27 septembre 2015

Histoire économique du Québec contemporain

Sous la direction de Simon Tremblay-Pepin, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) a publié le premier tome de Dépossession, une histoire économique du Québec contemporain. Ce tome concerne les ressources, alors que le second portera sur l’État.

Comme il s’agit d’un livre d’histoire, consultons son plan général avant de parcourir son introduction, sa conclusion et sa bibliographie:

Notice sur l’IRIS
Introduction (Simon Tremblay-Pepin)
1. - Agriculture (Lyne Nantel)
2. - Forêt (Pierre Dubois)
3. - Mines (Laura Handal Caravantes)
4. - Énergie (Ève-Lyne Couturier et Bertrand Schepper-Valiquette)
5. - Eau (Martin Poirier)
Conclusion (Simon Tremblay-Pepin)
Bibliographie thématique
Notices sur les auteurs
Notes bibliographiques (38 pages)

Introduction

Simon Tremblay-Pepin, jeune chercheur à l’IRIS, présente le contexte global et le cadre général de l’ouvrage. Il divise son exposé en quatre parties.

Le livre de référence Les veines ouvertes de l’Amérique latine, d’Eduardo Galeano, sert d’entrée en matière. Dans cet ouvrage célèbre, l’auteur uruguayen considère comme une malédiction les ressources naturelles exploitées par les colonisateurs européens. La partie initiale de l’introduction de Simon Tremblay-Pepin explique ensuite la distinction entre colonie-comptoir et colonie de peuplement, tout particulièrement dans le contexte québécois.

Dans la deuxième partie de son exposé, Simon Tremblay-Pepin appelle à témoin David Harvey, auteur du livre Le nouvel impérialisme. Il emprunte à ce géographe britannique le terme dépossession et l’expression accumulation par dépossession: ces concepts sont décrits et illustrés par des exemples. Il évoque ensuite la construction imaginaire d’une société donnée en recourant à Cornélius Castoriadis, auteur du livre L’institution imaginaire de la société. Simon Tremblay-Pepin décortique enfin le particularisme québécois depuis l’avènement de la Révolution tranquille, soit le rapport intime entre le nationalisme (visant un projet d’émancipation collective) et la dépossession (des nations autochtones et des communautés québécoises; du peuple québécois vu comme uni). C’est dans ce contexte qu’il spécifie le but du livre Dépossession: réinterpréter l’histoire traditionnelle du Québec par le biais de son histoire économique contemporaine.

Dans la troisième partie, Simon Tremblay-Pepin précise le but poursuivi: «Nous proposons ainsi une nouvelle lecture de l’histoire du Québec contemporain, qui aura pour conséquence de contester la lecture progressiste et nationaliste qui fait de la Révolution tranquille une sorte d’âge d’or. […] Nous voulons développer la thèse selon laquelle le ver de la dépossession était dans la pomme de la Révolution tranquille.» (p.17, 18) Des jalons historiques, présentés par décennie, développent explicitement la thèse retenue dans Dépossession.

La dernière partie de l’introduction rappelle le but du livre et souligne la pertinence d’une nouvelle interprétation de l’histoire économique du Québec.

Conclusion

La conclusion de Simon Tremblay-Pepin est divisée en quatre parties. La première traite du rapport du peuple québécois avec son territoire, en lien avec l’expérience des peuples latino-américains. La partie suivante démontre que la dépossession de nos ressources naturelles est une constante de notre histoire, notamment sur le plan des processus décisionnels. La troisième partie rend compte des changements apportés au paysage économique par la nouvelle élite des technocrates et entrepreneurs québécois. La dernière partie porte sur le cynisme politique et le sentiment d’aliénation du peuple québécois face à la recherche de l’émancipation effective.

Bibliographie

La bibliographie compte une dizaine de pages. Les références sont regroupées sous les thèmes correspondant aux essais présentés dans l’ouvrage: Agriculture, Forêt, Mines, Énergie, Eau.

Essais

Avant de parcourir les cinq essais, il est intéressant de lire les notices sur les auteurs et les notes bibliographiques. Un très grand nombre de celles-ci sont largement commentées.

À titre d'exemple, voici un aperçu des essais portant sur l'agriculture et l'énergie.

Agriculture (Lyne Nantel, sociologue)

L’introduction présente l’importance des retombées économiques de l’activité agricole pour l’économie québécoise, les transformations du modèle agricole québécois dans la seconde partie du 20e siècle, les récents rapports sur la crise agricole actuelle au Québec, la thèse formulée par l’auteure sur la dépossession et la dépendance du monde agricole québécois envers un oligopole aux dimensions canadiennes et internationales. Dans sa conclusion, l’auteure rappelle que la dépossession en matière d’agriculture affecte aussi bien le monde agricole que toute la société québécoise. Elle propose ensuite des améliorations au système agricole actuel. De plus, elle préconise un changement de mentalité pour assurer l’avenir de notre souveraineté alimentaire. Cette lecture préalable de l’introduction et de la conclusion favorise une meilleure compréhension des enjeux abordés dans une perspective historique et critique dans le corps de l’essai, dont la syndicalisation des agriculteurs, les plans conjoints, la gestion de l’offre et le système des quotas, les aides financières et l’endettement, les implications et les impacts de la globalisation.

Énergie (Ève-Lyne Couturier et Bertrand Schepper-Valiquette, chercheurs à l'IRIS)

Les facteurs favorables au développement de l’électricité à la fin du 19e siècle sont expliqués. Les monopoles privés aux mains de la minorité anglophone et d’intérêts étrangers émergent dès le début du 20e siècle. Les grandes industries sont avantagées par rapport à la population. Les combats contre ces monopoles sont ensuite relatés. Ils suscitent la création de la commission Lapointe, de la Commission d’électricité du Québec (1934), de la Régie provinciale de l’électricité (1936) et d’Hydro-Québec (1944). La première phase de la nationalisation de l’électricité a lieu en 1947 et la seconde en 1963. Par contre, les entreprises énergivores conservent leurs privilèges. En 1981, Hydro-Québec prend résolument un virage commercial. Sa gestion devient de plus en plus opaque et, graduellement, la population en perd la propriété.

La seconde partie de l’essai porte sur l’histoire du gaz naturel. Comme point de départ, les auteurs racontent le scandale du gaz naturel et la création de la Corporation de Gaz naturel du Québec (1957). Sous le contrôle d’intérêts étrangers, cette entreprise devient Gaz Métropolitain, en 1969. Au cours des années 1981-1986, la Caisse de dépôt et placement (CDPQ) et la Société québécoise d’initiative pétrolière (SOQUIP) prennent le contrôle de Gaz Métropolitain. L’entreprise est réorganisée et fractionnée, puis devient une société en commandite (1991). Dès lors, cette société s’affranchit du contrôle public et devient Gaz Métro en 2003. Après ce volet sur la distribution du gaz, les auteurs abordent l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures. Plus d’une centaine de forages sont effectués entre 1836 et 1950 sans aboutir à des résultats profitables. Les péripéties de la SOQUIP (1969-1998), puis d’Hydro-Québec Pétrole et Gaz (2002-2007) sont relatés. En 2010, le gouvernement cède pour une bouchée de pain à des entreprises privées les droits d’exploitation des territoires riches en gaz de schiste. Le gouvernement va même jusqu’à assumer ensuite les risques liés à l’exploration des sites potentiels. À cet égard, les auteurs détaillent l’exemple d’Anticosti.

Au terme de leur essai sur l’énergie, les auteurs constatent que l’histoire énergétique du Québec s’inscrit dans le phénomène global de la dépossession de nos ressources naturelles.

Référence

Tremblay-Pepin, Simon, dir. - Dépossession. Une histoire économique du Québec contemporain / Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS). - Tome 1 - Les ressources. - Montréal: Lux Éditeur, 2015. - 325p. - ISBN 978-2-89596-187-1. - Bibliothèques de Montréal et BAnQ: 320.5109714 D422 2015.

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