28 novembre 2015

Carte de la Conquête de l’Algérie (1830-1845)


La Bibliothèque numérique Gallica (BnF) a récemment mis en ligne une carte illustrant, du point de vue français, les quinze premières années de la conquête de l’Algérie.

Commençons par un survol de la carte. Elle contient les éléments cartographiques suivants: un contour, un cartouche de titre, une carte quadrillée, des commentaires, un cartouche de légende et quatre cartons. Il s’agit donc d’un document complexe. Voyons de plus près chacun de ces éléments. Selon la notice bibliographique, la carte a une dimension de 43 x 53,5 cm, sur une feuille de 54,5 x 73,5 cm.

Le contour est constitué d’un épais trait noir bordé de lignes noires plus fines. La carte du deuxième carton déborde au-delà du cadre. Des informations sont aussi indiquées à l’extérieur du contour: le prix de la carte (75 centimes), les coordonnées du graveur (L. Bouffard, 7, rue de Bagnoua), et les coordonnées de l’imprimerie lithographique (Lith. Lemercier, rue de Seine). L. Bouffard a été graveur sur pierre entre 1833 et 1855, tandis que l’entreprise parisienne Lemercier (1803-1901) était établie au 44, rue Vercingétorix, puis au 57, rue de Seine.

Le cartouche de titre contient les initiales du cartographe (L. B.), les noms des cartographes du modèle (Carette et Renou), l’année (1845), une échelle numérique (1/3 000 000) et une échelle graphique (100 000 mètres). Ernest Carette (1809-1890), historien et explorateur de l'Algérie, est diplômé de l'École polytechnique. Il arrive en Algérie en 1836 et publie cinq volumes sur l’Algérie (1844-1853). Émilien Renou (1815-1902), naturaliste et voyageur, participe à l'exploration scientifique de l'Algérie sous l'angle géographique et géologique, en 1840-1842. Il est envoyé en mission au Maroc en 1843. Il fut directeur de l'École des hautes études et membre de la Commission scientifique d'Algérie.

La carte est quadrillée et orientée vers le nord. Les degrés des coordonnées géographiques sont inscrits dans le cadre intérieur, le méridien d’origine étant celui de Paris. La limite nord est la mer Méditerranée et la limite sud est celle désert du Sahara d’après le capitaine du génie Carette, membre et secrétaire de la Commission scientifique d’Algérie. Du côté est, le territoire de la Régence de Tunis, et du côté ouest, l’Empire du Maroc. Plusieurs éléments de la géographie physique sont indiqués, tels l’hydrographie, les déserts, les oasis, des grottes et le relief (traits hachurés). Les éléments anthropiques sont nombreux: villes et villages, routes, puits, marchés, camps, sites de batailles, etc. Les limites administratives sont aussi indiquées. La typographie reflète l’importance relative des toponymes figurant sur la carte.

De longs commentaires sont écrits en bas de la carte, ainsi qu’une note. Le premier bloc d’explications décrits 1° les deux zones naturelles de l’Algérie, le Tell et le Sahara algérien, 2° les lacs salés, 3° les superficies des deux zones et la superficie totale de l’Algérie, 4° l’ouvrage de référence [publié en 1844]: Recherches sur la Géographie et le Commerce de l’Algérie méridionale, par E. Carotte, etc. Le second bloc d’explications concerne les principaux oueds (cours d’eau temporaires), dont ceux de Djedi, Mzab et Souf. La Note indique les sources cartographiques de l’auteur, soit les cartes publiées par le Dépôt de la Guerre et les travaux de Renou et Carette. Plusieurs commentaires sont inscrits directement sur la carte, tel celui-ci: «Sidi Ferush (point où débarquèrent les Français en 1830)». Les sites des batailles sont identifiés par deux épées croisées, comme la bataille de l’Isli (Maroc).

Le cartouche de légende, situé de part et d’autre de la carte, est considérable. Il contient trois éléments: le récit de la Conquête de l’Algérie par la France, les Signes conventionnels et les Échelles des plans. Le récit contient trois parties: 1° les prétextes invoqués par la France pour attaquer, conquérir, occuper et exploiter l’Algérie, 2° les péripéties des batailles contre les Algériens, dont l’asphyxie de la tribu Ouled Ryah dans les grottes de Ghar El Frachich (19 juin 1845), 3° la conclusion: «Tel est le tableau succinct de cette conquête qui, en ajoutant à la gloire déjà si grande de nos armées, a donné à la France la plus belle et la plus riche colonie qu’elle put jamais souhaitée avoir. (O. MacCarthy, août 1845)». Les signes conventionnels ont trait aux routes et à la limite du Tell et du Sahara algérien. Les quatre échelles numériques et graphiques des quatre plans complètent la légende.

Les cartons contiennent les plans des environs d’Alger, Blidah, Bône et Oran. Les rades, le relief, les routes, les rues, l’alimentation en eau potable, les fortifications et les installations militaires sont particulièrement mis en évidence.

Cette carte constitue un document intéressant pour l’étude de la Conquête de l’Algérie par la France. Son contenu fait notamment l’objet d’un essai récent par Florence Duprest, sans compter les conséquences durables de l’impérialisme français en Algérie.

Carte

Carte de l'Algérie d'après Mrs Carette et Renou (1845) - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France. - Les indications biographiques sont tirées de notices connexes affichées sur le site de la BnF.

Référence

Duprest, Florence. - «Tell et Sahara: le palimpseste d’un premier découpage de l’Algérie coloniale». - Dans Blais, Hélène; Deprest, Florence; Singaravélou, Pierre; dir. - Territoires impériaux. Une histoire spatiale du fait colonial. - Paris: Publications de la Sorbonne, 2011. - 336p. - ISBN 978-2-85944-675-8. - P. 25-57.

Cartes complémentaires à celles illustrant l’essai de Florence Duprest: Algérie (L. Bouffard, 1846) et Algérie (Auguste-Henri Dufour, 1846).

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