Un loup solitaire
Neige gelée, grand froid. Le cœur de l’hiver.
Un des premiers jours de janvier 2006, un loup solitaire venu de Norvège traverse la frontière invisible et passe en Suède par la vallée de Vauldalen.
C’est ainsi que débute le roman policier Le Chinois, de l’écrivain suédois Henning Mankell. Et tout le chapitre initial retrace le parcours de ce loup solitaire jusqu’au petit village de Hesjövallen, au sud du lac Hansesjön (carte ci-dessus), dans la région du Hälsingland (Suède). Dès cet incipit, l’auteur captive l’intérêt et retient l’attention du lecteur.
La scène des crime est horrible: dix-neuf cadavres, dont dix-huit affreusement mutilés.
Le polar comprend quatre parties aux titres énigmatiques et datés: Le silence (2006), Négros et chinetoques (1863), Le ruban rouge (2006), Les colonisateurs (2006). Une épigraphe précède chaque partie, la première est un extrait du Code de procédure pénale, plus précisément le serment d’un juge, et les trois autres citations (1935, 1944, 1963) sont de Mao Zedong.
Chacune de ces parties contient deux sections aux titres évocateurs: L’épitaphe, Le juge; La route de Canton, La plume et la pierre; Les Rebelles, Mah-jong; Écorce arrachée par des éléphants et Chinatown, Londres. Trente-neuf chapitres, au total.
Le roman est complété par un épilogue et une postface.
Une structure architecturale, géométrique, cérébrale. En tout, près de six cents pages.
L’enquête policière constitue la trame principale du roman, mais plusieurs quêtes personnelles traversent le récit. Celui-ci se déroule dans le temps, bien sûr, mais aussi dans l’espace. À titre d’exemple, deux extraits relatifs à la cartographie. Le premier porte sur une carte à petite échelle, le second sur une carte à très petite échelle:
1° «Brigitta Roslin alla chercher un atlas routier de la Suède. Elle ouvrit une carte générale. Le Hälsingland se trouvait encore plus au nord qu’elle ne l’avait imaginé. Elle n’arriva pas à situer Hesjövallen. Le village était si insignifiant qu’il ne figurait même pas sur la carte.»
2° «En regardant la carte du monde, San mesura l’étendue du voyage qu’il avait effectué avec son frère. »
Bien d’autres documents cartographiques seront consultés par des personnages du roman, en quête d’orientation vers et dans des lieux qui leur sont inconnus.
Les personnages ont beaucoup de profondeur. Certains événements historiques marquants les mettent aussi en valeur, dont la construction inhumaine et meurtrière du premier transcontinental américain.
Au milieu du roman, surgit furtivement un nouveau personnage, le Chinois, surnom éponyme du titre du polar. Dès lors, celui-ci se transforme en roman historique où les bouleversements dans la Chine contemporaine occupent la place centrale. Cette longue séquence en abîme saura plaire au lecteur intéressé à la dialectique maoïste et au développement du capitalisme depuis le 19e siècle.
Sans dévoiler l’intrigue de l’histoire, ces quelques notes de lecture témoignent de la diversité thématique exprimée dans ce polar enlevant.
Le loup avait continué vers l’est, passé Nävjarna, traversé le Ljusnan gelé à Kårböle, avant de disparaître de nouveau dans les forêts désertes.
Référence
Mankell, Henning. - Le Chinois. - Traduit du suédois par Rémi Cassaigne. - Paris: Seuil, 2013 © 2008. - 569p. - (Points, n° P2936). - [Citations, p. 11, 95, 199, 565]. - Bibliothèques de Montréal et BAnQ: MAN et Mankell M2789c.
Carte
Sud du lac Hansesjön (Suède) - Source: OpenStreetMap, sous licence Creative Commons paternité - partage à l’identique 2.0 (CC-BY-SA) « © les contributeurs d’OpenStreetMap ».
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