14 juin 2019

Atlas des empires, de l’Antiquité à nos jours


L’humanité a longtemps vécu au sein d’empires. Aujourd’hui, ces formes politiques nous semblent dépassées. Pourtant, s’intéresser à ce qu’ils furent nous aide à mieux comprendre le monde actuel et à inventer notre futur. (Jane Burbank et Frederick Cooper, professeurs à l’université de New-York)

Le Groupe La Vie / Le Monde a édité un atlas remarquable, tant pour la facture des cartes que pour le contenu documentaire des articles thématiques. Plus d’une quarantaine de spécialistes ont d’ailleurs contribué aux exposés géohistoriques et géopolitiques.

L’ouvrage compte six parties: Qu’est-ce qu’un empire?, L’invention des empires, Les empires musulmans, L’Europe impériale, Les empires coloniaux, Fin ou renouveau des empires? Chaque partie débute par une introduction. Le Sommaire du périodique-livre est détaillé. Par ailleurs, une Note de l’éditeur et une Bibliographie encadrent les regroupements thématiques.

La première partie est constituée de quatre sections: des considérations approfondies sur la notion d’empire; une série de quatre présentations graphiques (Les sens de l’empire, Des empires et des lieux, Des empires à épisodes, Un nouvel ordre impérial); des entrevues avec des personnalités de cinq domaines différents (peinture, littérature, cinéma, jeux vidéo, philosophie); une fresque historique sur Le film des empires, des origines à nos jours.

La grande diversité des empires, dans le temps et dans l’espace, fait l’objet de la deuxième partie: Mésopotamie, Égypte, Rome, Perse, Alexandre, Inde, Chine, Khmers, Steppes, Sahel, Aztèques et Incas. Outre les cartes de ces empires, le plan de la ville et une carte régionale de Tenochtitlan sont présentés d’une façon exemplaire. Ces empires, dans l’introduction de cette partie, sont regroupés sous cinq types de formations impériales: Les grands royaumes régionaux, Les hégémonies régionales, Les empires commerciaux, Les empires tribaux des steppes et Les empires à prétention universelle. Outre les cartes de chaque empire analysé, trois plans urbains méritent d’être signalés: Rome, Angkor et Tenochtitlan.

La partie trois est assurément l’une des plus intéressantes puisqu’elle porte sur les empires musulmans à la croisée des continents asiatique, africain et européen. Des empires initiés notamment par les peuples arabe, berbère, perse, turc et mongol. Ces histoires impériales sont d’une extrême complexité et diversité: Omeyyades, Abbassides, Fatimides, Almoravides, Almohades, Seldjoukides, Mamelouks, Timurides, Ottomans, Séfévides et Moghols. L’Asie du Sud-Est (Indonésie) est pratiquement ignorée. Les exposés sont rendus plus limpides grâce aux nombreuses cartes historiques, en plus du plan de Bagdad, la Cité de la Paix.

La partie quatre est consacrée à l’Europe où la nostalgie de l’ancien Empire romain a perduré avec l’émergence de quelques empires plus ou moins éphémères, dont l’Empire carolingien, le Saint-Empire romain germanique, l’Empire napoléonien, l’Empire austro-hongrois, l’Empire russe et les empires allemands. Seul l’Empire byzantin a connu une très longue durée. Les développements de plusieurs de ces empires sont illustrés par de nombreuses cartes, en plus du plan de Constantinople.

La cinquième partie porte sur les empires coloniaux des puissances européennes, dont ceux-ci: Portugal, Espagne, Pays-Bas, Grande-Bretagne, France et Allemagne. L’Empire du Japon est aussi considéré, mais pas celui des États-Unis d’Amérique. L’introduction souligne les caractéristiques de l’impérialisme colonial: occupation d’environ 70% des terres émergées couvrant tous les continents, soumission des peuples conquis au système dominant, creusement des inégalités économiques et aggravation des disparités régionales, flux migratoires de 125 millions de personnes (explosions démographiques successives et opposées, européenne puis africaine), effacement de nombreuses cultures et civilisations. Au cours de cette période, le racisme est institutionnalisé, avec ses conséquences déshumanisantes, meurtrières et pérennes. Un plan de la ville marchande d’Amsterdam (Pays-Bas) et plusieurs cartes sur les empires illustrent les exposés sur l’expansion coloniale européenne et japonaise.

La sixième partie traite des modalités impériales dans le monde actuel. L’introduction soulève les enjeux des marchés opaques, un marché opaque étant une «plateforme d’échange de blocs d’actions exploitée à l’extérieur des marchés officiels et de façon anonyme, où se traitent des volumes d’ordres importants, sans l’affichage du prix des transactions avant leur finalisation» (GDT). Les thématiques suivantes sont ensuite abordées: le monde unipolaire dominé par les États-Unis d’Amérique après la dislocation de l’URSS en 1991, l’interventionnisme américain tous azimuts (hégémonie du dollar et guerres commerciales), une rétrospective sur l’histoire du monde occidental (des grandes découvertes à nos jours), la résurgence de la Russie, les nouvelles routes de la soie développées par la Chine, l’influence et le nationalisme de l’Inde, les soubresauts de l’Union européenne, les monopoles américains contrôlant Internet, la concentration financière aux mains de multinationales. Par contre, les rivalités spatiales et surtout les changements climatiques, qui s’avèrent déjà déterminants pour la suite du monde, sont ignorés. Un entretien avec Catherine Clément, abordant diverses facettes de l’actualité, complète cette dernière partie: ses propos sont parfois partiaux et généralement idéalistes, voire jovialistes.

Une bibliographie est présentée en fin d’ouvrage: les références sont regroupées en fonction des six parties du livre-périodique. Enfin, des notices sur les auteurs sont insérées sur la page d’informations bibliographiques.

La lecture de cet Atlas des empires est fascinante, mais il importe de se rappeler que les points de vue exprimés sont occidentaux.

Référence

Cabé, Chantal; Lefebvre, Michel; éditeurs. - L’Atlas des empires. - Paris: La Vie / Le Monde, 2019. - 186p. - Hors-série, n° 27. - ISBN 978-2-36804-091-1 et ISSN 0151-2323. - [Citation, p. 8].

«Les dynamiques d'empire forgent notre histoire depuis plus de 6 000 ans. De l'Égypte pharaonique à la Chine impériale, de Rome et Byzance aux divers califats, des vastes espaces coloniaux européens aux géants modernes du Net et de la dominance internationale. Retour sur les ambitions, les conquêtes et les rivalités de tous ces empires que notre monde a successivement portés, démantelés et qu'il réinvente autrement aujourd'hui. Une épopée impériale des sociétés humaines racontée par les meilleurs spécialistes dans une nouvelle édition entièrement actualisée de cet ouvrage de référence aux textes pédagogiques et aux 200 cartes originales.»

Image

1892 - Empire ottoman - Carte générale des provinces européennes et asiatiques de l'Empire Ottoman (sans l'Arabie), dressée par Henrich Kiepert (Berlin). - Document mis en ligne le 10 juin 2019. - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

Carte supplémentaire

1893 - Empire ottoman - Carte ecclésiastique de l'Empire Ottoman d'après les Missiones Catholicae, dessinée et gravée par R. Hausermann (Paris). - Document mis en ligne le 10 juin 2019. - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

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