Dans une conférence donnée à Saint-Hyacinthe, Sylva Clapin (1853-1928) raconte son voyage à Londres et à Paris.
L’auteur débute ses propos par une comparaison entre les voyages d’autrefois et ceux d’aujourd’hui : "L’imprévu, le pittoresque sont choses du temps passé."
Clapin quitte le port de New-York le 18 novembre 1879. Il arrive à Liverpool une douzaine de jours plus tard. Affecté par le mal de mer, l’auteur décrit ainsi sa traversée de l’Atlantique : "Impossible de rien imaginer de plus fatiguant, de plus monotone que la vie à bord d’un steamer."
Le voyageur est impressionné par la ville de Liverpool : "Les rues, propres et bien pavées, contrastent favorablement avec celles des villes de la jeune Amérique, où ces détails secondaires, quoique très utiles, sont encore inconnus."
Le trajet en train jusqu’à Londres donne lieu à une description de la campagne anglaise : "La régularité de tout ce que l’on voit est telle qu’elle devient, à la longue, d’une monotonie désespérante."
Clapin arrive un dimanche dans la "Babylone des mers qui a nom Londres, la cité la plus riche et la plus populeuse du monde entier." Contrairement à ce que les gens pensent, la journée dominicale est contrastée : "Tout ce qu’il y a de respectable s’enfuit, se porte dans les faubourgs, et les guinguettes, les cabarets des alentours en entendent de belles ce jour-là."
L’auteur s’attarde ensuite sur le brouillard urbain, tout en décrivant les bâtiments des grandes rues et sa descente de la Tamise. Puis, au bout de deux jours, il quitte Londres : "L’avouerai-je, je quittais la capitale de l’Angleterre sans regret. A vrai dire je ne l’avais jamais considérée que comme une étape sur ma route, car pour nous, Canadiens-Français, c’est vers cette belle France que nous aimons toujours, c’est vers ce beau Paris que l’on noua a fait si merveilleux, que tendent tous nos efforts, que nos pas se portent instinctivement."
La traversée de la Manche fut tout aussi désagréable que celle de l’Atlantique. Ensuite, Clapin prend le train jusqu’à Paris : "Au dehors, la ville s’illuminait ; un immense flamboiement de becs de gaz la tenait comme embrasée. Il était cinq heures du soir."
La description de la ville débute par un éloge dithyrambique : "Parti d’un centre imperceptible, un petit îlot sur la Seine, Paris rayonne sans cesse dans l’espace et sur le monde entier. Cela s’appelle la métropole de la science et de l’art, de la mode et du bon goût, de la littérature et de l’esprit."
Clapin s’attarde longuement à décrire la vie parisienne, de jour comme de nuit. Ensuite, il présente les sites et les édifices les plus célèbres : le Bois-de-Boulogne et les Champs-Élysées, le Louvre et le Luxembourg, le Panthéon et Notre-Dame. Il fait l’éloge du monde de la scène : "Le théâtre est un besoin naturel à la population parisienne. Cette institution, dont on a médit bien souvent de par le monde entier, n’est pas au fond aussi méchante qu’on voudrait bien le croire."
Le conférencier s’attarde aussi sur la mode et sur la Parisienne : "Avec la Mode, la Parisienne a réalisé le rêve poursuivi par les plus grands conquérants : elle est maîtresse du monde. Elle lui a donné des chaînes de fleurs et l’a asservi pour toujours à ses lois."
Clapin conclue ainsi ses propos sur Paris : "Cette ville devient de plus en plus la ville cosmopolite par excellence, la capitale du monde civilisé. Londres, Vienne ou Pétersbourg ont beau regimber, Paris s’impose, comme dans n’importe quel salon où elle se trouve, s’impose une jeune femme, belle, spirituelle et pleine d’imprévu. On l’écoute avec respect, on lui pardonne ses défauts, on l’admire et puis on l’aime."
Dans sa conclusion générale, l’auteur dénonce les légitimistes, souligne les mérites de la République française et appelle ses compatriotes à défendre la langue française : "Soyons fidèles à cette belle langue française que nous ont léguée nos ancêtres."
Référence :
Clapin, Sylva. - Londres et Paris : lecture donnée à St. Hyacinthe, dans la salle du Club National, le 18 mai 1880. – Version originale au format PDF.
Photo et notice biographique : Sylva Clapin.
Remarque :
Sylva Clapin a publié le Dictionnaire canadien-français ou Lexique-glossaire des mots, expressions et locutions ne se trouvant pas dans les dictionnaires courants et dont l'usage appartient surtout aux Canadiens-Français : avec de nombreuses citations ayant pour but d'établir les rapports existant avec le vieux français, l'ancien et le nouveau patois normand et saintongeais, l'anglais et les dialectes des premiers aborigènes (1894).
Cet ouvrage de référence majeur dans l’histoire de la lexicographie québécoise a été réédité par les PUL.
Cote BAnQ : 447.971403 C588di 1974.