23 novembre 2007

Censure cléricale et littérature

La censure cléricale a-t-elle vraiment influencé la littérature québécoise ?

Le professeur Pierre Hébert, de l’Université de Sherbrooke, a répondu à cette question d’une façon magistrale au cours d’une conférence donnée à la Grande Bibliothèque.

Dans son prologue, le conférencier a cité des extraits de deux livres montrant des points de vue opposés sur la question de la censure : Les visages de l'intolérance au Québec : textes d'hier et d'aujourd'hui, André Lussier, (1960) 1997 ; Oublier la Révolution tranquille : pour une nouvelle socialité, Gilles Paquet, 1999. La censure cléricale est dénoncée par Lussier alors que Paquet dit qu’on a exagéré son importance.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, Pierre Hébert a illustré par des exemples trois stratégies cléricales de censure : la mise à l’index de certaines œuvres, la diffusion de guides de lecture, et l’imposition du Nihil obstat et de l’Imprimatur aux ecclésiastiques et à des laïcs.

En citant des cas à l’appui de ses dires, le conférencier a divisé son exposé en trois parties : Livre, Auteur, Quelques échecs…

Le premier thème a été abordé sous les aspects suivants : autocensure par l’auteur, puis censure de l’imprimeur, de l’éditeur, du diffuseur.

Les cas d’autocensure suivants ont été cités en exemple : Le débutant, Arsène Bessette, 1914 ; Les enfances de Fanny, Louis Dantin, (c1930) 1951 ; Marie Calumet, Rodolphe Girard, (1904) 1946.

Les cas de censure suivants ont ensuite été présentés : lettre de l’imprimeur Paul Michaud au sujet du manuscrit Les Paradis de sable de Jean-Charles Harvey (1952) ; la publication par l’éditeur Albert Lévesque des livres Dans les ombres (Éva Sénécal) et La chair décevante (Jovette-Alice Bernier) dans sa nouvelle collection Romans de la jeune génération (1931) ; l’interdiction de lecture du périodique Canada-revue par l’évêque Fabre (1892).

Abordant le thème suivant, Pierre Hébert a souligné l’impact de la censure cléricale sur des auteurs : plusieurs écrivains ont publié leurs livres d’une façon anonyme ou sous un pseudonyme (Louis Dantin) ; d’autres ont perdu leur emploi (Guy Robert) ou ont été acculé à l’exil (Paul-Émile Borduas).

Quelques cas d’échec de la censure cléricale ont ensuite été démontrés : le succès du livre Les demi-civilisés de Jean-Charles Harvey (1934) suite à son interdiction par le cardinal Villeneuve ; la publication d’un dossier intitulé French Canada dans le périodique américain Life, un dossier accablant pour le clergé québécois ; la publication du livre Les insolences du Frère Untel (1960), par les Éditions de l’Homme, malgré l’opposition de l’auteur et de sa communauté religieuse.

En conclusion, Pierre Hébert a répondu par l’affirmative à la question posée en début de soirée.

Cette conférence instructive s’est déroulée à l’auditorium de la Grande Bibliothèque, le 21 novembre 2007.

Remarque

Tous les ouvrages cités dans cet article peuvent être consultés à la Grande Bibliothèque. Par ailleurs, Le débutant peut être consulté à distance (Collection numérique), Marie Calumet et Les demi-civilisés sont offerts en cassette audio et le périodique Canada-revue est disponible sur microfilm.

Plusieurs livres de Pierre Hébert, écrits en collaboration, sont disponibles à la Grande Bibliothèque : Censure et littérature au Québec : le livre crucifié (1625-1919), Censure et littérature au Québec, Dictionnaire de la censure au Québec : littérature et cinéma.

Dans le catalogue accompagnant l’exposition initiale de la Grande Bibliothèque, Tous ces livres sont à toi !, on trouve un article fort intéressant sur la censure :

Hébert, Pierre ; Lajeunesse, Marcel. - «Censure et bibliothèques au Québec». – Tous ces livres sont à toi ! – Québec : BNQ et PUL, 2005. – ISBN 2-7637-8223-X. – Cote BAnQ : 027.0714074 T734 2005. – P. 93-107. – [Plusieurs des illustrations reproduites dans cet article ont été reprises sur des diapositives projetées au cours de la conférence de Pierre Hébert.]

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