Cicéron / Stephan Zweig
La nouvelle littéraire de Stefan Zweig (1881-1942) raconte les derniers combats de Cicéron (106-43 av. J.-C.) pour sauver la République romaine. L’édition 2020 au format poche est préfacée par Michel Magniez.
Plus qu’une biographie, cette nouvelle est une œuvre de combat, une œuvre pamphlétaire des années 1930, face à la montée du fascisme sur le contient européen. Compte tenu de l’emprise du populisme dans le monde, en particulier dans plusieurs démocraties occidentales, cette œuvre littéraire est d’actualité.
Préface
La mise en contexte des œuvres de ces deux auteurs célèbres est présentée dans la préface sous les volets suivants:
- singularité et importance de Cicéron
- genèse et édition de la nouvelle de Zweig
- caractéristiques de la sagesse antique
- conception de l’Histoire selon Zweig
- symbolisme pérenne du combat de Cicéron
- considérations sur la noblesse de la défaite
- résistance aux dictatures
- nature du genre biographique
- héritage durable de Cicéron.
Tout au long de sa longue préface, Michel Magniez cite la correspondance entre l’écrivain autrichien Stefan Zweig et l’auteur français Romain Roland. De vibrants témoignages de deux grands penseurs sur la littérature et le monde dans les années 1930.
Nouvelle
[ 1 ] - Incipit
L’incipit révèle les deux dimensions de la biographie de Cicéron : la vie publique et la vie intérieure du célèbre Romain. Dans un premier temps, le biographe trace un portrait dithyrambique de Cicéron: Marcus Tullius Cicéron, le premier humaniste de l’Empire romain, le maître du discours, le défenseur du droit, s’est efforcé durant trois décennies de servir la loi héritée des Anciens et de préserver la République; ses discours sont gravés dans les annales de l’Histoire, et ses œuvres littéraires dans les piliers fondateurs de la langue latine. Le panégyrique des exploits de Cicéron suit cette assertion.
Dans un deuxième temps, l’auteur met l’accent sur l’heureuse retraite forcée de la vie publique de Cicéron après le coup d’État de Jules César: Toute forme d’exil conduit l’homme de pensée au recueillement intérieur, et ce malheur béni frappe Cicéron au moment le plus propice. Le grand didacticien s’approche peu à peu du tournant d’une vie qui, avec ses tempêtes et ses tensions incessantes, lui a laissé bien peu de temps pour prendre du recul et acquérir une vision créatrice. L’assassinat de César remet tout en cause. À la suite de ce meurtre, Cicéron se précipite à Rome.
[ 2 ] - Conciliateur
L’auteur se livre à un travail d’introspection pour justifier l’intervention surprenante de Cicéron en faveur des meurtriers de César. Il s’attarde ensuite à expliquer pourquoi Cicéron échoue dans ses tentatives de conciliation en vue de restaurer la liberté et la République. À la suite de son échec, dégoûté, Cicéron se retire de nouveau dans l’une de ses propriétés.
[ 3 ] - Testament
Au cours de cette nouvelle retraite, Cicéron rédige Des devoirs, son testament politique et moral adressé à son fils. Dans cette œuvre, il traite des rapports entre l’individu et l’État. Tout en dénonçant la dictature, il fait l’éloge de la République idéale. Comme il le fera ailleurs dans sa nouvelle, Zweig établit des comparaisons avec des auteurs ultérieurs à la vie de Cicéron, par exemple Jean-Jacques Rousseau dans ce cas-ci. Zweig considère que Cicéron est le premier à exprimer le sentiment d’humanité […], le premier et le seul à protester contre tous les abus du pouvoir […], le premier avocat de l’humanité.
[ 4 ] - Harangues
Une fois son testament achevé, Cicéron retourne à Rome. Face à Antoine, il soutient Octave dans l’espoir d’une restauration républicaine. Vaines, ses interventions, ses Philippiques, sont décrites avec passion par Zweig.
[ 5 ] - Arrêt de mort
Pourfendant Antoine, Octave et Lépide, le biographe raconte comment le triumvirat se partage le pourvoir en répondant à ces trois questions, les deux premières résolues rapidement: comment organiser le partage du monde, comment payer la solde des légionnaires et des mercenaires, comment réduire les adversaires au silence. Le sort de l’écrivain le plus célèbre d’Italie fait débat pendant trois jours. Les conjurés conviennent finalement de l’assassinat de Cicéron.
[ 6 ] - Assassinat
Après avoir fui ici et là, d’une propriété à l’autre, mais enfin résigné, Cicéron est assassiné à la suite de la trahison d’un de ses serviteurs. Zweig en fait ainsi l’éloge funèbre: Ainsi meurt Marcus Tullius Cicéron, le dernier avocat de la liberté romaine, plus héroïque, plus courageux, plus résolu dans ses dernières heures que dans les milliers et les milliers d’autres de sa vie passée.
[ 7 ] - Outrage
À la tragédie succède un sanglant drame satyrique. La tête et les mains du cadavre de Cicéron sont coupées. Antoine les fait exposer aux Rostres: À cette chaire d’où Cicéron avait tenu ses discours impérissables, pend, livide, la tête du dernier avocat de la liberté. Ainsi s’achève le drame et la nouvelle.
Appréciation
Cicéron a les caractéristiques d’une nouvelle littéraire: un court texte (1) centré sur un personnage (2) pendant une brève séquence temporelle (3). En effet, le texte de quelques dizaines de pages raconte les dernières années de la vie d’un personnage célèbre.
L’absence de chronologie est significative, car l’auteur privilégie plutôt la mise en valeur du sens de la vie et de l’Histoire se dévoilant au cours de chaque séquence temporelle relatée. C’est une œuvre littéraire, une étude psychologique, mais aussi une démarche philosophique à portée universelle.
Référence
Zweig, Stefan. - Cicéron. - Paris: Éditions Payot & Rivages, 2020. - Traduction de l’allemand et préface par Michel Magniez. - 94p. - (Rivages poche / Petite Bibliothèque). - ISBN 978-2-7436-5011-7. - BAnQ : Prêt numérique.
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