28 mai 2008

Les Français au pays de Louis

La découverte du Mississippi s’est effectuée en deux temps : d’abord par Louis Jolliet et Jacques Marquette, jusqu’à la rivière Arkansas (1673), ensuite par René-Robert Cavelier de La Salle, jusqu’à l’embouchure du golfe du Mexique (1682). Cette découverte aura des conséquences déterminantes aux points de vue politique, économique, militaire et, bien sûr, cartographique.

Le dixième parcours de l’exposition Ils ont cartographié l’Amérique occupe un espace restreint, mais son contenu est très riche. Pour le découvrir, il faut examiner aussi bien les cartes affrichées sur des panneaux que celles qui sont présentées sous une vitrine ou qui sont rangées dans des tiroirs.

Ce parcours au cœur du continent nord-américain nous permet d’apprécier les œuvres de plusieurs cartographes : Claude Bernou, Vincenzo Coronelli, Nicolas de Fer, Louis-Pierre Le Blond de la Tour, Jacques Marquette, Jean-Paul Mercier, Pierre-François Pinet, Melchisedech Thévenot.

Les documents de cette zone couvrent près d’un siècle de découvertes (1675-1759).

Cartes et dictionnaire

1675 – Le fleuve Mississipi (carte manuscrite, Jacques Marquette) [ 1 ]

Cette carte constitue une source historique importante car elle identifie et localise un grand nombre de nations amérindiennes absentes de son récit de voyage. Ainsi, on y trouve les premières mentions des peuples Maha (Omaha) et Maroa (Tamaroa). Cette carte provient des Archives de la Compagnie de Jésus de la province du Canada français (Saint-Jérôme) [ n° 687 ].

1681 – Découverte du Mississipi (carte gravée, Melchisedech Thévenot) [ 2 ]

Cette «Carte de la decouverte faite l’an 1673 dans l’Amerique septentionale» est insérée dans le «Recueil de voyages» (Paris : Estienne Michallet, 1681). Il s’agit de la première publication du récit du voyage de Louis Jolliet et de Jacques Marquette sur leur découverte du Mississipi. Plusieurs ressources naturelles sont indiquées sur cette carte : pierres sanguines, cuivre, salpêtre, ardoise, marbre, fer. Au centre de la carte, on trouve un dessin du Manitou, l’«esprit» vénéré par les Amérindiens. Ce document provient du Centre de conservation de BAnQ [ RES AF 204 ].

1682 – Amérique septentrionale et centrale (carte manuscrite, Claude Bernou) [ 3 ]

C’est la première carte où l’on voit inscrit le toponyme Louisiane. Mais ce qui saisit d’abord tout observateur, c’est l’arrêt net du cours du fleuve Mississipi au confluent de la rivière Ohio. Le récollet Claude Bernou était un fervent défenseur des projets de colonisations de René-Robert Cavelier de La Salle. Sa carte est une véritable œuvre d’art : la peinture encerclant le cartouche du titre, le relief montagneux, les couleurs nuancées, la typographie soignée, etc. Cette immense reproduction photographique provient de la BnF [ Ge SH 122-2-0 Rés ].

1688 – Partie occidentale du Canada ou de la Nouvelle-France (carte gravée, Vincenzo Coronelli) [ 4 ]

Selon Philip D. Burden, il s’agit de la première carte imprimée dédiée aux Grands Lacs et au Haut-Mississippi. C’est la plus précise depuis la carte de 1650 de Nicolas Sanson.

Par l’intermédiaire de Jean-Baptiste Franquelin, Coronelli utilise des sources multiples : Louis Jolliet, Jacques Marquette, Louis Hennepin, René-Robert Cavelier de La Salle, Claude Allouez et d’autres missionnaires jésuites. Les légendes sont nombreuses et elles ont trait à des points d’intérêt ou à des événements mémorables. La chaîne de montagnes à l’ouest du Mississippi constitue la seule erreur importante, mais elle était évoquée par des explorateurs à cette époque-là. Pour la première fois, on y trouve les toponymes Chicago et Toronto, en plus de nombreux autres noms amérindiens. Cette carte provient du Musée Stewart [ 1979.233.2 ].

Le Centre de conservation de BAnQ possède un fac-similé du deuxième état de cette carte [ G/1116/S1A8/1980 CAR ]. On y trouve plusieurs toponymes supplémentaires (huit au sud de la baie d’Hudson et deux sur la rive nord-ouest du lac Supérieur).

1696-1702 – Dictionnaire français-illinois (livre manuscrit, Pierre-François Pinet)

Ce dictionnaire a été constitué entre 1696 et 1702, soit quelques années après le passage de Louis Jolliet et de Jacques Marquette dans le pays des Illinois. Il est attribué au jésuite Pierre-François Pinet. Ce document provient des Archives de la Compagnie de Jésus de la province du Canada français (Saint-Jérôme) [ 497 D554 ].

1701 – Golfe du Mexique (carte manuscrite, Nicolas de Fer)

Cette carte illustre l’échec de la colonisation de la Louisiane par René-Robert Cavelier de La Salle, et la réussite ultérieure par Pierre Le Moyne d’Iberville. De part et d’autre du cartouche du titre, on peut voir deux images illustrant l’assassinat de La Salle.

1702 – Canada ou Nouvelle-France (carte gravée, Nicolas de Fer)

À la fin du 17e siècle, les géographes cherchent à situer correctement l’embouchure du Mississipi. La méconnaissance de la longitude du site a entrainé des erreurs cartographiques. Sur cette carte, l’embouchure du fleuve est située beaucoup trop à l’Ouest. Comme de Fer avait bien situé l’embouchure du Mississipi sur sa carte de 1701, on peut supposer une erreur volontaire pour justifier les prétentions de la France sur des mines d’argent en Nouvelle-Espagne. Par ailleurs, cette erreur est à la source des déboires de La Salle et de sa fin tragique dans le Nord du Texas. Sur cette carte, de Fer rend hommage aux découvreurs Jacques Cartier (fleuve Saint-Laurent), Louis Jolliet et Cavelier de La Salle (fleuve Mississipi). Cette carte provient de Centre de conservation de BAnQ [ G3300 1702 F4 ].

1730 (1732) – Nouvelle-France (carte gravée, Henri Abraham Chatelain)

Une carte coloriée où le titre est écrit d’une façon détaillée dans la marge supérieure. Elle contient un carton sur la Louisiane et plusieurs cartouches : échelles (avec les coordonnées des villes de Québec, Port-Royal, Bristol, Pomejock et Jamestown); plan de Québec et de ses environs; vue à vol d’oiseau de Québec, avec une légende des principaux sites; remarques sur les découvreurs des fleuves Saint-Laurent (Cartier) et Mississipi (Jolliet, Dacan et La Salle) et les Grands Lacs (dimensions). L’embouchure du Mississipi est correctement située. Les réseaux hydrographiques sont bien développés. Les toponymes amérindiens sont abondants, mais parfois erronés (comme la localisation des Hurons alors que ceux-ci ont été dispersés depuis plusieurs décennies).

La carte de 1730 affichée dans l’exposition est anonyme et d’une autre édition que celle de 1732 conservée au Centre de conservation de BAnQ [ G 3300 1732 C37 ].

1735 – Seigneurie et mission des Tamarois (carte manuscrite, Jean-Paul Mercier) [ 5 ]

Ce plan représente une mission sur la rive du Mississipi, en pays illinois. On y trouve notamment les bâtiments suivants : église, maison des missionnaires, hangar, grange, moulin, maisons de colons français et d’esclaves noirs. Cette carte provient du Musée de la civilisation [ SME 12.1/L-43 ].

1759 – Plan de la Nouvelle-Orléans (carte gravée, Louis-Pierre Le Blond de la Tour) [ 6 ]

Fondée en 1718, la Nouvelle-Orléans est organisée selon un plan orthogonal. Les îlots délimités sont carrés. Une place d’armes est située au cœur de la ville dont l’expansion est prévue dès sa création. Une légende identifie et localise les principaux édifices. Deux cartons adjacents illustrent l’embouchure et le delta du Mississipi. Cette carte provient du Centre de conservation de BAnQ [ G 4014 N68 1759 B7 ].

Notes

Les cartes reproduites dans La mesure d’un continent sont décrites par Jean-François Palomino, aux pages suivantes :

[ 1 ] 100, [ 2 ] 101, [ 3 ] 116-117, [ 4 ] 136-137, [ 5 ] 182, [ 6 ] 183.

Références

[ 1° ] Burden, Philip D. - The Mapping of North America II : A list of printed maps 1671-1700. – Rickmansworth : Raleigh Publications, 2007. – 612 p. – ISBN 978-0-9527733-1-3. – Cote BAnQ : GA 401 B87 1996 RSV v.2.

Étude la carte Partie occidentale du Canada ou de la Nouvelle-France de Coronelli (c.1687) : p. 303-305 (planche 630).

[ 2° ] Delanglez, Jean. – Louis Jolliet, vie et voyages (1645-1700). – Montréal : Granger, 1950. – 435 p. – (Les Études de l'Institut d'histoire de l’Amérique française). – Cote BAnQ : 923.9 J754d 1950.

[ 3° ] Gagnon, Ernest. – Louis Jolliet, découvreur du Mississipi et du pays des Illinois, premier seigneur de l’île d’Anticosti : étude biographique et historiographique. – Québec : 1902. – 284 p. – Cote BAnQ : 923.91 J75ga2 1902. – (Version numérique)

[ 4° ] Goetzmann, William H. ; Williams, Glyndwr. – The Atlas of North American Exploration From the Norse Voyages to the Race of the Pole. – Norman : University of Oklahoma Press, 1998 © 1992. – 224 p. – ISBN 0-8061-3058-X. – Cote BAnQ : G 1106 S12G63 1998 CAR.

Down the Mississippi : The Journey of Jolliet and Marquette, 1673 (p. 62-63), The French Reach the Sea : The Journey of La Salle, 1682 (p. 64-65).

[ 5° ] Lemmon, Alfred E. ; Magill, John T. ; Wiese, Jason R. ; dir. – Charting Louisiana : five hundred years of maps. – Nouvelle-Orléans : The Historic New Orleans Collection, 2003. – xxii, 383 p. – ISBN 0-0-917860-47-0. – Cote BAnQ : GA 427 C437 2003 CAR.

[ 6° ] Litalien, Raymonde ; Palomino, Jean-François ; Vaugeois, Denis. – La mesure d’un continent : atlas historique de l’Amérique du Nord, 1492-1814. – Québec : Septentrion, 2007. – 300 p. – ISBN 978-2-89448-519-4. – Cote BAnQ : 911.7 L775m 2007.

Le pays de Louis (Raymonde Litalien, p. 115-119), Les géographes de cabinet (Jean-François Palomino, p. 136-139), La Louisiane (Raymonde Litalien, p. 117-183).

Sur la Toile

La Louisiane française, 1682-1803 (Gouvernement de la France)

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