Petite histoire de l’Afrique
L’Afrique est née de la cartographie. À partir du XVIe siècle, les écrits européens la décrivirent et la constituèrent de leur point de vue: marchands, missionnaires, explorateurs, voyageurs de toute sorte et trafiquants d’esclaves élaborèrent leur propre idée de l’Afrique.
Dans son nouvel essai Petite histoire de l’Afrique, Catherine Coquery-Vidrovitch révise justement cette vision eurocentriste de l’histoire de l’Afrique : « Après un demi-siècle de travaux fondamentaux sur la question, il s’agit enfin de faire comprendre à un public français et francophone non spécialiste que non seulement l’Afrique a une histoire, mais que celle-ci, la plus longue de toutes, n’est ni moins variée ni moins prenante que les autres. »
Tout en soulignant les grandes phases historiques du continent africain, la spécialiste présente son exposé d’une façon thématique en dix chapitres : les sources documentaires, les origines de l’humanité, l’environnement, les structures sociales, la mondialisation, la chronologie, l’esclavage, l’indépendance, l’ère coloniale, la décolonisation.
Quelques thèmes ont particulièrement retenu mon attention. Les sources d’abord, car l’auteure y aborde également la genèse et les péripéties du racisme envers les Africains subsahariens. Ce double sujet est abordé dans le chapitre initial.
Au chapitre trois, la spécialiste de l’histoire africaine traite de graves maladies récurrentes et de leurs répercussions sur l’évolution démographique : maladie du sommeil, malaria, lèpre, filariose, onchocercose, fièvre jaune. À ces maladies tropicales s’ajoutent les animaux dangereux : mygales, serpents venimeux, moustiques, etc. Puis les maladies transmises par des Arabes, des Européens et des Américains : variole, maladies vénériennes, poliomyélite, rougeole, tuberculose et forme aiguë du sida. Par ailleurs, plusieurs épizooties ont affecté les cheptels. Globalement, avec des variations contrastées, la population africaine est restée stable depuis le 16e siècle. Ce constat étonnant est aussi analysé dans ce chapitre.
Le chapitre suivant dégage certains traits caractéristiques des sociétés africaines : une économie de subsistance, les inégalités sociales (castes et esclavages), la division sexuelle des tâches et l’idéologie de la supériorité masculine.
Le chapitre cinq souligne les apports majeurs de l’Afrique à la mondialisation : l’or en provenance du Soudan et du Zimbabwe, les esclaves comme main-d’œuvre de plantations, les oléagineux tropicaux, les huiles de palme, d’arachide et de coco, les noix de coprah, les clous de girofle, les bois de teinture tropicaux et, plus tardivement, le caoutchouc.
Tout le chapitre sept est consacré à l’esclavage, aussi bien intérieur que celui des traites vers l’océan Indien, la Méditerranée et les Amériques, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Environ onze millions d’esclaves furent déportés aux Amériques, dont près de cinq millions le furent par les Portugais. Entre cinq et dix millions d’esclaves ont été forcés de traverser le Sahara vers la Méditerranée, alors qu’environ cinq à six millions d’esclaves auraient pris la direction de l’océan Indien. En estimant la mortalité à 50% des personnes mises en esclavage, c’est environ cinquante millions de personnes perdues pour l’Afrique et sa croissance démographique.
Le chapitre neuf raconte les différentes phases de la colonisation européenne en Afrique. Les aspects commerciaux, missionnaires, politiques et militaires sont décortiqués. Certains événements sont longuement expliqués, dont la Conférence internationale de Berlin (1884-1885) sur le partage de l’Afrique, la création de l’État indépendant du Congo (reconnu comme propriété personnelle du roi belge Léopold II), le génocide des Herero en Namibie (1904-1907), les révoltes de désespoir des esclaves dans plusieurs régions au cours du 19e siècle et les mouvements de résistance au 20e siècle.
La conclusion de l’auteure est encourageante, compte tenu des capacités des populations africaines et des immenses richesses de leur continent. À cet égard, les progrès de l’éducation vont jouer un rôle déterminant.
Par son contenu captivant et le style dynamique de l’écriture, ce livre est d’une lecture à la fois instructive et fort agréable.
À l’automne 2014, un atelier du Club de lecture - histoire des Amis de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (ABAnQ) portera sur cet essai novateur.
Référence
Coquery-Vidrovitch, Catherine. - Petite histoire de l’Afrique. L’Afrique au sud du Sahara de la préhistoire à nos jours. - Paris: La Découverte, 2011. - 222p. - ISBN 978-2-7071-6713-2. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : 967 C786p 2011 et 967 C786p 2010. – [Citation, p. 12].
Lecture complémentaire
Maurel, Chloé. - « L’Histoire générale de l’Afrique de l’UNESCO. Un projet de coopération intellectuelle transnationale d’esprit afro-centré (1964-1999) ». - Dans Cahiers d’Études africaines. - ISSN 0008-0055. - Paris, EHESS, n° 215, 2014/3. - P. 715-737. - [Numéro consulté à la Grande Bibliothèque de BAnQ]. - [Pour les abonnés à BAnQ: accès gratuit au texte intégral de l’article dans la base de données CAIRN].
Sur la Toile
Histoire générale de l’Afrique (UNESCO).
Cartes de l’Afrique
Le livre annoncé ci-dessous référence notamment un très grand nombre de cartes géographiques de l’Afrique, de l’Antiquité à l’Époque contemporaine, dans le chapitre intitulé Documents cartographiques.
Le répertoire Anciennes cartes géographiques recense les meilleures collections numériques d'anciennes cartes géographiques en libre accès, des ressources connexes, une sélection de documents cartographiques et une bibliographie. Les documents recensés dans les collections peuvent souvent être redimensionnés, imprimés ou téléchargés. Selon des modalités diverses, ils peuvent parfois être aussi libres de droits.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire