générale du domaine territorial. Service de la cartographie, Ministère de l’Industrie, du Commerce et du Tourisme, Commission de développement touristique des Îles-de-la-Madeleine, 1983. – Échelle : 1/100 000. – Remarque : carte topographique.

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L’Étang-du-Nord © Daniel Bellemare, Le monde en images, CCDMD.

17 août 2025

Le mal en personne


Une enquête de William Wisting, par le romancier Jørn Lier Horst.

Un prisonnier coupable de féminicides sordides.

En vue d’obtenir l’allégement de sa peine, il en reconnaît un autre et accepte de participer à sa reconstitution. Au cours du déroulement de celle-ci, filmé par la fille de l’enquêteur William Wisting, le prisonnier s’échappe.

La chasse à l’évadé suit un scénario stéréotypé, avec une panoplie d’outils technologiques et de moyens matériels usuels. Dans ce contexte, en changeant les noms et les lieux, l’histoire pourrait tout aussi bien se dérouler en Floride plutôt qu’en Norvège.

La suite du polar est plus intéressante. En général, les épisodes sont bien construits, mais certains événements sont télescopés ou peu crédibles, tandis que d’autres sont anticipés.

Comme l’écriture est dynamique, la lecture reste captivante tout au long du récit.

La Postface porte sur le titre du roman, les sources documentaires de la thématique du polar et le but moralisateur de l’auteur.

Citation

«L’abus de pouvoir, l’oppression et la domination d’autrui constituaient un terrain fertile pour la cruauté, tout comme l’obéissance aveugle et la fidélité imperturbable à des règles coercitives pouvaient transformer des démocraties pacifiques en dictatures fascistes.»

Référence

Horst, Jørn Lier. – Le mal en personne. Une enquête de William Wisting. – Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier. – Paris : Gallimard, 2025 © 2019, 2023. – (Collection Folio Policier, n° 1040). – 408 p. – ISBN 978-2-07-308761-4. – [Citation : p. 260]. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : HOR Jor ma ; Horst H819m.

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Photo © Claude Trudel, Le monde en images, CCDMD.

10 août 2025

L’Instituteur du village / Liu Cixin

Au 20e siècle, dans un village misérable d’une région montagneuse du nord-ouest de la Chine, un enseignant apprend qu’il va bientôt mourir d’un cancer. Malgré ses forces déclinantes, il va continuer à consacrer tout son temps à ses élèves, jusqu’à son dernier souffle. En parallèle, une guerre interstellaire se déroule entre l’Empire silencieux et la Fédération carbonée:


L’histoire de l’instituteur est réaliste. Elle peut être lue indépendamment du récit de la guerre interstellaire. Celui-ci relève de la science-fiction.

I – Histoire de l’instituteur

Aperçu

L’histoire de l’instituteur compte une vingtaine de pages. Les trois premières sections de l’histoire proprement dite sont de longueurs différentes: 14, 6 et 2 pages. La quatrième, de moins d’une page, peut être considérée comme un épilogue.

La vie et les souvenirs de l’instituteur sont racontés dans la première section, d’où sa longueur. Les deux sections suivantes portent sur les derniers cours de l’instituteur. La première et la dernière phrase de chaque section sont remarquables:

[ 1 ] «Il le sait, il va devoir donner son dernier cours plus tôt.» (p. 198) / «À minuit, il était monté dans le train pour retourner chez lui, portant deux lourds paquets de livres reliés par une ficelle.» (p. 212)

[ 2 ] «Il est tard dans la nuit.» (p. 220) / «Il ne reste plus beaucoup de temps.» (p. 226)

[ 3 ] «– Bon, le moment est maintenant venu de parler de la deuxième loi de Newton…» (p. 232) / «Les élèves entourent le corps sans vie de l’instituteur et commencent à pleurer.» (p. 235)

[ 4 ] «L’est s’illumine déjà lorsque les enfants ont terminé de creuser la tombe.» (p. 250) / «Ils continueront à vivre leurs vies sur ces vieilles terres stériles et récolteront de maigres mais tangibles espoirs.» (p. 250)

Ces phrases (transitoires) illustrent la détermination de l’instituteur à prodiguer son enseignement malgré sa maladie terminale qui lui laisse de moins en moins de temps pour enseigner des leçons de niveau collégial à ses élèves du primaire. Sans avoir compris les dernières leçons, les élèves restent très attachés à leur institutrice.



Les derniers cours de l’instituteur

Hier

Le long passage relatif à l’influence déterminante de Lu Xun (1881-1936) sur l’instituteur explicite le sens de la nouvelle L’Instituteur du village (p. 221-222). Le narrateur cite deux œuvres du plus grand écrivain de la Chine contemporaine:

Journal d’un fou, dont l’instituteur a parlé à ses élèves: «Hier, nous avons parlé du Journal d’un fou. […] Lu Xun était un grand homme, tous les Chinois devraient lire ses livres. Et vous aussi plus tard.»

Préface de l’auteur au recueil de nouvelles Cris, dont un extrait est reproduit: «Plusieurs paragraphes écrits par Lu Xun lui reviennent en mémoire […] Il les a lus dans son anthologie incomplète des œuvres intégrales de Lu Xun, qu’il a lue et relue jusqu’à l’usure.»

Aujourd’hui

«Aujourd’hui, nous allons parler de physique de niveau collégial. […] Pour cette leçon, nous allons aborder les trois lois de Newton. Newton était un grand scientifique anglais qui a vécu il y a très longtemps.» (p. 222-223)



Certains comportements relatés dans l’histoire de l’instituteur peuvent susciter l’étonnement, mais ils ne sont pas spécifiques au peuple chinois. À titre d’exemple, la « guerre des éteignoirs » au Québec dans les années 1840 et 1850, où des écoles furent saccagées et incendiées.

II – Guerre interstellaire

Alors que l’histoire de l’instituteur reflète la société et la culture chinoises, le récit de la guerre interstellaire évoque le simplisme d’un western américain (les bons contre les méchants) jumelé aux banalités d’une superproduction de science-fiction (armements technologiques massifs).

Le récit de la guerre interstellaire peut être lu indépendamment de l’histoire de l’instituteur. Ses trois sections sont de longueurs différentes: 8, 7 et 15 pages. Il est encadré par un résumé introductif et un dialogue conclusif:

«À une distance de vingt-cinq mille années-lumière de la Terre, au centre de la Voie lactée, une guerre interstellaire qui dure depuis près de vingt mille ans est sur le point de se terminer.» (p. 212)

«– Ce qui le plus incompréhensible dans l’Univers, c’est qu’il soit compréhensible, dit le Chancelier suprême.
– Ce qui le plus compréhensible dans l’Univers, c’est qu’il soit incompréhensible, dit le sénateur.» (p. 249-250)

La première section relate les temps forts de la guerre interstellaire: le début de la guerre, il y a 20 000 ans; la bataille du deuxième bras spiral, il y a 15 000 ans; la dernière bataille décisive, entre le deuxième et le premier bras, il y a juste un an. La Fédération carbonée entreprend maintenant l’isolement de l’Empire silencieux dans l’extrémité du premier bras, tout en cherchant à préserver les planètes hébergeant des formes de vie civilisée.

La deuxième section décrit la construction de la ceinture d’isolation de l’Empire silencieux par la Fédération carbonée. Cette construction requiert la destruction d’un grand nombre de systèmes planétaires. Ceux-ci sont détruits si des signes de vie civilisée n’y sont pas détectés.

La dernière section, la plus longue, concerne l’inspection du Système solaire, une vérification préalable à son éventuelle destruction. Grâce aux élèves du village de la montagne, faisant l’objet de répliques numériques, une civilisation est attestée sur la Terre. Ainsi, sans s’en apercevoir, les enfants sauvent la Terre. On peut voir dans ce passage une forme d’intertextualité en référence à l’histoire de l’enseignant.

III – Note de l’auteur

Un extrait de la présentation de la nouvelle L’Instituteur du village, par Liu Cixin: «Ce qui m’intéresse avant tout ici, c’est d’explorer la nature de la création artistique. Ne vous laissez pas troubler par le début du récit, les choses ne sont pas telles que vous les imaginez. […] la nouvelle que vous vous apprêtez à lire présente l’une des idées les plus farfelues et les plus incroyables de l’histoire de la science-fiction chinoise.» (p. 197)

Références

Livre

Liu Cixin. – « L’Instituteur du village », dans L’Équateur d’Einstein. – Nouvelles complètes 1. – Édition préparée sous la direction de Gwennaël Gaffric. – Paris: Actes Sud, 2025 © 2022. – 649 p. – (Collection Babel, n° 2015). – ISBN 978-2-330-18850-4. – Pages 197-250; traduction par Morgan Vicente; première publication originale en chinois : 2001. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : LIU Cix no v.1 ; Liu L7832e.

Auteur

Liu Cixin (Wikipédia)

Entrevue

Liu Cixin : la science-fiction chinoise vit-elle son âge d’or ? (Xie Ping et Li Xiang, Chine-Info, 27 janvier 2022)

Compléments

[ 1 ]

Anthologie de Lu Xun

Lu Xun. – Nouvelles et poèmes en prose. – Traduction, annotation et postface de Sebastian Veg. – Paris: Éditions Rue d’Ulm / École normale supérieure, 2015. – 663 p. – (Versions françaises). – ISBN 978-2-728-80514-3. – BAnQ: 895.1351 L9267n 2015.

Références aux deux œuvres de Lu Xun citées dans L’Instituteur du village:

Cris / Préface de l’auteur (p. 19-25) – Notice de Sebastian Veg (p. 211-215);

Journal d’un fou (p. 26-39) – Notice de Sebastian Veg (p. 215-220).

[ 2 ]

Les trois de Newton : première, deuxième, troisième (Alloprof)

[ 3 ]

Caulier, Brigitte; Dufour, Andrée; Hamel, Thérèse; dir. – L’École au Québec. – Avant-propos par Marc St-Hilaire et Thierry Nootens. – Québec: Les Presses de l’Université Laval (PUL), 2023. – (Collection Atlas historique du Québec). – xiv, 490 p. – ISBN 978-2-7637-3573-3. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ: 370.9714 ECO ; 370.9714 E1931 2023.

La «guerre des éteignoirs»: «Dans un premier temps, [la population des campagnes] manifeste son opposition de façon passive: refus de verser les taxes foncières, refus des magistrats de poursuivre les contrevenants, refus des conseils municipaux de faire ou de transmettre le rôle d’évaluation. Puis l’opposition se fait plus violente: vol des registres scolaires, saccage et incendie d’écoles, menaces et charivaris à l’endroit des commissaires.» (p. 23)

Remarque

Systèmes éducatifs chinois, français et québécois

Comme la nouvelle L’Instituteur du village se déroule en Chine et qu’elle a été traduite en France, il importe de noter que le niveau collégial évoqué dans cette nouvelle correspond au premier cycle du niveau secondaire au Québec.

Le système scolaire en Chine / La scolarité en Chine commence dès l’âge de six ans. Les enfants ont le droit à neuf années d’instruction obligatoire: six ans d’école primaire et trois ans de collège. L’enseignement secondaire de deuxième cycle commence vers quinze-seize ans et dure trois ans. (Union des Français de l’étranger).

Le niveau collégial français correspond à la 6 année du primaire et aux niveaux Secondaire I, II et III au Québec. – Tableau synthèse (menu déroulant): Comparaison entre les systèmes scolaires québécois et français. (Québec en tête).

France : guide de comparaison des études avec le système éducatif du Québec (Ministère de l'immigration et des communautés culturelles).

Article connexe

Terre errante / Liu Cixin

01 août 2025

Le tableau du maître flamand / Arturo Pérez-Reverte


Rien n’est plus trompeur que l’évidence. C’est un principe de logique qui s’applique aux échecs : ce qui paraît évident n’est pas toujours ce qui s’est produit en réalité, ou ce qui est sur le point de se produire…



Une radiographie de La partie d’échecs (1471), huile sur bois du peintre flamand Pieter Van Huys (1415-1481), révèle cette inscription cachée : QUIS NECAVIT EQUITEM.

QUI A TUÉ LE CHEVALIER ?

La phrase énigmatique est dévoilée au tout début du polar d’Arturo Pérez-Reverte. La suite du chapitre initiale porte sur la description minutieuse du tableau, l’identité des trois personnes qui y figurent et le contexte historique de la fin du 15e siècle.

Les relations professionnelles et sentimentales de plusieurs personnages sont aussi au cœur du récit : Julia, restauratrice, César, antiquaire, Menchu Roch, galeriste, et Álvaro, professeur d’histoire de l’art.

L’intrigue et les personnages sont en place.

Au chapitre suivant, les dessous de la mise en vente de La partie d’échecs sont révélés. Les personnes impliquées : Menchu, Paco Montegrifo, vendeur de tableaux, Don Miguel Belmonte, autrefois directeur de l’Orchestre de Madrid et propriétaire de la toile, sa nièce Lola Belmonte et son mari Alfonso Alpena.

Le roman témoigne de la vaste culture d’Arturo Pérez-Reverte, par exemple : les citations littéraires placées en exergue en début de chapitre, la peinture de la Renaissance et l’histoire européenne, au premier chapitre; la musique baroque, au deuxième chapitre, et le jeu d’échecs au troisième chapitre. Celui-ci porte d’ailleurs sur l’analyse du tableau sous l’angle d’une partie d’échecs, suivie par l’entrée en scène de Muñoz, joueur d’échecs.

Des portraits élaborés, des descriptions minutieuses, de vifs dialogues et de profonds monologues caractérisent l’écriture du récit. Aussi, des situations étonnantes ou anticipées, comme celle d’un meurtre présumé au quatrième chapitre…

Rédigé par une main de maître, le scénario se poursuit ainsi jusqu’au dénouement de l’enquête.

Quelques citations :

Je crois que la question se résume à un problème de point de vue.

– Une exception ne confirme rien du tout, elle invalide ou détruit une règle… C’est pour cette raison qu’il faut faire très attention lorsqu’on raisonne par induction.


Il arrive qu’on regarde un jardin qui ne présente pas d’ordre apparent sous un certain angle, mais dans lequel une régularité géométrique se dessine sous une autre perspective.

Vous savez bien que lorsqu’on élimine l’impossible, ce qui reste, pour improbable que cela puisse paraître, doit nécessairement être vrai.

Référence

Pérez-Reverte, Arturo. – Le tableau du maître flamand. – Traduit de l’espagnol par Jean-Pierre Quijano. – Paris : Gallimard, 2024 © 1990. – 463 p. – (Folio Policier, n° 1026). – ISBN 978-2-0730-4167-8. – [Citations : p. 121; 150, 227, 349, 409].

Le Grand Prix de littérature policière 1990 a été attribué à ce roman.

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Photo © Claude Trudel, Le monde en images (CCDMD).

Sur la Toile

J’ai parcouru plusieurs critiques après avoir lu le roman. Celle-ci a retenu mon attention :

Le Tableau du maître flamand : œuvre / bibliothèque (Anne-Sophie Huguet, Babel. Littératures plurielles, juin 2002). – Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0.

20 juillet 2025

Tous des loups / Ronald Lavallée


La domination des faibles par les forts. La cruauté sans état d’âme. La soif du sang. C’est nous. Tout craché. Pourquoi les hommes seraient-ils moins féroces que les loups? Pourquoi plus justes? On est le pétris de la matière, issus de la même évolution.

Matthew Callwood : jeune et nouveau policier affecté à la Mission Saint-Paul, en territoire cri, dans le Nord ontarien. Il succède à Suchenko. Constable adjoint : Harvey Gruber, qui reste en fonction.

La mission : arrêter Moïse Corneau, qui a tué sa femme et son bébé, et s’est enfui de la prison après avoir été jugé coupage de ce double meurtre.

Le village autochtone est bordé par un grand lac qui permet l’approvisionnement épisodique du poste de police. Un magasin de la Compagnie de la Baie d’Hudson est situé au cœur du village, la traite des fourrures faisant l’objet du commerce régional.

La chasse à l’homme se déroule en forêt boréale, au début du 20e siècle. Le contexte social est enchevêtré, plusieurs ethnies, classes sociales et nations étant entremêlées. La nature joue un rôle déterminant au cours du récit. Les descriptions des paysages sont d’ailleurs captivantes, tout comme les portraits physiques et psychologiques des personnages sont saisissants. Les communications sont celles d’une époque ancestrale : risquées, lentes, irrégulières, tant à pied qu’en canot.

L’intrigue se complexifie au cours des épisodes. Les péripéties sont diversifiées, étonnantes, haletantes. Du début à la fin de l’histoire. Les dialogues sont saillants, souvent caustiques. Les réflexions innombrables. Le style est limpide.

Bref, un polar super intéressant !

Référence

Lavallée, Ronald. – Tous des loups. – Montréal : Groupe Fides, 2024. – (Collection Biblio-Fides). – 363 p. – ISBN 978-2-7621-4643-1. – [Citation : p. 337-338]. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : LAV Ron to ; Lavallée L394t.

Prix Saint-Pacôme 2023 Meilleur roman policier. – [4e page de couverture].

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Cendres de feu de camp © Claude Trudel, Le monde en images, CCDMD.

13 juillet 2025

La femme papillon


Un homme grand et costaud en sortit, revolver en main. Une seconde plus tard, un bruit sourd se fit entendre, celui d’un projectile tiré à travers un silencieux.

Ce meurtre survient dès le chapitre initial. Contrairement aux polars précédents de Jean-Louis Blancard, la quatrième enquête de Bonneau et Lamouche débute sans prologue.

Invité par le président de la République française, le lieutenant Bonneau est enlevé dès son arrivée à l’aéroport Charles-de-Gaulle. C’est dans ce contexte que le chauffeur chargé d’accueillir le lieutenant québécois est assassiné à bout portant. Au tout début de sa lecture, le lecteur est donc plongé dans un événement sensationnel. Il s’empresse alors de lire la suite de l’histoire criminelle.

La question que les autorités françaises et le lecteur se posent : «Pourquoi ce lieutenant Bonneau avait-il tant d’importance aux yeux de ses ravisseurs?» En écho, quelques chapitres plus loin, mais séparément, Bonneau et Lamouche se posent la même question : «Pourquoi lui?» Du coup, l’intrigue se corse.

Comment résumer le récit? Laissons la parole à l’ineffable lieutenant Bonneau : «Une histoire de fou! Figurez-vous que j’ai été kidnappé à Paris, puis transporté jusqu’en Turquie où des moines à demi civilisés m’ont gardé prisonnier dans un donjon!»

L’épilogue est tout aussi hilarant que ces propos burlesques de l’enquêteur montréalais.

Outre l’intrigue, cette enquête de Bonneau et Lamouche se démarque par son déroulement à l’extérieur du Québec et des révélations sur les relations sentimentales respectives des protagonistes.

Une particularité stylistique à souligner également : les périodes téléphoniques de l’amie de Bonneau (une phrase de 18 lignes, puis une autre de 32 lignes, p. 38-39).

Référence

Blanchard, Jean-Louis. – La femme papillon. Une enquête de Bonneau et Lamouche. – Montréal : Groupe Fides, 2025. – (Biblio-Fides). – 350 p. – ISBN 978-2-7621-4690-5. – [Citations : p. 7, 32, 74 et 75, 293]. – Bibliothèques Montréal et BAnQ : BLA JL fe ; Blanchard B6395f.

L’auteur a reçu à Saint-Pacôme le prix Jacques-Mayer du premier polar pour Le silence des pélicans, première enquête de Bonneau et Lamouche, et le prix Saint-Pacôme du meilleur roman policier pour La femme papillon. – [Note biographique, p. 350].

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Boisé © Claude Trudel, Le monde en images, CCDMD.

Articles connexes / Enquêtes de Bonneau et Lamouche

[ 1 ] – Le silence des pélicans
[ 2 ] – Les os de la méduse
[ 3 ] – La constellation du chat
[ 4 ] – La femme papillon

05 juillet 2025

La ferveur du printemps étudiant


Avec cette série, l’équipe éditoriale remonte la ligne du temps, du référendum de 1995 jusqu’à nos jours, et braque les projecteurs sur des personnalités québécoises dont le legs a durablement marqué notre paysage sociopolitique. Aujourd’hui : Gabriel Nadeau-Dubois et le printemps étudiant.

Citation

La voix lucide de Gabriel Nadeau-Dubois s’est fait entendre de cet épisode fondateur jusqu’à son chapitre de député de Gouin pour Québec solidaire, fonction qu’il occupera jusqu’à la prochaine élection. Dans son parcours politique comme dans celui de leader étudiant, il sera demeuré fidèle à ses idéaux : la recherche de consensus, les luttes menées au nom de la justice sociale et le profond respect des processus démocratiques.

Référence

La ferveur du printemps étudiant (Marie-Andrée Chouinard, éditorial, Le Devoir, 5 juillet 2025)

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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Photo : Antoine Letarte, CC BY 3.0 | Gabriel Nadeau-Dubois pendant un point de presse à la manifestation nationale du 22 juin 2012 à Québec.

Articles connexes

Répertoire [à la fin du billet]

02 juillet 2025

Le calcul à découvert / CNRS


Cet ouvrage explore l’histoire fascinante du calcul et de l’ordinateur, au travers d’articles accessibles retraçant leur évolution et évoquant les personnalités qui l’ont façonnée ou accompagnée. Toutes les disciplines scientifiques y sont convoquées, ainsi que les résultats emblématiques qui n’auraient pu être atteints sans la science informatique. Des questions cruciales telles que la consommation énergétique, la mutation des métiers, la protection de la vie privée et la sécurité y sont également abordées.

Le calcul à découvert, édité sous la direction de Mokrane Bouzeghoub, Michel Daydé et Christian Jutten, est préfacé par Antoine Petit, PDG du CNRS.

L’avant-propos, rédigé par Mokrane Bouzeghoub, Michel Daydé et Christian Jutten, présente un survol du contenu du livre et les buts du volume. Chacune des dix parties est introduite par Mokrane Bouzeghoub (4, 5, 10), Michel Daydé (3, 6, 8) ou Christian Jutten (1, 2, 7, 9). J’ai particulièrement aimé l’introduction intitulée Algorithmique et programmation, par Mokrane Bouzeghoub.

Près d’une centaine de scientifiques ont rédigé les soixante et un articles, dont deux en complément. Les articles, rédigés dans un style concis et limpide, sont illustrés et complétés par des références bibliographiques. J’ai surtout apprécié ces articles :

1 – Historique

○ – Sur les origines de la diversité des numérotations (Karine Chemia)
○ – Histoire et programmation des calculs en astronomie (Matthieu Husson)
○ – De la mesure des champs à celle de la Terre (Matthieu Husson et Céline Michel)

2 – Mécanisation du calcul

3 – Des premiers ordinateurs au calcul intensif

○ – L’apparition des premiers ordinateurs à grande vitesse (Liesbeth De Mol et Maarten Bullynck) [UNIVAC : premier ordinateur vendu commercialement aux États-Unis d’Amérique]
○ – Évolution des superordinateurs (Michel Daydé et Serge Petiton)

4 – Algorithmique et programmation

○ – L’algorithmique : vers la résolution concrète de problèmes (Claire Mathieu)
○ – Paradigmes et styles de programmation (Mokrane Bouzeghoub)
○ – Délocaliser les calculs en mémoire (Dominique Lavenier)
○ – Un ordinateur, ça ne calcule jamais juste (Jean-Marc Jézéquel et Mathieu Acher)

5 – Le calcul pour les Big Data [mégadonnées] et l’intelligence artificielle

○ – L’enjeu des données dans la course des superordinateurs vers l’exascale (Soraya Zertal et Philippe Couvée)
○ – Les superordinateurs et l’intelligence artificielle révèlent le monde moléculaire (Marc Baaden, Fabio Sterpone et Antoine Taly)
○ – Le mariage du calcul et de la musique, de Pythagore à l’intelligence artificielle (Jean-Louis Giavitto) [Premier mécanisme programmable répertorié dans l’histoire des techniques : l’automate musical programmable d’Isamail al-Jaziri, décrit dans son Livre de la connaissance des procédés mécaniques publié en 1206.]

6 – Le calcul en modélisation et simulation

○ – Les modèles couplés du climat au travers de l’évolution des technologies de calcul (Sylvie Joussaume, Olivier Boucher et David Salas y Melia)

7 – Impact du calcul sur les avancées scientifiques

○ – Génomique à grande échelle pour décoder les virus (Rayan Chikhi et Olivier Gascuel)
○ – Une toile informatique mondiale pour capturer le boson de Higgs (Sabine Crépé-Renaudin)

8 – Le calcul au service de l’ingénierie

9 – Nouvelles approches de calcul

○ – Stockage d’information sur ADN (Dominique Lavenier et Marc Antonini)
○ – Le calcul moléculaire : l’avenir du traitement d’informations ? (Anthony Genot)

10 – Enjeux et impacts sociétaux

○ – Le calcul, une histoire de femmes (Christine Solnon)
○ – Les mots de passe sont à bout de souffle (Gildas Avoine et Diane Leblanc-Albanel)
○ – Techniques de calcul renforçant la vie privée : un enjeu dans l’ère de la société de surveillance (Nicolas Anciaux et Benjamin Nguyen)

Le livre contient une table des matières détaillée, un glossaire exhaustif et une annexe sur les contributeurs (nom, domaine scientifique, fonction professionnelle, courriel).

Appréciation

La perspective historique permet de constater les origines lointaines des avancées intellectuelles et technologiques actuelles décrites dans le livre. Comme les articles de la partie initiale, les articles du Complément illustrent ce point de vue :

○ – Des bouliers aux microprocesseurs (Christian Jutten)
○ – Les superordinateurs (Michel Daydé)

Un ouvrage documentaire captivant, sur papier glacé, avec une mise en page remarquable.

Référence

Bouzeghoub, Mokrane; Daydé, Michel; Jutten, Christian; dir. – Le calcul à découvert. – Elsa Godet, suivi éditorial et conception graphique. – Paris : CNRS Éditions, 2025. – 299 p. – ISBN 978-2-2711-5373-9. – [Citation : 4e page de couverture]. – BAnQ : 004.09 C144 2025.

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Le supercalculateur Jean Zay (Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0) – Photo affichée dans Le calcul à découvert, p. 67; voir aussi des passages relatifs à ce superordinateur, p. 75 et 141.

Articles connexes

Une contre-histoire d’Internet
Contre-atlas de l’intelligence artificielle

Sur la Toile

Alliance de recherche numérique du Canada
Calcul Québec
Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Ajout

Rorqual : un superordinateur de pointe au service de la recherche (Camille Carrier Belleau, Université de Montréal nouvelles, 10 juillet 2025)

15 juin 2025

La constellation du chat


Un polar de Jean-Louis Blanchard.
Une troisième enquête de Bonneau et Lamouche.

Page de couverture énigmatique.
L’image, sur fond noir : la tête d’un chat, une allumette allumée serrée dans sa gueule.
Le titre : le nom d’une constellation créée en 1799 par l’astronome Jérôme Lalande (1732-1807), un nom devenu obsolète depuis 1930.

Comme dans les enquêtes précédentes, un événement terrifiant saisit le lecteur dès le prologue :

Au même moment, il aperçut un sac à dos déposé sur le siège passager. Son étonnement ne dura qu’une fraction de seconde, car l’instant d’après, tout disparut. Il n’eut jamais conscience de l’explosion qui pulvérisa la voiture ni du formidable coup de tonnerre qui fit sursauter les voisins du quartier.

Le roman compte 64 chapitres (deux chapitres portant le numéro 36). Les péripéties sont aussi diverses et multiples que le nombre de chapitres.

L’attentat initial sera suivi par d’autres actions meurtrières. Celles-ci se déroulant dans des contextes différents, il s’avère improbable de pouvoir en relier la cause et l’auteur, ou les causes et les auteurs. Et c’est là qu’intervient la perspicacité de l’équipe des enquêteurs du SPVM, en particulier du vétéran lieutenant Bonneau et de son jeune assistant Lamouche.

Au cours de sa lecture, le lecteur pourra noter des indices susceptibles de relier les meurtres et peut-être même d’identifier leur(s) auteur(s). Mais résoudra-t-il l’énigmatique titre du roman avant les révélations livresques? Une fois de plus, le lecteur appréciera la créativité prodigieuse de Jean-Louis Blanchard, tout comme son humour satirique.

Référence

Blanchard, Jean-Louis. – La constellation du chat. Une enquête de Bonneau et Lamouche. – Montréal : Groupe Fides, 2024. – (Biblio-Fides). – 387 p. – ISBN 978-2-7621-4659-2. – [Citations : p. 6]. – Bibliothèques Montréal et BAnQ : BLA JL co ; Blanchard B6395c.

L’auteur a reçu à Saint-Pacôme le prix Jacques-Mayer du premier polar pour Le silence des pélicans, première enquête de Bonneau et Lamouche. – [Note biographique, p. 387].

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Sidney Hall - Urania’s Mirror - Noctua, Corvus, Crater, Sextans Uraniæ, Hydra, Felis, Lupus, Centaurus, Antlia Pneumatica, Argo Navis, and Pyxis Nautica – Sidney Hall (1788–1831), Richard Rouse Bloxam (1765-1840); Restored by Adam Cuerden. – (Wikipedia Commons).

Articles connexes / Enquêtes de Bonneau et Lamouche

[ 1 ] – Le silence des pélicans
[ 2 ] – Les os de la méduse
[ 3 ] – La constellation du chat
[ 4 ] – La femme papillon

08 juin 2025

Guide d’initiation à la botanique


Le guide d’initiation à la botanique sont innombrables. Celui de Georges Feterman se distingue par son contenu didactique destiné à un large public, sa mise en page dégagée et ses nombreuses photographies exemplaires.

Le livre compte sept chapitres encadrés par une introduction et une conclusion.

L’introduction relate les étapes majeures, les révolutions, ayant mené de la naissance de la vie sur notre planète à la l’émergence du monde végétal.

Le chapitre initial traite des traits spécifiques des végétaux, plus particulièrement de la chlorophylle et de la cellule végétales.

Le chapitre 2 explique la classification des espèces végétales selon Carl von Linné (depuis le 18e siècle), puis la classification contemporaine basée sur la génétique. Le chapitre indique aussi comment identifier un végétal à partir de quelques questions élémentaires.

Le chapitre 3 porte sur les algues (brunes, rouges, vertes), le plancton végétal et les lichens (symbiose algues-champignons).

Le chapitre 4 aborde la conquête de la terre ferme par les mousses, les fougères (guide d’identification) et les ginkgos.

Le chapitre 5 est consacré aux conifères (gymnospermes) : graine et bois. Il est complété par un guide d’identification des plus communs : sapin, cèdre, pin, mélèze.

Le chapitre 6, le plus volumineux, est dédié aux plantes à fleurs (angiospermes) : différentes parties, organes de reproduction, dissémination des graines et fécondation; évolution (complexification); familles (ancêtres, modernes, regroupées et autres); répartition selon les espèces (rive, forêt, pré, bord de route, ville, région méditerranéenne, montagne).

Le chapitre 7 porte sur les monuments végétaux : les arbres. Les points considérés : définition (selon Francis Hallé); silhouette, parties, feuilles, méristème, mode de croissance, forêt; description des arbres les plus communs en Europe (chêne, hêtre, charme, châtaignier, aulne, peuplier, bouleau, saule, tilleul, érable, orme, frêne, robinier faux-acacia); types de forêts en France.

La conclusion souligne l’importance du monde végétal, notamment pour l’alimentation, la biodiversité et la poésie.

Le guide est complété par un glossaire et les crédits des illustrations.

Référence

Feterman, Georges. – Guide d’initiation à la botanique. – Chamalières (France) : Éditions Losange / Artemis, 2024. – 124 p. – ISBN 978-2-8160-2210-0. BAnQ : 580 F419g 2024.

Photo

Immortelle à bractées © Claude Trudel, Le monde en images, CCDMD. – Photo tirée de l’album Plantes à fleurs.

Publications

Albums botaniques (Claude Trudel)

01 juin 2025

Instruments astronomiques contemporains


Jie Wang, un vulgarisateur scientifique chinois, présente 13 observatoires terrestres, 5 sondes et 9 télescopes spatiaux dans son livre intitulé Eye Beyond the Sky.

Les 27 chapitres peuvent être lus indépendamment les uns des autres.

Chaque chapitre, abondamment illustré, débute souvent par une conférence de presse pendant laquelle une découverte est présentée.

Le corps du reportage est constitué d’éléments biographiques sur les scientifiques impliqués et la conception, la fabrication et l’utilisation de l’instrument astronomique concerné.

La conclusion souligne les apports déterminants de cet instrument dans l’histoire de l’astronomie et de l’astrophysique.

Une bibliographie conséquente complète le chapitre. Cette bibliographie est aussi en libre accès sur le site de l’éditeur Springer.

Instruments terrestres

Hooker, Parkers, Big Ear, Very Large Telescope (VLT) et New Technology Telescope (NTT), Arecibo, CFHT et Subaru, RATAN-600, Karl G. Jansky Very Large Array, LAMOST, ALMA, FAST, LHAASO, Square Kilometre Array (SKA).

Citations

The origin of human civilzation’s comprehension of the universe can be traced back to Hubble’s epic tale at the Mount Wilson Observatory, and through it we gain a profound appreciation of how science speaks with evidence. (Ch. 1, Mount Wilson Observatory, p. 13)

The completion of one astronomical artifact after another on Chinese soil is gradually shifting the center of the world’s astronomical community from the West to the East. The new era of Chinese astronomy is approaching as the curtain of time’s transition opens. (Ch. 9, LAMOST, p. 142)

This journey from the unknown to the known, followed by the discovery of even more of the unknown, must be an amazing experience. As the creator of the SKA project and the backbone of its scientific study, the Chinese SKA team is ushering in a new epoch of astronomy right in our presence. (Ch. 13, Square Kilometer Array, p. 200)

Instruments spatiaux (sondes et télescopes)

a) sondes

Viking, Mars Explorer Rovers (MER), Voyager, Cassini-Huygens, Stardust.

Citation

While our bodies are weak and we may perish as a race, our minds are resilent and can maintain optimism even in the face of adversity. (Ch. 16, Voyager Program, p. 243)

b) télescopes

SOHO, Hipparcos, Spitzer, Chandra X-ray, Hubble, Cosmic Background Explorer (COBE) et Wilkinson Microwave Anisotropy Probe (WMAP), DArk Matter Particle Explorer (DAMPE), James Webb, Chinese H-alpha Solar Explorer (CHASE).

Citations

With its help [Chandra X-ray Observatory], a violent cosmos with great collisions, explosions, and radiation all the time has been revealed to humanity for the first time, showing mankind the other side of the deep and tranquil universe. (Ch. 22, Chandra X-ray Observatory, p. 316)

The Hubble Space Telescope represents the greatest concentration of human effort to date in its pursuit of knowledge about the universe’s remote past and distant future. (Ch, 23, Hubble Space Telescope, p. 342)

Science today has blossomed into a multitude of specialized branches, each a dedicated field of study. A scientist might spend a lifetime delving into just one narrow area, achieving significant breakthroughs. (Ch. 27, CHASE, p. 406)

Collection

À quelques reprises, Jie Wang invite ses jeunes compatriotes à s’intéresser à la science et à relever de nouveaux défis astronomiques. Le livre Eye Beyond the Sky est d’ailleurs publié dans la série Astronomer’s Universe, une collection d’ouvrages didactiques des Éditions Springer.

Appréciation

Une histoire passionnante des instruments astronomiques contemporains relatée par un vulgarisateur scientifique oriental.

Une présentation dégagée, illustrée et bien structurée.

Référence

Wang, Jie. – Eye Beyond the Sky. 27 Telescopes and Space Probes, from Hooker to JWST. – Traduction du chinois à l’anglais par Xiaoyan Huang. – Shanghai : Shanghai Educational Publishing House / Singapore : Springer, 2024. – viii, 409 p. – (Collection Astronomer’s Universe). – ISBN 978-9-8199-9817-3. – BAnQ : 512.1 W2464e 2024.

Image

LAMOST (Large Sky Area Multi-Object Fibre Spectroscopic Telescope) – Source : Paul Hilscher, The LAMSOST telescope at Xinglong Station, 2008; Sheliak at English Wikipedia, CC BY-SA 3.0.

Livre numérique

Astronomie et astrophysique : répertoire de sites et recueil de recensions. – [Gratuit].

24 mai 2025

Les os de la méduse


Les cadavres ont rarement le sens de l’humour. Celui-là faisait définitivement exception. On aurait dit qu’il souriait.

Ce sont les premières phrases du roman de Jean-Louis Blanchard. Le ton désopilant du polar est donné. Pour l’enchantement du lecteur, comme ce fut le cas pour Le silence des pélicans. Une nouvelle enquête de Bonneau et Lamouche, tout aussi captivante.

Un cadavre singulier est découvert dans une riche demeure de Montréal. En inspectant les lieux, l’inspecteur adjoint Lamouche prend quelques photos, dont celle-ci : Le radeau de la Méduse. «Il s’agissait d’un énorme tableau qui occupait l’un des murs du grand salon. Ce n’était pas tant le sujet de cette peinture qui l’intéressait, mais le fait que celle-ci occupait un mur complet à elle seule. En fait, il était manifeste qu’on avait aménagé cet espace précisément pour y installer ce tableau.»

L’intrigue multiforme est serrée, mais le lecteur peut tout de même noter quelques indices épars au cours de sa lecture. Par ailleurs, d’un chapitre à l’autre, analyser la structure narrative du récit s’avère un régal.

Bref, une enquête palpitante ! Une écriture enlevante !

Référence

Blanchard, Jean-Louis. – Les os de la méduse. Une enquête de Bonneau et Lamouche. – Montréal : Groupe Fides, 2024. – (Biblio-Fides). – 405 p. – ISBN 978-2-7621-4658-5. – [Citations : p. 5, 43]. – Bibliothèques Montréal et BAnQ : BLA JL os; Blanchard B6395o.

L’auteur a reçu à Saint-Pacôme le prix Jacques-Mayer du premier polar pour Le silence des pélicans, première enquête de Bonneau et Lamouche. – [Note biographique, p. 405].

Image

Le Radeau de la Méduse (Théodore Géricault, 1818-1819) [Wikipédia]

Articles connexes / Enquêtes de Bonneau et Lamouche

[ 1 ] – Le silence des pélicans
[ 2 ] – Les os de la méduse
[ 3 ] – La constellation du chat
[ 4 ] – La femme papillon

Sur la Toile

Le radeau de la Méduse (Théodore Géricault, 1818-1819) [Le Louvre]
Le Radeau de La Méduse (analyse) [Panorama de l’Art]

18 mai 2025

Une histoire des livres botaniques marquants


The books and manuscripts included in our Botanists’ Library reflect our interpretation of how botany has developed over time amid shifting attitudes, approaches, knowledge and resources. […] It is a tumultuous story of curiosity, power and greed – and of our relentless quest to quatify and classify the natural world that is ongoing today.

Les autrices britanniques Carolyn Fry et Emma Wayland recensent et présentent les livres ayant eu un impact majeur sur l’émergence et le développement de la botanique au cours de l’histoire. L’image d’un tournesol figure sur la page de couverture.

L’introduction explique le but des autrices et les modalités de sélection des ouvrages, compte tenu des œuvres détruites par les catastrophes naturelles et humaines. Puis, le contenu des six parties du livre est ensuite esquissé.

Première partie (Antiquité à 1450) – Les livres retenus sont des manuscrits portant principalement sur des plantes médicinales composés dans les premières civilisations : Égypte, Inde, Grèce, Monde gréco-romain, Europe médiévale (monastères), Chine, Inde médiévale, Monde islamique (et son influence en Europe chrétienne). Une quarantaine d’illustrations (livres, planches botaniques, portraits, œuvres d’art) accompagnent et enrichissent les exposés, par exemple 4 planches du Codex Vindobonensis [Dioscoride] et 7 planches du Carrara Herbal [Sérapion le Jeune ou Ibn Sarabi].

Deuxième partie (1450-1600) – C’est l’époque de la Renaissance. L’importance de l’imprimerie est soulignée : «The stydy of plants was changed completely by printed books, a global shift in the way knowledge was owned, distribued ans used.» Plusieurs publications européennes illustrent les changements successifs apportés pour l’édition de livres botaniques. À titre d’exemple (plusieurs planches) : Herbarium vivae eicones (Otto Brunfels, 1530) et De historia stirpium (Leonhart Fuchs, 1542). Le bref et dernier chapitre est dédié au monde non européen. Le Codex de Florence [Bernardino de Sahagún, 1558-1577] est cité en exemple. Cette partie compte 40 illustrations, dont 20 planches, 5 portraits et la Carte de la Floride (Jacques Le Moyne de Morgues, Théodore de Bry, 1591).

Troisième partie (1600-1750) – Les botanistes européens s’intéressent davantage à l’ensemble des plantes, dont les plantes non médicinales ou importées des autres continents. L’impression des livres par gravure sur bois cède graduellement la place à la gravure sur plaque de cuivre.

Les florilèges mettent en valeur l’esthétique des plantes, par exemple le Mr. Marshal’s Book (Alexander Marshal, 1650). La commercialisation des plantes se développe, comme l’atteste ce catalogue de semences : Twelve Months of Flowers (Robert Furber, 1730). Par ailleurs, les botanistes commencent à publier des flores [taxonomie], par exemple : Catalogus plantarum Angliae [espèces] (John Ray, 1670); Prodromus historiae generalis [familles] (Pierre Magnol, 1689); Éléments de botanique ou méthode pour connaître les plantes [genres] (Joseph Pitton de Tournefort, 1694).

L’impérialisme et le mercantilisme européens favorisent l’exploitation de leurs colonies, notamment dans le domaine botanique. Ces publications en témoignent : Rerum medicarum Novae Hispaniae thesaurus (Francisco Hernández, 1651), Historia naturalis Brasiliae (Georg Macgrave et Willem Piso, 1648), Herbarium amboinense (Johannes Burman, 1741-1750), Hortus Malabaricus (Hendrik van Rheede, 1678-1693).

Deux ouvrages illustrent l’intérêt envers la biodiversité : Metamorphosis Insectorum Surinamensium (Maria Sibylla Merian, 1705), The Natural History of Carolina, Florida and the Bahama Islands (Mark Catesby, 1731-1743).

Un bref passage porte sur l’exploration botanique en Extrême-Orient (Chine, Japon) et la publication de ces deux livres européens : Flora sinensis (Michał Piotr Boym, 1656), Amoenitatm exoticarum (Engelbert Kaempfer, 1712).

Les derniers chapitres ont trait à deux innovations : l’utilisation du microscope pour étudier l’anatomie des plantes (Micrographia, Robert Hooke, 1665) et la nouvelle classification des plantes par Carl Linnaeus (Species Plantarum, 1753).

Cette partie compte 65 illustrations, dont 39 planches et 10 portraits.

Quatrième partie (1750-1830) – C’est le siècle des Lumières. Les publications de grands naturalistes et botanistes de cette époque sont présentées. À titre d’exemple : Curtis’ Botanical Magazine (1787-) [William Curtis], La Botanique mise à la portée de tout le monde (Nicolas Regnault, 1774-1780), Herbier de la France (Pierre Bulliard, 1780-1793), Selectarum stirpium americanarum (Nikolaus von Jacquin, 1763), Plantae Asiaticae rariores (Nathaniel Wallich,1839-1832), Les Roses et Choix des plus belles fleurs (Pierre-Joseph Redouté, 1817-1824 et 1827), Flore française (Alphonse de Candolle, 1805-1815), Muscologia Britannica (William Jackson Hooker et Thomas Taylor, 1818). Cette partie compte 65 illustrations, dont 39 planches et 13 portraits.

Cinquième partie (1830-1950) – La botanique devient une science. Le premier chapitre est consacré à la botanique au Japon. À titre d’exemple : l’atlas Honzō Zufu (Iwasaki Tsunemasa, 1828-). Les chapitres suivants portent sur les collections d’orchidées, la théorie de l’évolution de Charles Darwin, le rôle de pionnières en botanique (Anna Atkins, Jane London, Charlotte Mary Young), la classification des plantes de George Bentham (Genera plantarum, 1862-1863), les travaux sur la génétique de Gregor Mendel, l’intérêt envers l’écologie, les jardins et les parcs, la ferveur envers les flores nationales (ex.: Gaston Bonnier, Flore complète illustrée de France, Suisse et Belgique, 1911-1934), et l’étude des plantes au niveau de la cellule. Cette partie compte 66 illustrations, dont 28 planches et 18 portraits.

Sixième partie (1850 à nos jours) – Le monde contemporain. Ces thèmes sont successivement abordés : la découverte de la structure de l’acide désoxyribonucléique (ADN); de nouvelles classifications des plantes (Armen Takhtajan, Arthur Cronquist, Angiosperm Phylogeny Group); la publication de nouvelles flores [éventuellement sous forme numérique] : Flora Europaea (1964-1993), Flora of the USSR (1931-1964), Flora Reipublicae Popularis Sinicae (1959-2004), Flora of North America (1993-2024), Flora of Tropical East Africa (1948-2012), Flora of West Tropical of Africa (1954-1972); les préoccupations envers l’environnement et les changements climatiques. La pertinence d’illustrations botaniques est ensuite abordée, la découverte de l’espèce Victoria boliviana (2022) illustrée par l’artiste Lucy T. Smith est relatée à titre d’exemple. Le chapitre est complété par la présentation de florilèges et de guides botaniques, par exemple : The Alcatraz Florilegium (2016) et Collins Pocket Guide to Wild Flowers (David McClintock et R.S.R. Fitter).

Le livre est complété par un index, des suggestions de lectures complémentaires, les crédits photographiques et les remerciements.

Une synthèse intéressante et instructive sur l’histoire des publications botaniques majeures, avec une abondance d’illustrations exemplaires.

Référence

Fry, Carolyn; Wayland, Emma. – The Botanists’ Library. The Most Important Botanical Books in History. – Londres : Ivy Press, 2024. – 272 p. – ISBN 978-0-71129-495-0. – [Citations : p. 10, 1, 52]. – BAnQ : 016.58 F946b 2024.

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Tournesol (Helianthus annuus, Asteraceae) © Claude Trudel, Le monde en images, CCDMD. Photo prise au Jardin botanique de Montréal, tirée de l’album Plantes traditionnelles. – Une planche de Tournesol dessinée par Alexander Marshal est reproduite dans The Botanists’ Library, à la page 94.

Sur la Toile

Albums botaniques (livres numériques gratuits). – Les albums de photos peuvent être consultés directement en ligne, sans téléchargement préalable.

Collection de photos. – La collection de Claude Trudel compte plusieurs milliers de photos botaniques. Les photos peuvent être vues individuellement ou en diaporama. Elles peuvent aussi être envoyées au format carte postale virtuelle. Sous une licence CC BY-NC-SA, les photos peuvent être utilisées gratuitement à des fins éducatives non commerciales.

10 mai 2025

Histoires étranges et merveilleuses / Ahmad al-Qalyoûbî


Il suffit, pour donner une première idée de l’importance de l’ouvrage que nous présentons aujourd’hui, de rappeler qu’il puise très exactement aux mêmes sources que les Mille et Une Nuits – même si l’auteur s’ingénie à traiter « à sa manière » les thèmes chers à l littérature arabe populaire. (René R. Khawam)

Les contes du recueil Histoires étranges et merveilleuses d’Ahmad al-Qalyoûbî (c.1580-1659) ont été traduit sur les manuscrits originaux par René R. Khawam (1917-2004).

L’introduction du traducteur compte 31 pages, suivie de la liste des ouvrages d’Ahmad al-Qalyoûbî (4 pages) : Commentaires, Ouvrages religieux, Géographie, Histoire, Autres sciences, Ésotérisme, Littérature. Les notes infrapaginales de René R. Khawam sont nombreuses, en particulier sur les personnages et lieux cités dans les contes. Par ailleurs, le livre est complété par un index des noms propres et la table des matières.

Après avoir souligné l’importance du recueil de contes, dans le paragraphe initial de son introduction, René R. Khawam aborde successivement ces thèmes :

1° contexte social – Éléments biographiques sur Ahmad al-Qalyoûbî, sa ville et région de naissance (près du Caire), et le milieu culturel de son époque : «Depuis toujours, cette contrée du terroir égyptien le plus pur, le plus authentique, baignait dans une atmosphère de légende sacrée, de mystère. Le monde invisible y avait sa place naturelle, au sein de la réalité quotidienne des tâches paysannes et des devoirs commandés par la religion du Prophète.» À titre d’exemple Khawam cite deux grandes festivités annuelles reliées à la crue du Nil et le départ des pèlerins pour La Mekke.

2° contexte intellectuel – Le Caire est le centre spirituel du monde islamique, alors que l’Égypte est dirigée par un pacha turc et qu’elle n’est plus le grand centre commercial de la Méditerranée orientale. À l’université coranique d’al-Azhar, Ahmad al-Qalyoûbî suit l’enseignement de maîtres prestigieux, dans un contexte où la filiation de maître à disciple joue un grand rôle. Devenu enseignant vers 1630, Ahmad al-Qalyoûbî jouit d’une réputation marquante, tant pour sa personnalité que pour son érudition dans les domaines les plus divers. À titre d’exemple, Khawam cite des extraits portant sur le traitement des humeurs et l’interprétation des songes.

3° contexte politique – L’Empire ottoman est en pleine décadence : «Ahmad al-Qalyoûbî de son vivant ne verra pas moins de six sultans se succéder sur le trône turc». L’Égypte subit les conséquences de ce déclin impérial. Dans ce contexte instable et violent, Ahmad al-Qalyoûbî se consacre à promouvoir la restauration des valeurs traditionnelles de l’Islam.

4° contexte éditorial – Khawam compare les nombreuses éditions arabes et quelques traductions antérieures, en soulignant les différences significatives avec les manuscrits originaux. Sa traduction, à partir de ceux-ci, respecte les compositions les plus authentiques des 151 contes des Histoires étranges et merveilleuses. Il présente ensuite les caractéristiques littéraires des contes d’Ahmad al-Qalyoûbî : thèmes, sujets, style d’écriture, procédés littéraires. Il conclut son exposé en proposant la lecture des contes selon quatre niveaux : anecdote, remontrance morale, enseignement proprement religieux et surtout initiatique.

La lecture préalable de l’introduction permet de mieux comprendre, apprécier et savourer la richesse de la langue populaire des contes arabes d’Ahmad al-Qalyoûbî.

Référence

al-Qalyoûbî, Ahmad. – Histoires étranges et merveilleuses. – Traduction intégrale, par René R. Khawam. – Paris : Éditions Phébus, 2019 © 1977. – (Collection Libretto, n° 662). – 313 p. – ISBN 978-2-36914-499-1. – [Citations : p. 7, 9, 22]. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : 398.20953 QAL et Qalyubi Ahm Q11h.

Traducteur

René R. Khawam (Wikipédia)
René R. Khawam, traducteur de la littérature arabe classique (Le Monde)

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Céramique d’Iznik © Claude Trudel, Le monde en images, CCDMD.

Articles connexes

La première géographie de l’Occident (Idrîsî)
Le Voile arraché (‘Abd al-Rahmâne al-Djawbari)
La séance printanière (Abû Muhammad Al Qâsim al-Harîrî)
Description de l’Afrique (Jean-Léon l’Africain)
Le poète al-Mutanabbi (915-965)
La grande mosquée de Damas (Ibn Battûta)
Voyage au centre du monde (Ibn Jubayr)
Les Assassins d’Alamût

02 mai 2025

Le silence des pélicans


– J’avais demandé un poisson, pas de la gibelotte !
C’est un tartare de saumon. Vous avez vous-même choisi ce plat sur le menu.
T’appelles ça un menu ? J’haïs ça les restaurants où il faut apporter un dictionnaire ! Des titres compliqués juste pour charger plus cher !

Ce dialogue entre l’inspecteur Bonneau et le serveur du Bistoquet est à l’image d’innombrables conversations et situations hilarantes relatées tout au long du polar de Jean-Louis Blanchard. Les personnages, les intrigues et les lieux du roman diffèrent de ceux du film Le silence des agneaux, bien que celui-ci fasse l’objet d’un commentaire cocasse de la part du policier.



Tout commence par un accident mortel à l’intersection des rues Ontario et Dufresne, dans le Centre-Sud de Montréal. C’est le Prologue.

Dès le chapitre initial, le lecteur fait connaissance avec l’inspecteur Bonneau dont l’incompétence est notoire. Un assassinat survient au cours du chapitre suivant. Puis, au chapitre 3, l’inspecteur chevronné apprend qu’on lui impose un assistant dénommé Lamouche, fraîchement renvoyé de l’École de police de Nicolet pour insubordination. Ces protagonistes, comme tous les autres personnages, sont bien typés.

Une enquête de Bonneau et Lamouche.

La lecture du roman est très agréable, le style d’écriture étant limpide et bien rythmé. Les multiples intrigues s’enchaînent avec cohérence et fluidité. Plusieurs péripéties sont évidemment dramatiques, mais elles contiennent aussi des éléments amusants ou burlesques. Les dialogues sont serrés, mais généralement savoureux.

Un livre qui se lit d’une traite !

Référence

Blanchard, Jean-Louis. – Le silence des pélicans. Une enquête de Bonneau et Lamouche. – Montréal : Groupe Fides, 2023. – (Biblio-Fides). – 376 p. – ISBN 978-2-7621-4615-8. – [Citation : p. 89]. – Bibliothèques Montréal et BAnQ : BLA JL si ; Blanchard B6395s.

L’auteur a reçu à Saint-Pacôme le prix Jacques-Mayer du premier polar pour Le silence des pélicans, première enquête de Bonneau et Lamouche. – [Note biographique, p. 375].

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Fleuve Saint-Laurent © Claude Trudel, Le monde en images, CCDMD.

Articles connexes / Enquêtes de Bonneau et Lamouche

[ 1 ] – Le silence des pélicans
[ 2 ] – Les os de la méduse
[ 3 ] – La constellation du chat
[ 4 ] – La femme papillon

16 avril 2025

Les aventures naturalistes de Joseph de Jussieu


Héliotrope arborescent (Heliotropium arborescens, Boraginaceae) – «Cette plante, qui fleurit aujourd’hui dans une multitude de jardins de par le monde, est certainement le legs le plus visible du botaniste.»

Dans son livre intitulé Les conquistadors du savoir, Bernard Jimenez consacre un chapitre au botaniste Joseph de Jussieu (1704-1779), sous le titre Les aventures naturalistes de Joseph de Jussieu.

L’auteur aborde l’œuvre du botaniste en deux parties. Son récit est largement illustré par des documents de première source (dessins, cartes), des peintures artistiques et des photos contemporaines (plantes, paysages).

Première partie – Histoire naturelle et médecine, 1736-1747

[ 1 ] – Les trésors végétaux de « l’avenue des volcans » (1736-1739) – Les découvertes botaniques de Jussieu dans les environs de Quito : Duranta triacantha, Calceolaria crenata, Tigrida pavonia, Heliotropium arborescens, Cactus cylindrus, Chiquiraga jussieui, Lupinus alopecuroides, Azorella compacta. Ces espèces sont illustrées (5 dessins de Jussieu et 3 photos contemporaines).

[ 2 ] – Quinquina, l’or amer des Indes (1737-1739) – L’usage de l’écorce réduite en poudre de l’arbre Quiquina est répandu en Europe au 17e siècle. Mais c’est Joseph de Jussieu qui saura l’identifié précisément, sous sept espèces, dans la région de Loja. Ce n’est qu’en 1936 que son mémoire le décrivant sera publié. Des illustrations du Cinchona officinalis de Jussieu et/ou Morainville accompagnent le récit.

[ 3 ] – Malade, séquestré, puis médecin pour survivre (1739-1747) – Le contexte général (contrebandiers anglais et guerre de Succession d’Autriche) et local (fièvres à répétition, sans nouvelle de ses frères, manque d’argent, épidémie à Quito, contraint de rester sur place pour exercer la médecine, nuages de cendres causés par l’éruption du volcan Cotopaxi en 1744, intempéries) empêche Jussieu de regagner la France.

Seconde partie – L’exploration botanique des Andes et de l’Oriente, 1747-1758

[ 4 ] – À la recherche de la mythique cannelle (décembre 1747-avril 1748) – Les péripéties de l’expédition à la recherche de l’arbre à cannelle sont relatées avec minutie. Mais l’espèce Borbinia peruviana (Ocotea quixos) découverte et décrite par Jussieu n’a pas les qualités de l’espèce Cinnamomum verum (Ceylan, Sri Lanka). Plusieurs dessins de Jussieu et photos contemporaines accompagnent le récit.

[ 5 ] – Le voyage à Lima, avril-septembre 1748 – Jussieu illustre le cactus Cleistocactus neorezlii au cours de son périple et dessine trois oiseaux de Lima ou des environs. Il accepte de retourner en France par Buenos Aires, en compagne de Louis Godin.

[ 6 ] – Dans la vallée sacrée des Incas, septembre 1748-juin 1749 – Après 13 ans écoulés depuis son départ de La Rochelle, et de nombreuses fièvres, Jussieu entreprend avec enthousiasme la prochaine étape de son voyage de retour. De Lima au lac Titicaca, il herborise; par exemple : Passiflora edulis, Annona cherimola, Cantua buxifolia, Allionia incarnata, Crytopetalon ciliare, Ayenia pusilla, Opuntia soehrensii, Tropaeolum oerigrinum, Ullucus tuberosus. En cours de route, il visite plusieurs mines. Plusieurs dessins de Jussieu et des photos contemporaines.

[ 7 ] – Du lac Titicaca aux Yungas, juin-juillet 1749 – Dans ces régions, Jussieu s’attarde pour découvrir et décrire de nouvelles plantes : Buddleja incana, Escobedia scabrifolia, Erythroxylum coca. Trois dessins de Jussieu.

[ 8 ] – L’exploration botanique de l’Oriente, avril 1749-juillet 1750 – Dans la région de Santa Cruz de la Sierra et les missions jésuites de Chiquitos, le botaniste herborise de nouveau : Ficus boliviana, Guapurium peruvianum, Passiflora tomentosa, Garcinia madruno. Cartes dressées et plantes dessinées par Jussieu.

[ 9 ] – Ingénieur à Potosi, autonome 1750-décembre 1755 – Lors de son long séjour à Potosi, Jussieu exerce ses talents d’ingénieur, en particulier pour l’amélioration du fonctionnement d’un moulin à aubes et la reconstruction d’un pont important sur la rivière Pilcomayo. En route vers Lima, pour son retour en Europe avec le gouverneur Domingo de Jàuregui, Jussieur poursuit ses travaux botaniques : Neowerdermannia vorwerkii, Mimosa strombufira. Des dessins techniques et botaniques de Jussieu accompagnent l’exposé.

[ 10 ] – La triste fin d’un chasseur de plantes, janvier 1756-avril 1779 – Après un séjour de 20 ans en Amérique latine, Jussieu retourne à Lima. Il apprend alors le décès de sa mère et de plusieurs de ses frères et la perte de ses envois de plantes. À défaut de pouvoir herboriser, suite à sa maladie pulmonaire attrapée à Potosi, il exerce la médecine, souvent gratuitement pour les pauvres. Il rentre finalement en France en 1771, mentalement malade, après 35 ans d’absence.

Bernard Jimenez témoigne ainsi de la fin de Jussieu : «Sa fin de vie est un martyre. Paralysé, aveugle, Joseph meurt de la gangrène après huit jours de terribles souffrances, le 11 avril 1779, à l’âge de 74 ans.»

Témoignage de Nicolas de Condorset (1743-1794) envers Joseph de Jussieu : une «figure tragique de l’histoire des sciences».

De son œuvre immense ayant survécu, une centaine de dessins et quelque 400 planches d’herbier, Jussieu laisse aussi le souvenir de son humanisme envers les plus pauvres.

Référence

Jimenez, Bernard. – Les conquistadors du savoir. Une fabuleuse épopée scientifique en Amérique du Sud, 1735-1743. – Préface de Christian Grataloup. – Paris : Glénat / La Société de géographie, 2024. – 192 p. – ISBN 978-2-344-058275. – Chapitre 4 : Les aventures naturalistes de Joseph de Jussieu, p. 102-139. – [Citations : p. 103, 137, 139]. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : 508.8 J614c 2024.

Image

Héliotrope arborescent (Heliotropium arborescens, Boraginaceae) © Claude Trudel, Le monde en images, CCDMD. – Photo affichée dans l’album Plantes en Amérique latine et aux Antilles (2025), p. 67.

Articles connexes

La Condamine en Amérique du Sud
La mesure du Nouveau Monde