The man who drew the map acknowledged long-established traditions of how to draw China, but he also stepped outside that tradition to picture the lands that lay beyong China in a fashion no other Chinese cartographer had ever done.
Découvrir et explorer une ancienne carte géographique est toujours passionnant, encore plus lorsqu’il s’agit d’une carte chinoise anonyme du 17e siècle redécouverte au début du 21e siècle. Les secrets de cette carte fascinante sont dévoilés dans le récent livre du sinologue Timothy Brook, Mr Selden’s Map of China.
La préface commence par le rappel d’un événement marquant : l’achat de la carte de 1507 de Martin Waldseemüller par la Bibliothèque du Congrès, en 2003, pour la somme de dix millions de dollars. L’auteur compare ensuite cette carte singulière à la carte de la Chine surnommée Selden : vicissitudes de la carte de Waldseemüller, don de la carte chinoise par John Selden, en 1654, à la Bibliothèque Bodleian (Université Oxford), espace géographique couvert, dimensions et techniques de production, importance respective et implications différentes. L’auteur complète son introduction en précisant le but de sa démarche : l’exploration du monde contemporain de la carte Selden, une exploration qui l’a conduit à plusieurs découvertes surprenantes.
Le chapitre initial commence par des péripéties anecdotiques vécues par l’auteur lors d’un séjour en Chine, en 1976, sous le régime de Mao Tsé-toung. L’incident d’Hainan du 1er avril 2001 est ensuite relaté, le point de vue américain étant de nouveau privilégié par l’auteur. L’auteur raconte ensuite sa découverte de la carte Selden à la Bibliothèque Bodleian en 2009. Il fut alors étonné par diverses caractéristiques de cette carte singulière du 17e siècle : son grand format, l’espace représenté qui excède de beaucoup la Chine propre, les terres à la périphérie et la Mer de Chine méridionale au centre de la carte, le tracé de routes maritimes et surtout la ressemblance avec notre cartographie contemporaine. L’auteur enchaîne avec des considérations sur le droit de la mer : le traité de Tordesillas de 1494 d’abord, puis les points de vue du Néerlandais Huig de Groot (Grotius) et de l’Anglais John Selden. Il complète le chapitre en attirant l’attention du lecteur sur des archipels situés à proximité de l’île d’Hainan.
Le deuxième chapitre décrit le leg de John Selden (1584-1654) à l’Université Oxford, dont la carte de la Chine. La carrière du juriste est ensuite racontée. Le premier épisode a trait à la publication d’un livre controversé sur la dîme dans lequel Selden nie le droit divin. Le second présente deux œuvres à l’origine du droit international et les emprisonnements de Selden. Les connaissances linguistiques du juriste anglais sont abordées en fin de chapitre.
Le chapitre suivant présente Michel Shun Fo-Çung, le premier chinois invité à la Bibliothèque Bodleian, en 1687. L’auteur s’attarde sur l’étude des langues orientales à l’Université Oxford, tout particulièrement sur le rôle du bibliothécaire en chef Thomas Hyde. Les deux personnages, devenus amis en peu de temps, ont annoté la carte de la Chine donnée par Selden.
Le chapitre 4 commence par les vicissitudes vécues par le gouverneur de l’East India Company (EIC), Thomas Smythe, notamment au sujet d’une cargaison d’images érotiques rapportées du Japon en décembre 1614 par le commandant John Saris. Le commerce des épices est ensuite abordé sous l’angle de la rivalité anglo-hollandaise dans les Moluques. Les perspectives du commerce avec la Chine sont ensuite évoquées dans le contexte des relations anglo-chinoises menées par les Anglais John Saris, Richard Cocks et Will Adams, d’une part, et les frères chinois Li Dan et Li Huayu, d’autre part, dans le port japonais d’Hirado situé à proximité de Nagasaki. Des considérations sur la suprématie maritime tentée par Zheng Zhilong complètent ce chapitre.
Le chapitre 5 étudie trois traits uniques figurant sur la carte de la Chine de Selden : une rose des vents, une échelle graphique et un rectangle vide doublement encadré. Tout en rappelant que les Chinois ont inventé le compas de mer, l’auteur révèle avoir travaillé comme assistant de recherche auprès du célèbre sinologue Joseph Needham. Brook explique ensuite le contenu de deux sources uniques sur le monde maritime à l’époque des Ming (1368-1644) : Étude des mers orientale et occidentale (1617), de Zhang Xie, et un routier donné par William Laud en 1639 à la Bibliothèque Bodleian. À la fin du chapitre, l’auteur émet l’hypothèse que le compas et l’échelle sur la carte de Selden ont pu être empruntés à des cartes européennes, mais leur portée sur la carte chinoise est sans précédent chez les cartographes européens. Ces figures illustrent les routes maritimes commerciales.
Le chapitre suivant porte précisément sur ce commerce maritime. Sous les Ming, les points de départ des flottes chinoises sont les ports de Xiamen (Amoy) et Quanzhou, deux villes du Fujian, vers les mers Nanyang (Mer de Chine méridionale), Dongyang (Mer de Chine orientale) et Beiyang (Mer de Chine). Cette dernière direction se subdivise en deux routes, l’une vers l’île japonaise Kyushu, l’autre vers l’archipel Ryükyü. La route vers la Mer de Chine méridionale bifurque à plusieurs endroits pour conduire les navires jusqu’au détroit de Singapour et l’Océan Indien (Calcutta et ports sudarabiques inscrits dans un cartouche). L’autre route conduit à Manille, sur l’île de Luzon, dans Philippines, puis vers l’île de Bornéo. Une carte historique de ces trajets figure dans le livre de Brook.
Le chapitre 7 retrace la publication en 1625 de cartes de la Chine à Londres par Samuel Purchas. La première est une copie tirée de l’atlas publié en 1608 par Jodocus Hondius, celui-ci ayant copié la carte de la Chine publiée en 1584 par Abraham Ortelius. La seconde est une réplique d’une carte murale chinoise importée par John Saris en 1609, mais disparue depuis. L’auteur raconte ensuite la production de deux atlas, celui de John Speed (1612) et celui de Luo Hongxian (1555) utilisant la méthode du quadrillage géométrique. La carte de la Chine par Luo est reproduite dans le livre de Brook. Découverte par les jésuites, cette méthode sera dès lors adoptée par les cartographes européens. L’auteur rend hommage au travail encyclopédique de Zhang Huang, ainsi qu’à sa carte de la Chine publiée en 1613 dans son Tushu bian, tout en évoquant son bref contact avec le missionnaire Matteo Ricci. Le chapitre est complété par la comparaison des projections de Zhang Huang, Gerard Mercator, Abraham Ortelius et Samuel Purchas.
Le chapitre final révèle d’une façon exhaustive et palpitante les six secrets de la carte Selden, des secrets insoupçonnés que le lecteur découvre avec beaucoup d’étonnement. Tout comme la critique d’un polar ne dévoile pas la résolution d’un meurtre, cette recension ne dévoile pas les secrets mis à jour par Brook et son assistante Martha Lee.
L’épilogue réserve une autre surprise au lecteur. En plus, bien sûr, de la morale de l’histoire…
Cet ouvrage se lit comme un roman. Une étude captivante sur une ancienne carte géographique comme on en voit rarement. Son dénouement est digne d’une enquête historique passionannte.
Ouvrage d’un érudit, le livre de Timothy Brooks contient plusieurs outils de repérage : table des matières, liste des vingt-huit illustrations, notices biographiques de quatorze personnages, descriptions de neuf lieux, chronologie (1600-1692), annexes (compas chinois, côtes chinoises), remerciements et sources, index, photo et notice biographique de l’auteur.
Référence
Brook, Timothy. – Mr Selden’s Map of China. Decoding the Secrets of a Vanished Cartographer. – Toronto : Anansi, 2013. – xxiv, 213p, illustrations. – ISBN 978-1-77089-353-5. – BAnQ : 912.16472 S4642b 2013. – [Citation, p. xxi].
Sur la Toile
The Selden Map of China (Site officiel)
There were two independent ventures to China under English commanders in 1635, one by Henry Bornford (1635-6, chartered by the Portuguese from Goa to Macao and returning to Surat), and the other by William Courteen’s Association, which arrived in Macao in 1637, but neither records the capture of the map and the compass. Perhaps they were taken from a Chinese merchant ship associated with Quanzhou, as that is the starting point of all the sea routes on the map.
John Selden’s Map of East Asia (The Selden Map of China)
Dong Xi Yang Kao (A Study of the Eastern and Western Oceans)
Of the Dominion, or, Ownership of the Sea : Two Books
Ouvrage en latin de John Selden (1584-1654) traduit en anglais par Marchamont Nedham et imprimé à Londres en 1652 par William Du-Gard. Plusieurs éditions de ce livre sont contenues dans la Bibliothèque numérique Gallica (BnF), dont celle en latin de 1635.
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