19 décembre 2022

Silence, chef-d’œuvre de Didier Comès

Présentation - Personnages - Incipit - Phylactères - Étymologie - Conclusion - Références

PRÉSENTATION

Synopsis

Muet et simple d'esprit, Silence habite et travaille chez un fermier dominateur dans un petit village des Ardennes. Ignorant les rapports de force omniprésents dans la société, son destin sera tragiquement bouleversé par sa rencontre avec Sara. Ami des bêtes et naturellement bon, il apprendra à découvrir l'amour et la haine.
Réalisé en noir et blanc, ce chef-d’œuvre de Didier Comès met en opposition, d'une façon exemplaire, la simplicité et la fourberie, la quiétude et la violence, la différence et la norme. Un témoignage émouvant sur l'incommunicabilité...

Auteur

Didier Comès est né en 1942, à Sourbrodt, en Belgique. Il a publié ses bandes dessinées dans Le Soir, Spirou, Pilote, Tintin, Le trombone illustré et À suivre. C'est dans cette dernière revue qu'est paru d'abord Silence, avant d'être publié en album chez Casterman (1980, réédition 1991).

PERSONNAGES

Silence - Abel Mauvy - La Mouche - La Sorcière

SILENCE

Silence est né des amours de Violante Renard, fille célibataire d'un fermier belge des Ardennes, et de Gorgio, un Tzigane marié, dans le petit village de Beausonge, en 1941. Contrainte de se marier à Abel Mauvy, qui avait tué sournoisement Georgio, Violante meurt immédiatement après l'accouchement.
Muet et simple d'esprit, Silence est ridiculisé et frappé par les enfants de son âge. Il est aussi régulièrement battu, méprisé, humilié et exploité par son beau-père. Dans les années 1970, alors qu'il est dans la trentaine, soit au moment où se déroule le récit, Silence est ridiculisé et exploité par les gens du village.
Ami des bêtes et naturellement bon, un jour où il est privé de nourriture, il entrouvre la porte d'une grange dont l'accès est interdit. Il y rencontre ultérieurement Sara, une sorcière. Grâce à la magie, celle-ci va lui faire connaître l'histoire de ses parents. Cette connaissance sera éphémère puisque le charme se dissipe après la rencontre. Toutefois, Silence a apprécié devenir intelligent. Il rencontrera de nouveau Sara chez elle, dans une maison localisée à l'orée de la forêt. Sara lui fera découvrir la sorcellerie, la haine et l'amour.
Humilié par Sara qui repousse ses avances, Abel Mauvy la saigne à mort, puis la viole. Il fait porter son crime crapuleux sur Silence qui est rapidement arrêté, puis mis en prison. En captivité, Silence se lie d'amitié avec son camarade de cellule, le nain Blanche-Neige. Ensemble, ils réussissent à s'évader et se réfugient au sein du cirque ambulant de Zelda.
Silence retourne à la maison de la sorcière, comme celle-ci le lui avait intimé par l'intermédiaire d'un prisonnier médium. Après avoir fait brûler des champignons, il apprend comment Abel Mauvy a tué Sara. Sur les entrefaites, le meurtrier fait irruption, mais il est rapidement assommé par Silence qui quitte aussitôt les lieux. L'effet de la magie ayant cessé, Silence se rappelle tout de même le coquillage que Sara lui avait donné. Il retourne sur ses pas pour le récupérer: Abel Mauvy le tue et le décapite.
Curieux de savoir ce que contenait le sac de Silence, le meurtrier l'ouvre: une vipère en sort, enroule sa jambe, son corps, et le mord au cou. Blanche-Neige, qui avait surgi à cet instant, avec une arme, l'empêche de tuer le serpent. Abel Mauvy sort de la maison en criant, mortellement mordu par la vipère.
En fin de récit, la mort de Silence est sublimée. Face à mer, l'objet de son plus grand désir, Silence est rejoint par Sara. Survolés par des goélands, main dans la main, ils s'immergent tout doucement. Bientôt, seules les traces de leurs pas dans le sable restent visibles…

ABEL MAUVY

Mobilisé dans les gardes-frontières, au début de la Seconde Guerre mondiale, Abel Mauvy est autorisé à retourner exploiter sa ferme lorsque les Allemands s'emparent de la Belgique. De retour au village de Beausonge, il surprend sa promise avec le Tzigane Georgio. Il tue celui-ci, dans le dos, avec une fourche. Peu de temps après, il marie sa promise Vilolante. Enceinte, celle-ci avait accepté ce mariage à la condition que son enfant ne soit pas tué. Elle meurt à la naissance de son fils, né muet et simple d'esprit: Silence. De concert avec les autres hommes du village, par vengeance et pour s'assurer de son silence, Abel Mauvy brûle les yeux de Sara, la femme de Georgio.
Assumant la gestion de sa ferme et de celle de ses beaux-parents, Abel Mauvy s'enrichit et ses voisins dépendent également de lui. Il élève Silence très durement, le maintenant volontairement dans un état de subordination infantile. Il exploite systématiquement Silence, même lorsque celui-ci est devenu adulte. Il le prête même à des voisins pour effectuer les plus durs travaux.
Inquiet au sujet de l'éveil éventuel de Silence et atteint de terribles maux de tête, Abel Mauvy consulte La Mouche, le sorcier du village. Celui-ci le guérit de ses migraines, mais il ne parvient pas à éliminer la Sorcière. Entre-temps, Abel Mauvy cherche à violer Sara, mais celle-ci le repousse violemment. Ayant ensuite découvert que Silence et Sara sont amoureux l'un de l'autre, Abel Mauvy décide de venger son humiliation: il saigne à mort Sara, puis la viole. Il fait porter le crime odieux sur le dos de Silence.
Lorsqu'il apprend que Silence s'est évadé de prison, il se tient aux aguets. Averti par son voisin Toine de l'arrivée de Silence dans la maison de la Sorcière, il décide d'aller le tuer. À sa grande surprise, il se fait assommer par Silence. Quelques minutes plus tard, ayant repris connaissance, il reprend sa carabine et tue Silence. Fouillant dans le sac de celui-ci, il laisse sortir une vipère. Il est empêché de la tuer par le nain Blanche-Neige, survenu peu après les coups de feu. Mortellement mordu au cou, Abel Mauvy sort de la maison en hurlant. Son débiteur Toine, qui venait de le piéger, ignore ces cris...

LA MOUCHE

Gaspard Nailis, dit La Mouche, est le sorcier du village. Toujours entouré de mouches, il est reconnu pour sa malpropreté et son odeur nauséabonde. Fils d'un puissant sorcier, La Mouche est inféodé à Abel Mauvy.
Suite à ses migraines et à ses craintes envers Silence, Abel Mauvy fait appel à La Mouche pour être guéri et soulagé. Le sorcier réussit à guérir les maux de tête d'Abel Mauvy, mais il échoue dans sa tentative d'éliminer la Sorcière. Pour se venger, celle-ci lui jette un terrible sort. Extrêmement apeuré par des araignées qui envahissent sa maison, La Mouche se suicide.
Abel Mauvy, le curé et les sorciers de la région assistent à son enterrement. L'occasion donne lieu à une discussion entre le curé et Abel Mauvy sur la sorcellerie. Effrayés par la fin tragique de La Mouche, les autres sorciers refusent d'aider Abel Mauvy.

LA SORCIÈRE

Sara et Geogio, deux Tziganes en tournée dans les Ardennes, sont surpris par l'invasion allemande de la Belgique, en mai 1940. En fuite, ils se réfugient dans le village de Beausonge où Toine les accueille et les héberge. En retour, ils donnent occasionnellement des spectacles tandis que Georgio travaille dans les fermes de la région.
Petit à petit, Sara est appelée à dire la bonne aventure auprès des femmes du village inquiètes du sort réservé à leurs fils et à leurs maris soldats. C'est ainsi qu'elle est finalement surnommée la Sorcière. Pendant ce temps-là, Georgio devient amant de Violante. Après l'assassinat de Georgio par Abel Mauvy, Sara est intimidée et tenue au silence. Contrainte d'effectuer des travaux humiliants, elle connaît une solitude extrême et une existence misérable. Suite à la naissance de Silence, Abel Mauvy attribue à la Sorcière la mort de son épouse Violante et l'infirmité de son fils. En présence de tous les hommes du village, il lui brûle alors les yeux.
Plusieurs années plus tard, soit au moment où se déroule le récit, Sara décide de se venger d'Abel Mauvy et du village tout entier en utilisant Silence. C'est ainsi qu'elle accule La Mouche au suicide et qu'elle répand la peur chez les villageois. Toutefois, Silence s'oppose au sort jeté contre Abel Mauvy.
Ayant surpris la Sorcière et Silence au lit, Abel Mauvy décide de tuer Sara et de faire porter la responsabilité du crime sur Silence. Au-delà de sa mort, Sara révèle à Silence comment Abel Mauvy l'a tuée. Et après la mort de Silence, elle rejoint celui-ci au bord de la mer où elle s'immerge lentement avec lui.

INCIPIT


PREMIÈRE PLANCHE

Les huit cases sont des gros plans. Un double mouvement des regards et des corps de Silence et de la vipère caractérise cette planche.
La case 1 situe le héros éponyme dans une scène champêtre. Son regard perçant est dirigé vers une vipère menaçante. C'est vers la case 3 que le lecteur dirige naturellement son regard, au lieu d'aller à la case 2, suivant en cela la direction du regard de Silence. À la case 5, Silence regarde directement le lecteur. Puis, à la case 7, Silence et la vipère se regardent face à face.
La bande 3 est au cœur la planche: les cases 4 et 5 présentent les deux protagonistes regardant directement le lecteur, tandis que la case 6 présente le contact entre la langue du serpent et la main gauche de Silence. La case 7 présente un dénouement inattendu: l'entente harmonieuse entre les protagonistes, au lieu de la morsure mortelle attendue.
La case 1 présente la tête de Silence vue de biais. La case 3 présente le bas du corps de Silence vu de face. La case 5 présente la tête de Silence vue de face. La case 6 présente la main tendue de Silence vers la tête du serpent. La case 7 présente le haut du corps de Silence vu de côté. Les diverses parties des protagonistes sont harmonisées à la case 7, la vipère enroulant le bras gauche de Silence, et celui-ci lui tenant le cou avec sa main droite.
La conclusion de la scène est adressée directement au lecteur, à la case 8: «je mapel silence é je sui genti.» Par ces propos de Silence, notés sur une ardoise, le narrateur communique directement au lecteur certaines caractéristiques majeures du héros: muet, inoffensif et ami des bêtes.
Tout au long du récit, Silence et la vipère seront souvent confondus, renvoyant alors le lecteur aux cases 4 et 5 où leurs portraits sont présentés d'une façon symétrique. Le meilleur exemple étant celui observé à la case 3 de la page 55: au premier coup d'œil, le lecteur voit la tête d'un serpent, mais en fait il s'agit de la tête de Silence...

DEUXIÈME PLANCHE

Dès la case 1, le narrateur localise la scène champêtre. Il s'agit d'un petit village bucolique des Ardennes: Beausonge. Toponyme évocateur: un beau site, mais irréel. Cet aspect contradictoire sera repris aux cases 4 et 5 et tout au long du récit, plus particulièrement à la dernière planche.
Plusieurs animaux domestiques sont illustrés: vache, moutons, oies, cheval, chat. Par contre, dans un contraste frappant, une chouette clouée à des planches apporte un élément perturbateur au milieu de cette tranquille campagne. Les arbres morts encadrant la scène pastorale illustrée à la case 2 méritent aussi d'être soulignés.
L'amitié entre les humains, deux hommes se saluant à la case 3, et la cohabitation harmonieuse entre des époques différentes, un tracteur et un cheval symbolisant deux mondes agricoles, sont remarquables. Par contre, les vieux bâtiments de la case 4 et la remarque du narrateur, à la case 5, font penser que ce monde est attardé et que la quiétude de cet univers est illusoire...
Les dernières cases des planches 1 et 2 se renvoient l'une à l'autre. Ces aplats mettent en relief deux victimes du destin: Silence privé de la parole et la chouette privée de vol. Par voie de sorcellerie, une vision prémonitoire annonçant le destin funeste du héros ...

PHYLACTÈRES

L'auteur utilise les quatre types de phylactères suivants:

Le premier type de phylactère est utilisé pour les dialogues de tous les personnages, à l'exception de Silence.
Le deuxième type de phylactère est utilisé pour le dialogue intérieur (le monologue). Il est utilisé en tout temps pour Silence et, plus ou moins souvent, pour les personnages suivants: Abel Mauvy, Sara, La Mouche, Tonie et Blanche-Neige.
Le troisième type de phylactère est utilisé pour Sara quand elle est paralysée et qu'elle communique ses pensées à Silence (page 80). Le quatrième type de phylactère est utilisé pour La Mouche, lorsqu'il tremble de peur (page 84), pour Sara, lorsqu'elle communique ses pensées à Silence par l'intermédiaire du prisonnier Le Mage (page 122), et pour Julio, lorsqu'il se met en colère (page 146).

Outre les phylactères et certaines onomatopées, l'auteur recourt à plusieurs autres formes de communication scripturale (la page de la première occurrence est indiquée):
• propos de Silence adressés au lecteur sur une ardoise (19:8)
• propos du narrateur directement dans une case (20:1)
• propos du narrateur hors case (20:5)
• propos du narrateur hors case (22:10)
• propos d'un protagoniste adressés à un autre protagoniste sur une ardoise (24:3)
• affiche apposée sur un mur (32:3)
• carte postale (33:1)
• propos de Sara hors case (58:11)
• note de Silence au juge (116:2)
• article d'un journal (116:4)
• paroles d'une chanson directement dans une case (119:6)
• inscription sur un chandail (121:6)

ÉTYMOLOGIE

Silence se déroule vraisemblablement dans les années 1970, avec une brève évocation des années 1940, mais les mots clés du récit datent du Moyen-âge:

ami - 10e s. / amour - 12e s. / araignée - 12e s. / ardoise - 1175 / bon - 10e s. / brûler - 1120 / champignon - 1398 / cheval - 11e s. / chouette - 1175 / cirque - 1355 / cochon - 1090 / crapaud - 1180 / croix - 10e s. / curé - 13e s. / diable - 11e s. / dieu - 11e s. / fou - 1080 / mal - 9e s. / gâteau - 12e s. / gentil - 1260 / gitan - 1260 / grange - 1175 / haine - 12e s. / idiot - 1180 / imbécile - 1496 / initiation - 1488 / maître - 12e s. / mauvais - 1080 / médecin - 1392 / mer - 1050 / monstrueux - 1330 / mort - 10e s. / mouche - 1120 / muet - 12e s. / neige - 1325 / nuit - 960 / œil - 1380 / orage - 12e s. / péché - 14e s. / peur - 1290 / prince - 1120 / prison - 12e s. / roi - 1080 / sang - 10e s. / serpent - 1080 / silence - 1190 / sorcier - 12e s. / tuer - 12e s. / vengeance - 1080 / vipère - 1314.

CONCLUSION

Le récit témoigne de la pérennité des instincts, émotions et sentiments séculaires des humains, malgré la Seconde Guerre mondiale et le développement d'outils modernes (arme à feu, automobile, avion, camion, cinéma, photographie, tracteur, téléphone, télévision): l'incompréhension et la peur de la différence (Silence, muet et simple d'esprit), l'exploitation et l'oppression des plus faibles (Silence aux travaux forcés, sans rémunération, Sara aveuglée et isolée), le racisme (contre les Tziganes), la croyance au surnaturel (magie, sorcellerie, religion), le recours à l'assassinat comme solution à des situations problématiques (meurtres de Georgio, de La Mouche, de Sara, de Silence, d'Abel Mauvy).

RÉFÉRENCES

Livres

Comès, Didier. - Silence. - Tournai: Casterman, 1991, 159 pages. - ISBN 2-203-34307-9.

Nicole Everaert-Desmedt, présente une piste de lecture fort intéressante de Silence, dans son livre intitulé Sémiotique du récit (Bruxelles: De Boeck, 1992, pages 157- 161).

Les dates indiquées sous la rubrique intitulée Étymologie proviennent du dictionnaire Le Nouveau Petit Robert (Montréal: Dicorobert, 1993).

Duc. - L'Art de la BD: du scénario à la réalisation. - Paris: Génat, 1995 © 1982. - 191 pages. - ISBN 2-7234-0252-5. - [Cases de Silence aux pages 15, 22, 45, 148, 149, 154 et 164].

Sur la Toile (ajouts, le 19 décembre 2022)

Plusieurs pages de Silence peuvent être consultées sur Google, avec ces mots clés: Silence Comès (sélectionner l'onglet Images au-dessus des résultats de la recherche).

Silence (Wikipédia)

REMARQUE

Le texte original de cette recension a été publié en 2000 sur le site Formatic 2000 [Internet Archive], mais les deux références sur la Toile ont été ajoutées à la présente réédition.

07 décembre 2022

Des mirages cartographiques en Amérique du Nord


Les cartes nous enchantent, encore plus lorsqu’elles contiennent des lieux énigmatiques, voire fantaisistes. Alban Berson, cartothécaire à Bibliothèque et Archives nationales du Québec, dévoile les dessous d’anciennes cartes géographiques sur lesquelles figurent des mirages longtemps considérés comme des espaces réels.

Son nouveau livre, intitulé L’île aux Démons et autres mirages cartographiques de l’Amérique du Nord, 1507-1647, explique ces fameux espaces chimériques : île aux Démons, Norumbega, mer de Verrazano, Cibola et Quivira, Frisland et Drogeo, lac de Conibas, Rupes nigra et altissima (rocher noir au centre de l’océan Arctique), passage du Nord-Ouest avant Frobisher, détroit d’Anian, Nouveau-Danemark. À titre d’exemple, voyons ce dernier mirage figurant sur la carte ci-dessus.

La péninsule d’Ungava, au nord du Nouveau-Québec, est bien reconnaissable sur cette Carte de Groenland (1647) dressée par Isaac de La Peyrère. Par contre, les délimitations entre les espaces aquatiques et terrestres sont manifestement inexactes. Mais le plus surprenant est le toponyme Nouveau-Danemark, territoire où se trouve le Port d’hyver de Munk.

Alban Berson éclaircit ce mirage cartographique d’une façon méthodique et factuelle. Au point de départ, il rappelle que toutes les explorations de l’Arctique canadien sont le fait de marins anglais, de 1632 à 1576, sauf une.

Le capitaine Jens Munk entreprend un voyage vers la baie d’Hudson, en 1619, pour le compte du roi du Danemark. L’expédition est un désastre. Seuls Munk et deux hommes de son équipage reviennent au Danemark en 1620. Dans son journal, le capitaine désigne du nom de Nova Dania le site du port actuel de Churchill (Manitoba). Sur sa carte Baie d’Hudson (1624), il remplace les toponymes anglais par des noms danois, mais il n’indique pas le toponyme Nouveau-Danemark :


C’est sur la carte d’Isaac de La Peyrère qu’apparaît pour la première fois le toponyme Nouveau-Danemark. Sur sa célèbre carte Amerique septentrionale (1650), le cartographe Nicolas Sanson reprend ce toponyme qui perdurera longtemps sur des cartes ultérieures d’autres cartographes :


Dans la suite de son exposé, Alban Berson explique les motifs géopolitiques et historiques du maintien de l’appellation Nouveau-Danemark chez les cartographes français. Finalement, il s’attarde à la signification cosmologique de l’acte de nommer un territoire.

Tout au long de ses exposés, Alban Berson présente ses sources documentaires. Il fonde ses hypothèses et prises de position sur l’analyse de ces références contemporaines pour expliquer l’origine des mirages cartographiques. Ses propos sont illustrés par de nombreuses anciennes cartes géographiques. Ils sont aussi caractérisés par un style d’écriture clair et une grande érudition.

Quel plaisir de lire cet ouvrage qui nous révèle le phénomène étonnant des mirages cartographiques !

Référence

Berson, Alban. - L’île aux Démons et autres mirages cartographiques de l’Amérique du Nord, 1507-1647. - Québec : Éditions du Septentrion, 2022. - 152p. - ISBN 978-2-89791-384-7. - Bibliothèques de Montréal et BAnQ : cotes à venir.

Cartes

1624 - Baie d’Hudson - Jens Munk (Wikimedia Commons)
1647 - Carte de Groenland - Isaac La Peyrère (Wikimedia Commons)
1650 - Amerique septentrionale - Nicolas Sanson (BAnQ)

Sur la Toile

L’île aux démons : cartographie d’un mirage (Alban Berson, Carnet de la Bn, 22 octobre 2020)

1556 - La Nuova Francia [extrait] - Giacomo Gastaldi et Giovanni Battista Ramusio (BAnQ)


03 décembre 2022

Dictionnaire historique des gens du livre au Québec


Le monde du livre vient de s’enrichir d’un nouveau dictionnaire dédié plus précisément aux gens du livre au Québec. Il s’agit d’un ouvrage volumineux, mais surtout imposant par son riche contenu documentaire. Un livre de référence pour aujourd’hui et demain.

Au point de départ, la lectrice ou le lecteur pourra spontanément feuilleter le Dictionnaire et consulter telle ou telle notice de son choix. Par exemple, consulter les notices sur Hélène Grenier, Bernard Assiniwi, Éva Circé-Côté, Gustave Francq, Carole Levert, Albéric Bourgeois, ou la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec.

Mais pour avoir une vue d’ensemble des gens du livre et du Dictionnaire qui leur est dédié, il est souhaitable de lire la partie liminaire des autrices et directrices d’édition Josée Vincent et Marie-Pier Luneau.

Partie liminaire

Après avoir précisé les objectifs du Dictionnaire, l’introduction relate la genèse de l’ouvrage, l’évolution des métiers du livre et l’apport des communautés religieuses, puis présente des statistiques sur les personnes recensées dans l’ouvrage.

Le thème portant sur l’évolution des métiers du livre est le volet le plus développé de l'introduction. Cette présentation contribue à situer les notices dans le contexte historique de chacun de ces métiers : bibliophilie et bibliothéconomie; imprimerie, typographie et reliure; traduction; librairie et distribution; illustration; édition.

Les statistiques figurant dans l’introduction portent sur les personnes recensées ayant le plus marqué l’histoire du livre au Québec : dates de naissance, genre, lieu de naissance, milieu social, formation, état civil, second métier.

Enfin, l’introduction souligne l’intense travail collaboratif des artisans ayant mené à la réalisation du Dictionnaire, sous la responsabilité de chercheuses et de chercheurs reconnus dans leur domaine respectif :

- Paul Aubin : édition scolaire
- Frédéric Brisson : distribution et librairie
- Patricia Godbout : traduction et édition en anglais
- Pierre Hébert : illustration
- Marcel Lajeunesse : bibliothéconomie et bibliophilie
- Éric Leroux : imprimerie, typographie et reliure
- Marie-Pier Luneau : édition spécialisée
- Jacques Michon : édition littéraire et commerciale
- Suzanne Pouliot : livre jeunesse
- Josée Vincent : milieu associatif.

Les remerciements d’usage et la présentation des notices suivent l’introduction. À titre d’exemple, voyons les éléments constitutifs d’une notice portant sur une figure bien connue du monde de la politique, de l’éducation et du livre :

- titre : CHAUVEAU, Pierre-Joseph-Olivier (1820-1890)
- domaine(s) : Association/pouvoirs publics, Bibliophilie, Bibliothéconomie/archives
- brève biographie (introduction) : naissance, famille, activités, décès
- métier(s) du livre (développement) : activités, contributions remarquables; sommaire
- auteur de la notice : Marcel Lajeunesse
- références : 5 documents, soit le maximum autorisé.

Partie complémentaire

Le Dictionnaire est complété par plusieurs outils de recherche :

-Liste des outils utilisés pour la révision des notices
- Bibliographie générale : dictionnaires et encyclopédies, fonds d’archives, périodiques, bases de données, monographies, articles et autres sources
- Index des noms d’individus, d’institutions et de collectivités
- Index des noms des bibliothèques et des entreprises
- Collaboratrices et collaborateurs
- Table des illustrations
- Table des matières.

Référence

Vincent, Josée; Luneau, Marie-Pier; dir. - Dictionnaire historique des gens du livre au Québec. - Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal (PUM), 2022. - 757p. - ISBN 978-2-7606-4675-09. - Bibliothèques de Montréal et BAnQ : cotes à venir.

Photographie (non incluse dans le livre)

Imprimerie et reliure - 26 St-Gabriel / Libraire Beauchemin, Albums Massicotte - BAnQ : Domaine public au Canada; Notice 0002733882.

Contexte / À titre complémentaire, dans le Dictionnaire historique des gens du livre au Québec, voir la notice BEAUCHEMIN, Charles-Odilon (1822-1887) et BEAUCHEMIN, Louis-Joseph-Odilon (1852-1922), p. 98-100 : « Pendant près d’un siècle, la famille Beauchemin a régné sur le monde du livre au Québec, établissant un véritable empire, jouissant pendant longtemps d’un quasi-monopole. » (François Landry, auteur de la notice)