Il est temps de reconnaître que l’arbre n’est l’apanage de personne, qu’il mérite d’être reconnu comme un patrimoine commun à toute l’humanité, dont la connaissance doit être collective.
C’est dans cette perspective que le célèbre botaniste français a rédigé son livre grand public sur l’arbre, fort de son expérience sous les tropiques. La suite de son avant-propos porte sur les diverses perceptions de l’arbre et les limitations inhérentes au vocabulaire botanique.
L’ouvrage est divisé en trois parties:
Structures et fonctions, Portraits d’arbres, L’arbre notre compagnon. Il est complété par une conclusion, un portfolio, un cahier des charges, une bibliographie, un glossaire et un index.
1. - Structures et fonctions
La première partie commence par une question toute simple, voire triviale: «Peut-on définir l’arbre?» Et pourtant la réponse à cette interrogation est plutôt complexe. Franci Hallé aborde le sujet sous les angles positif et négatif, en discourant sur plusieurs attributs (présents ou non) de l’arbre: la hauteur, la verticalité, le tronc rigide, les branches et la longévité. Après cette rétrospective, l’auteur formule sa définition du mot
arbre.
Le deuxième volet est consacré à l’arborescence en comparant la première et la dernière formes des plantes: herbes, buissons, arbrisseaux, arbustes, lianes et arbres. Hallé compare les herbes aux plantes en fonction de leurs noms communs et de leurs latitudes. Il en dégage un énoncé biogéographique: «dans une famille végétale cosmopolite, la plupart des arbres vivent entre les tropiques (0°-23°), tandis que la plupart des herbes habitent les régions tempérées (24°-60°) ou froides (60°-80°).» Il termine cette facette de son exposé en dénonçant le biais inféré par les naturalistes et botanistes originaires des régions tempérées.
Le troisième chapitre est plus long et beaucoup plus technique. Il porte sur l’architecture de l’arbre, de la colonie-arbre. L’auteur présente les vingt-deux modèles architecturaux actuellement confirmés. Il poursuit en expliquant d’une façon exhaustive le phénomène-clé de la réitération sous plusieurs angles: la nature du phénomène, les racines des unités réitérées (UR), l’inclinaison de l’axe porteur, l’hypothèse du bois racinaire, le contraste entre le bois jeune et le bois adulte. Le caractère coloniaire de l’arbre est ensuite détaillé dans un contexte où foisonnent observations et hypothèses: compétition et collaboration, existence illimitée. Ce dernier point donne lieu à des explications sur le gigantisme, le marcottage et la souche (lignotuber, plaque basale, chichis, drageon, génome) de certains arbres. Le chapitre se termine par des considérations bio-philosophiques, compte tenu de génotypes distincts dans un même arbre.
Le quatrième chapitre s’attarde à trois types de records: l’ampleur des surfaces d’échange, la vitesse de croissance et les dimensions des feuilles de l’arbre. L’auteur passe en revue un certain nombre d’arbres pour en sélectionner finalement un ou quelques-uns selon l’aspect envisagé. À titre d’exemple, la feuille gigantesque du Raphia royal de Beccari (
Raphia regalis): la plus grande feuille de ce palmier mesure 25,11 mètres de longueur et 4,90 mètres de largeurs; son poids est estimé à plus de 100 kilos.
Le chapitre suivant traite d’un phénomène étonnant chez les arbres à cambium, celui de l’enveloppement d’organismes vivants (branches), d’objets inertes (poutres métalliques, roches), de racines et de souches. Plusieurs schémas illustrent ces différentes modalités associatives. Auparavant, l’auteur avait distingué les trois parties concentriques d’un tronc: 1° bois mort au centre, 2° tissus vivants (aubier ou bois vivant, cambium et liber), 3° tissu mort (liège).
Le dernier chapitre de cette partie initiale porte sur la croissance en hélice, rare chez les feuillus et plus répandue chez les résineux. Dans le premier cas, l’auteur évoque les hypothèses explicatives formulées par Claus Mattherck et Hans Kübler. Dans le second cas, comme d’ailleurs dans le premier, les véritables causes de la croissance en hélice de certains arbres restent inconnues.
2. - Portraits d’arbres
Cette partie compte cinq chapitres respectivement dédiés à cinq arbres remarquables: Ombú ou Arbre au trottoir (
Phytolacca dioica), Durian (
Durian zibethinus), Eucalyptus (dont
Eucalyptus vernicosa), Hévéa ou Arbre à caoutchouc (
Hevea brasiliensis), Arbres épiphytes (dont
Ficus carica). L’auteur décrit les caractéristiques de ces arbres, tout en racontant des anecdotes relatives à ses nombreux voyages d’exploration botanique. Tout en étant encyclopédiques, ces descriptions et relations sont captivantes et fascinantes.
3. - L’arbre notre compagnon
Le premier chapitre traite des phytopratiques traditionnelles ayant cours à l’extérieur de l’Europe. C’est ainsi qu’il présente une quinzaine de pratiques curieuses et méconnues de l’usage de plusieurs arbres sous des titres évocateurs. Voici quelques exemples: arbre-fontaine ou Garoé (
Ocotea foetens) dans l’archipel des Canaries; l’arbre (
Moringa oleifera) dont les graines purifient l’eau au Soudan; le Baobab (
Andansonia) changé en citerne en Afrique de l’Est; la réserve d’eau pour le Cocotier (
Cocos nucifera) au Sri Lanka; l’Érythrine (
Erythrina) et le Durian (
Durian zibethinus) en Indonésie; la croissance accrue avec des mottes de terre dans les aisselles du Palmier dattier (
Phoenix sylvestris) au Bangladesh; les différentes techniques de macrobouturage pour une croissance rapide des arbres, dont celle appliquée au Narra (
Pterocarpus indicus) aux Philippines; la protection des Agrumes par les fourmis Écophylles en Chine; les Jaques (
Artocarpus heterophyllus) souterrains aux Philippines; les usages multiples du Bambou (
Dendrocalamus); la manipulation du microclimat à des fins agricoles.
Le chapitre suivant rend hommage à Ernst Zürcher, professeur à l’École polytechnique de Zurich, pour ses recherches innovatrices sur l’influence de la Lune sur la croissance des arbres et les dates d’abattages des arbres, en plus de ses études sur l’impact des marées dans les arbres.
Le troisième chapitre porte sur des arbres utilisés pour la fabrique d’instruments de musique: violon, alto, violoncelle, piano; abrasson; nounout.
Le dernier chapitre a été écrit conjointement avec Denis Michel. C’est une synthèse sur l’évolution de l’Homme d’après les recherches en paléoanthropologie. Les auteurs retracent l’évolution humaine depuis ses lointaines origines, notamment depuis l’époque arboricole de nos ancêtres. Les relations entre ceux-ci et les arbres sont mises en évidence. Bien sûr, ce long chapitre évoque de multiples hypothèses explicatives sur les caractéristiques typiques de l’
Homo sapiens.
Conclusion et compléments
La conclusion présente un florilèges de questions laissées en suspend et rappelle les raisons d’aimer les arbres. Ces réflexions sont suivies de compléments: portfolio (18 photos), cahier des charges, bibliographie, glossaire et index.
Référence
Hallé, Francis. - Plaidoyer pour l’arbre. - Paris: Actes Sud, 2005. - 213p. - ISBN 2-7427-57120-0. - [Citations, p. 11-27]. - Bibliothèque du Jardin botanique de Montréal: 0213.5 H3.1 / BAnQ: 582.16 H183p 2005.
Image
Cocotier (Coconut Palm),
Cocos nucifera,
Arecaceae, Jardin botanique de Montréal. - [Voir
Une réserve d’eau pour le Cocotier, p. 121-122].
Photos © Claude Trudel 2018 /
Le monde en images - CCDMD
Plusieurs autres photos d’arbres sont affichées dans cette
collection comptant plus de 3 400 photos prises au Jardin botanique de Montréal. Les photos originales ont une résolution de 2048 x 1152 pixels, mais elles sont aussi disponibles aux formats 320 x 180 pixels, 800 x 450 pixels, 1024 x 576 pixels et 1920 x 1080 pixels. Les photos peuvent être vues individuellement ou en diaporama. Elles peuvent aussi être envoyées au format carte postale virtuelle.
Exposition
Francis Hallé: Carnets d’un botaniste (Jardin botanique de Montréal, du 15 juin au 31 octobre 2018)
Jardin botanique de Montréal (JBM)