Pour une autohistoire amérindienne / Georges E. Sioui
Cet ouvrage est né du fait que l’histoire conventionnelle est incapable de produite un discours respectueux des Amérindiens et de la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et du monde, et qui serai propre à harmoniser la société.
Le livre de Georges E. Sioui, premier Amérindien à obtenir un doctorat en histoire au Canada, comprend une préface de Bruce G. Trigger, une introduction, six chapitres, une conclusion, un épilogue, une annexe, des notes et une bibliographie.
Introduction
L’introduction débute par le récit d’un traumatisme que l’auteur a subi à l’âge de six ans après avoir reçu sa première leçon d’histoire du Canada. Ce cours typique de l’enseignement traditionnel de l’histoire véhiculait des préjugés insultants, méprisants et dégradants envers les Autochtones.
Georges E. Sioui poursuit son exposé en confrontant les philosophies des deux sociétés : la théorie de l’évolutionnisme propre à la société dominante et le système de valeurs propre aux sociétés autochtones américaines.
L’auteur présente enfin les objectifs de sa démarche méthodologique d’autohistoire amérindienne et le plan de son ouvrage.
Autohistoire amérindienne
Les chapitres sont ainsi intitulés :
I - L’Amérique : la maladie a eu raison du diable
II - Le Cercle sacré de la vie
III - La conception amérindienne de l’être humain
IV - La destruction de la Huronie par les Iroquois
V - Lahontan, découvreur de l’américité
VI - La dispersion des Hurons-Wendat
Dans le chapitre initial, l’auteur insiste sur l’importance des épidémies causées par les microbes importés par les Européens pour expliquer l’effondrement démographique autochtone : « De 112 millions d’habitants en 1492, la population aborigène des Amériques est passée, en 400 ans, à environ 5,6 millions. »
Dans le chapitre suivant, l’historien Georges E. Sioui dénonce et réfute la théorie de l’évolutionnisme qui considère les sociétés autochtones inférieures à la société dominante. En contrepartie, il expose la philosophie autochtone : « La réalité du Cercle sacré de la vie, dans lequel tous les êtres, matériels et immatériels, sont égaux et interdépendants, imprègne toute la vision amérindienne de la vie et de l’univers. »
Le troisième chapitre, portant sur la conception amérindienne de l’être humain, présente les valeurs amérindiennes essentielles, leur universalité et leur persistance.
Le quatrième chapitre traite des relations internationales amérindiennes avant et après le premier contact avec les Européens, les faits étant interprétés selon l’autohistoire préconisée par Georges E. Sioui. Plusieurs extraits de témoignages de première source (Marie de l’Incarnation, Jean-François Lafitau, Samuel de Champlain) et d’écrits contemporains (Francis Parkman, Karl H. Schlesier, Elizabeth Tooker, J. N. B. Hewitt, John A. Dickson, Bruce G. Trigger, John Mohawk, Robert E. Berkhofer, Doug George) sont cités. Les thèmes suivants sont abordés spécifiquement : épidémies, guerres, valeurs traditionnelles amérindiennes, traitement des captifs, cruauté, cannibalisme, moralité, respect entre les sexes, fidélité à la parole donnée, respect dû aux âmes des ancêtres.
Le cinquième chapitre est dédié à Louis Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan : « l’œuvre de Lahontan eut une influence incontestable et incontestée sur les plus grands de son époque […] ». Selon Georges E. Sioui, ce jeune intellectuel français fut « capable de capter et de décoder l’essence de l’être amérindien ». Il s’attarde particulièrement à l’analyse de cinq thèmes abordés par Adario et Lahontan dans les Dialogues de M. le baron de Lahontan et d'un sauvage, dans l'Amérique : la religion, les lois, le bonheur, la médecine et la santé, l’amour et le mariage.
Le dernier chapitre porte sur la dispersion des Hurons-Wendat, la dépossession de leur territoire québécois dans la région de Québec et leur lien ancestral avec les Nadouek laurentiens [Iroquoiens du Saint-Laurent].
Conclusion
La phrase liminaire de la conclusion est citée au début de cette recension.
En conclusion, Georges E. Sioui revient sur certains thèmes abordés au cours de son exposé : les maladies épidémiques sont la cause de l’holocauste amérindien ; la pérennité des sociétés autochtones ; le mythe de l’évolution ; la possibilité d’écrire l’histoire des Amérindiens à partir de leurs valeurs traditionnelles ; l’importance de l’écologie pour toutes les sociétés.
Épilogue
L’auteur préconise l’avènement d’une nouvelle science : « Dans la conjoncture actuelle (crise aiguë d’ordre écologique et spirituel), l’amérologie , plus qu’une méthode et une discipline, représente une nouvelle conscience humaine et une réflexion sur la signification même du mot civilisation. »
Annexe
Intitulé Le problème indien : un ultime regard, l’annexe porte sur la jurisprudence panaméricaine discriminatoire envers les Autochtones. Selon Georges E. Sioui, « Il est urgent de renoncer à la notion euro-américaine des droits d’occupation et au concept même de découverte. […] Le problème indien que nous connaissons aujourd’hui est un legs idéologique de l’époque coloniale. »
Préface
Bruce G. Trigger (1937-2015), professeur au département d'anthropologie de l’Université McGill, souligne notamment le caractère novateur de l’autohistoire amérindienne définie et préconisée par Georges E. Sioui.
Référence
Sioui, Georges E. - Pour une autohistoire amérindienne. - Préface par Bruce G. Trigger. - Québec : Les Presses de l’Université Laval (PUL), 2018 [2023] © 1989. - xxii, 166p. - (Collection À propos). - ISBN 978-2-7637-4188-8. - [Citations : p. 131, 1, 9, 15, 85, 142, 147]. - Bibliothèques de Montréal et BAnQ : 970.00497 SIO [2018] et 970.004970072 S6184p 2023.
Sur la Toile
L’Amérindien philosophe (Entrevue avec Georges E. Sioui, propos recueillis par Francis Dupuis-Déri, Argument, vol. 2, no. 2, Printemps-été 2000) - [Version au format PDF].
Extrait (conclusion) : « J’ai d’ailleurs toujours regretté que le Québec ne devienne pas un leader quant aux relations entre les Euro-américains et les populations indigènes. Je viens du Québec et j’y ai beaucoup d’intérêt émotif et historique. Pour moi, le Québec pourrait jouer presque naturellement un rôle de leader, car le contact français a été beaucoup plus humaniste que le contact espagnol, portugais, hollandais et anglais. Lahontan en est une preuve. Mais les politiciens québécois ont perdu ce fil historique... »
Carte
1632 - Nouvelle-France - [Samuel de Champlain, Paris : L. Sevestre,1632] - Carte de la Nouvelle France, augmentée depuis la dernière, servant à la navigation faicte en son vray meridien, par le Sr. de Champlain capitaine pour le Roy en la Marine lequel depuis l'an 1603 jusques en l'année 1629 ; a descouvert plusieurs costes, terres, lacs, rivières et nations de sauvages, par cy devant incognuës, comme il se voit en ses relations quil a faict imprimer en 1632, ou il se voit cette marque ... ce sont habitations qu'ont faict les François
Cette carte est référencée dans l’Atlas du Québec en Amérique et dans le monde. - [Livre numérique gratuit].