À la découverte du Nord
Les régions éloignées ont toujours fasciné l’imagination et attiré l’attention, particulièrement le Nord.
C’est ainsi que débute le livre exceptionnel de Jacques Cayouette, botaniste et conservateur adjoint (Herbier DAO), au ministère Agriculture et agroalimentaire Canada. L’introduction spécifie le territoire étudié, soit le nord du 54e parallèle, et souligne la profondeur de la monographie : « Le présent travail est le fruit de décennies de compilation d’informations historiques et scientifiques. »
Aperçu
L’ouvrage est ainsi structuré : table des matières détaillée, carte du territoire étudié, introduction, vingt-sept chapitres regroupés en sept parties, conclusion, sources, bibliographie, remerciements et index. Chaque chapitre débute par un résumé illustré.
La première partie contient un seul chapitre portant sur les sciences naturelles à la baie d’Hudson du 17e au 19e siècle. Les initiatives de la Société royale de Londres et de la Compagnie de la baie d’Hudon sont relevées. Dès ce chapitre initial, le lecteur est en mesure d’apprécier le style de Jacques Cayouette et la diversité des documents illustrant l’exposé.
Les sept chapitres de la deuxième partie porte sur les missionnaires moraves, des pionniers de la flore du Labrador. Les exposés successifs sont centrés sur une personnalité marquante : Joseph Banks, Benjamin Gottlieb Kohlmeister, Robert Morrison et Mary E. Brenton. Un tableau fournit une synthèse sur les activités botaniques des missionnaires et le sort de leurs récoltes dans des herbiers.
C’est fascinant de voir comment Jacques Cayouette procède avec méthode et minutie pour établir l’origine et la répartition des récoltes (spécimens) dans différents herbiers européens et américains : « Le travail d’un botaniste ressemble parfois à celui d’un détective.» Les trois parties suivantes portent sur les premières contributions canadiennes, l’apport majeur des Américains et des Européens, et des figures québécoises majeures.
La troisième partie est constituée de deux chapitres, le premier est consacré aux récoltes à proximité des postes de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson, le second aux explorations de la Commission géologique du Canada. Elle couvre la période allant de 1860 à 1915. Le récit est centré surtout sur les contributeurs Augustin Christophe Lamare-Picquot, Emily Moore, Charles Arnaud, Robert Bell, Albert Peter Low, John Macoun et son fils James Melville Macoun. Trois cartes géographiques sont insérées dans cette partie : Map showing the limits of various trees in Canada (Robert Bell, 1897), Voyages d’exploration par Albert Peter Low dans la péninsule Québec-Labrador 1884-1905 (Fabien Caron, 1965), Northeastern portion of Labrador and New Quebec (Arthur Philemon Coleman, 1922).
La quatrième partie dédiée aux Américains et Européens compte trois chapitres couvrant la période 1860-1960. Les explorations américaines sont d’abord présentées, en particulier celle menée en 1891 par le Collège Bowdoin (Brunswick, Maine) et celles entreprises en 1892 et 1897 par Jewell David Sornborger (Université Harvard). Les contributions de cinq Européens sont ensuite signalées : Carl Emil Hansen Ostenfled, Frits Johansen, Malte Oskar Malte; Nicholas Polunin, Ilmari Hustich. Ces ceux derniers ont herborisé au Canada pendant trente ans.
La cinquième partie contient quatre chapitres présentant des figures québécoises majeures: Gérard Gardner, Anthème Dutilly, Ernest Lepage, Jacques Rousseau et Marcel Raymond. Les carrières, herborisations et publications de ces pionniers contemporains sont illustrées et détaillées d’une façon captivante. Les expéditions initiées et réalisées par Jacques Rousseau sont particulièrement captivantes. Par exemple, celle de 1948 est relatée dans un court métrage : À travers l’Ungava (Office national du film du Canada, Jacques Bobet, 1949, 19:07 min). Une carte dressée par Rousseau est reproduite dans le chapitre qui lui est dédié : Les zones bioclimatiques de la péninsule Québec-Labrador (1968). L’auteur souligne la collaboration entre l’herboriste Jacques Rousseau et le botaniste Marcel Raymond. Une carte du spécialiste des Cypéracées sur la répartition arctique du Carex stylosa (Marcel Raymond, 1949) figure dans le dernier chapitre.
Les sept chapitres de la sixième partie présentent des projets nordiques gouvernementaux et universitaires, des années 1920 à nos jours. Ainsi cette partie de l’ouvrage est centrée sur des institutions. Les contributions de plusieurs naturalistes du Musée canadien de la nature sont d’abord signalées, dont celles d’Alf Erling Porsild et plusieurs autres chercheurs qui ont produit la Flore de l’Archipel arctique canadien. Viennent ensuite la présentation des contributions universitaires : Université McGill (Frederick Kenneth Hare), Université de Sherbrooke (Albert Legault, Samuel Brisson) Université Laval (Centre d’études nordiques fondé par Louis-Edmond Hamelin, Herbier Louis-Marie, Marcel Blondeau, Jean Deshaye, Jacques Cayouette, Serge Payette et la mise en œuvre de la Flore nordique du Québec et du Labrador), Université de Montréal (Ernest Rouleau et la mise à jour de la flore de Marie-Victorin, André Bernard Bouchard, Alain Cuerrier). Cette partie se termine par les contributions reliées à l’Herbier du Museum de Terre-Neuve et du Labrador (John E. Maunder et autres chercheurs de l’herbier du musée) et à l’Université Memorial (Hans Rollmann).
La dernière partie porte sur la thématique de la protection de la flore dans le contexte du développement nordique. Elle contient trois chapitres portant sur l’exploitation des ressources nordiques, notamment par Hydro-Québec et les minières. Ces développements sont l’occasion de nouvelles herborisations, d’ajouts à la Flore nordique du Québec et du Labrador et de créations de parcs immenses. L’exposé se termine par la présentation d’inventaires récents.
Dans sa conclusion, l’auteur rappelle l’ampleur des contributions à l’exploration botanique du Grand Nord (au moins 420 personnes), leurs étapes historiques (depuis 1670 jusqu’à nos jours) et les nombreuses récoltes effectuées (92 000 spécimens). L’auteur évoque enfin les perspectives d’avenir et la singularité de son ouvrage : « Ce travail demeure un abrégé de l’histoire de l’exploration botanique nordique de l’est de l’Amérique. Espérons que d’autres prendront la relève pour aller plus loin en approfondissant certains aspects, certaines périodes ou en découvrant d’autres sources. »
Iconographie
La richesse iconographique de cet ouvrage est incomparable : photos, images et cartes illustrent les exposés de l’auteur. Énumérons quelques exemples.
Les chapitres étant souvent centrés sur des personnages émérites, les photos de portraits sont innombrables, telles celles de William MacGregor, Emma Moore, Robert Bell, Albert Peter Low, William Spreadborough, John et James Melville Macoun, Jewell David Sornborger, David Potter, Margaret Oldenburg, Jacques Rousseau, Gérard Gardner, Arthème Dutilly, Louis-Marie, Marcel Raymond, Dominique Doyon, Albert Legault, Yves Cartier, Samuel Brisson, Louis-Edmond Hamelin, Gilles Lemieux, Louise Filion, Pierre Morisset, Serge Payette, Jean Deshaye, Pierre Dansereau, Ernest Rouleau, Marie-Victorin, André B. Bouchard, Alain Cuerrier, Susie Morgan, Hél`rnr Gilbert, Benoît Tremblay, Derek Lynch, Norman Dignard. Des gravures et peintures sont aussi présentées, dont celles de Johann Reihold, Johann Georg Adam, Joseph Barks, Benjamin Gottlieb Kohlmeister, Lewis David de Schweinitz, William Jackson Hooker, Francis Wolfe, Christian Schmitt, Auguste Christophe Lamare-Picquot.
Plusieurs photos ont trait aux plantes, évidemment, mais un bon nombre nous font aussi découvrir des paysages spectaculaires : vallée de la rivière George, côte de la baie Fisher, havre Douglas, détroit de Manitounuk, cuesta au nord de la Petite rivière de la Baleine, mont Pyramide, rivière Koroc, vallée de la rivière André-Grenier, rivière de Troyes, rivière Foucault, rivière aux Feuilles, fosse de l’Ungava. En plus des photos de plantes, plusieurs spécimens, de différents herbiers sont inclus tout au long de l’ouvrage.
Outre les cartes contemporaines, plusieurs anciennes cartes géographiques sont reproduites dans l’ouvrage : Carte du golfe de Richmond (lac Guillaume-Delisle, 1750), Carte du nord du Labrador et d’une partie de la baie d’Ungava (1811), Carte du nord du Labrador (1868), Carte de la limite nordique des arbres (1897), Carte des explorations de Low (1884-1905), Carte du nord du Labrador (1922), Carte de l’île d’Akpatok, Carte d’une expédition au Nunavut (1946), Carte florale du centre du Labrador (1965), Carte des récoltes de l’équipe Dutilly (1961), Carte des zones bioclimatiques (1968), etc.
Documentation
Les outils de repérage et de recherche sont exhaustifs. Tous les documents reproduits dans le livre sont légendés. Les sources sont commentées et présentées dans une section spécifique. Une bibliographie recensant près de mille titres et un index complètent l’ouvrage.
Fruit de toute une vie de recherche, ce livre de Jacques Cayouette est assurément hors du commun. Quel ouvrage de référence admirable et exemplaire!
Référence
Cayouette, Jacques. – À la découverte du Nord. Deux siècles et demi d’exploration de la flore nordique du Québec et du Labrador. – Québec: MultiMondes, 2014. – xiv, 363p. – ISBN 978-2-8954-4471-8. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ: 581.97141 C385a 2014. – [Citations, p. 1, 2, 50, 289].
Image
Photo prise au Jardin botanique de Montréal, dans la zone arctique du Jardin alpin (26 09 2014).
Cartographie
« Le Québec a toujours été intégré dans des ensembles politiques débordant ses frontières: l’Empire français, l’Empire britannique et la fédération canadienne. Au cours de l’histoire, ses frontières ont fluctué selon des décisions prises à l’extérieur de son territoire. Pendant le régime français, le Québec est intégré à la Nouvelle-France sous le nom de Canada: époques des Découvertes (1492-1608), des Compagnies (1608-1663) et de la Colonie royale (1663-1763). Au cours du régime britannique, le Québec devient la Province de Québec (Province of Quebec, 1763-1791), puis le Bas-Canada (Lower Canada, 1791-1840) et le Canada-Est (Canada East, 1840-1867). Depuis l’instauration du régime canadien (British North America Act, 1867), la Province de Québec (Province of Quebec) est une partie constitutive de la fédération canadienne (Dominion of Canada): le territoire initial (1867-1898), puis le territoire contemporain (1898 à nos jours). » (Claude Trudel, Atlas du Québec, 2014).
Plusieurs cartes sur le « territoire à l’étude » dans le livre À la découverte du Nord sont référencées (avec des hyperliens) dans l’Atlas du Québec, un livre numérique gratuit, dont celle-ci :
Source | Collection numérique de cartes et plans / Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) : Map of Labrador Peninsula (1920).