23 octobre 2020

Histoire des bibliothèques du Québec

L’histoire des bibliothèques du Québec est relatée par Marcel Lajeunesse dans le nouvel Atlas littéraire du Québec.

Dans un style limpide et concis, les principaux jalons de cette histoire sont présentés dans trois notices :

► 1764-1849 : implantation et développement de bibliothèques de type britannique à l’initiative de Germain Langlois, Fleury Mesplet, Frederick Haldimand, Thomas Cary; création de la Bibliothèque de l’Assemblée législative;

► 1840-1900 : création de bibliothèques paroissiales, dont l’Œuvre des bons livres par les Sulpiciens; rayonnement d’institutions littéraires, dont l’Institut canadien de Montréal; mainmise du clergé et initiatives de Jean-Baptiste Meilleur, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau et Honoré Mercier; création de la première bibliothèque municipale à Westmount;

► 1900-2020 : émergence des bibliothèques publiques aux États-Unis d’Amérique et au Canada anglais; péripéties de la création de la Bibliothèque centrale de Montréal; création de la Bibliothèque Saint-Sulpice; rapport de la Commission Ridington sur l’état des bibliothèques au Canada; première législation sur les bibliothèques publiques, sous l’administration de Paul Sauvé; création de plusieurs bibliothèques publiques dans les décennies 1960 et 1970; le foisonnement des bibliothèques publiques et de leur fréquentation, sous l’impulsion de Denis Vaugeois, dans la décennie 1980; adoption de la Politique de la lecture et du livre; création de la Grande Bibliothèque.

Les notices sont accompagnées d’encadrés et d’illustrations :

- citation de la Gazette littéraire de Montréal (13 janvier 1779)
- citation tirée des Mélanges religieux (29 mai 1846)
- citation de Louis Regourd, p.s.s., (1856)
- page frontispice de L’Écho du Cabinet de lecture paroissiale (janvier 1859)
- citation de Félix Vogel, membre de l’Institut canadien de Montréal
- citation de Thomas Chapais (1905)
- page titre de la brochure Pour un système cohérent de bibliothèques au Canada français (Raymond Tanghe, 1952)
- page de couverture du catalogue d’exposition Tous ces livres sont à toi (2005)
- photographie de la Bibliothèque Saint-Sulpice (2016).

Le contexte général de chaque époque et le milieu particulier de chaque jalon sont judicieusement mis en contexte. Chaque évènement évoqué a une portée historique bien expliquée. Les conclusions des notices permettent de saisir le cheminement de l’histoire des bibliothèques du Québec.

De cette fresque historique, retenons la conclusion générale de l’auteur : « Malgré des succès certains, les racines de la bibliothèque publique au Québec sont courtes et ont encore besoin d’être renforcées. »

À l’image de l’ensemble de l’Atlas littéraire du Québec, la mise en page des notices est exemplaire.

Référence

Lajeunesse, Marcel. « Les origines des bibliothèques du Québec (1764-1849) : des bibliothèques d’un genre nouveau » (notice n° 6, p. 12-13); « Les bibliothèques québécoises au XIXe siècle : la lente et difficile émergence des bibliothèques chez les francophones » (notice n°30, p. 55-57); « La bibliothèque publique : une institution dynamique, mais encore fragile » (notice n° 195, p. 330-332). - Dans Hébert, Pierre; Andrès, Bernard; Gagnon, Alex; dir. - Atlas littéraire du Québec. - Montréal : Fides, 2020. - xiv, 496p. - ISBN 978-2-7621-4124-5. - Bibliothèques de Montréal et BAnQ : 840.90003 A881.3 2020 et 840.90003 A8814 2020.

Une quatrième notice écrite par l’auteur : « L’Île d’Orléans (1928) de Pierre-Georges Roy : pleins feux sur l’île mythique », accompagnée de deux illustrations : page de couverture de l’édition originale, reproduction d’une peinture d’Horatio Walker (notice n° 249, p. 443-444).

Auteur

Marcel Lajeunesse (Université de Montréal)

Articles connexes

Portraits de femmes bibliothécaires au Québec
Collection Marcel-Lajeunesse
Études sur les bibliothèques
Dictionnaires de la langue française (Nouvelle-France)
Les Sulpiciens et l’histoire du livre
Documentation et bibliothèques

16 octobre 2020

Shanghai / Alain Grandbois

Sous le titre Visages du monde, une série de récits de voyage d’Alain Grandbois est diffusée sur les ondes de Radio-Canada, en 1950-1952.

Attardons-nous au premier de ces textes. Il porte sur Shanghai, une ville chinoise que l’auteur québécois a visitée en 1934. Diffusé le 18 avril 1950, de 19 h 45 à 20 h 00, le récit est lu par Jacques Auger.

Les quatre parties du texte d’Alain Grandbois sont encadrées par un prologue et un épilogue. Voyons cette structure plus en détail.

Prologue

Jacques Auger présente la nouvelle série d’émission Visages du monde, puis il cède la parle à Alain Grandbois. Celui-ci évoque son goût pour les voyages et l’aventure, une passion qui l’a mené sur divers continents pendant une vingtaine d’années. Il précise que beaucoup de ces visages ont été altérés par la Seconde Guerre mondiale. Il souligne enfin que ses textes expriment ses impressions personnelles.

Pause musicale / Jacques Auger reprend le micro

Partie 1 - Une ville étonnante

Alain Grandbois introduit ainsi son sujet : « Shanghai est une ville des plus étonnantes du monde. » Il développe ce thème sous quatre volets. En guise d’introduction à son exposé, il compare la ville de Shanghai à Paris, Londres et New-York. Il souligne le développement prodigieux de la métropole chinoise devenue en l’espace d’un siècle la cinquième ville la plus populeuse au monde.

Partie 2 - Shanghai le jour

Alain Grandbois décrit le cosmopolitisme de la ville défiant toute imagination : « Shanghai s’agite de l’aube au crépuscule comme une fourmilière en proie à la folie. » À titre d’exemple, il cite la vie trépidante des vingt-cinq mille coolies. Il poursuit son exposé en soulignant le caractère capitaliste de la métropole : « Cette formidable tour de Babel ne reconnaît qu’un seul dieu, le Veau d’or. » Il compare le peuple misérable aux affairistes : banquiers, courtiers, agents de change, prêteurs d’argent, généraux, politiciens et Compradores. Après avoir décrit les activités des nantis, il exprime cette opinion : « La surprise de ce siècle, c’est que l’on peut y trouver des gens qui ont encore le goût de l’honnêteté. » Enfin, l’auteur explique cette richesse par la situation géographique privilégiée de Shanghai à l’embouchure de la riche vallée du fleuve Yang-Tsé-Kiang.

Partie 3 - Shanghai la nuit

Alain Grandbois affirme ainsi la frénésie nocturne de Shanghai, sans commune mesure avec toute autre ville : « Tout est lumières, cris, intense agitation, richesses et dépenses inouïes, luxe fantastique. » L’auteur multiplie les exemples pour illustrer ses propos : Canidrome, Auditorium, Maison du Monde, Nanking Road (boîte de nuit), au centre-ville, et les endroits malfamés à l’orée du port.

Partie 4 - La colonie russe

Alain Grandbois traite de l’imposante colonie russe qui compte près de vingt-cinq mille personnes, la plupart habitant la concession française. C’est la partie la plus personnelle, la plus touchante du texte. L’auteur relate une rencontre avec une réfugiée russe qui lui présente, à l’hôpital, son amie gravement malade : « Ce petit cadavre qui ne vit encore que par miracle s’appelle Tatiana Kousminsky. » L’auteur conclut son récit avec une nostalgie émouvante : « Mais qu’est devenue Olga X, ma belle compagne courageuse ? Il a coulé tant d’eau sous tous les ponts du monde depuis quinze ans. »

Pause musicale

Épilogue

Jacques Auger conclut brièvement l’émission en rappelant son contenu en une phrase.

Appréciation

J’ai lu ce texte après la lecture du livre Les voyages de Marco Polo par Alain Grandbois. C’est avec plaisir que j’ai retrouvé dans les Visages du monde le style alerte et dynamique, les énumérations typiques, les brefs commentaires, les phrases-chocs exemplaires et saisissantes du célèbre auteur québécois. Quel écrivain !

Les internautes intéressés à approfondir l’analyse de Shanghai pourront consulter les ressources de l’édition critique produite par Jean Cléo Godin : introduction, notes infrapaginales, bibliographie, index des noms de personnes, index des principaux noms géographiques, appendices.

Référence

Grandbois, Alain. - Visages du monde. - Édition critique par Jean Cléo Godin. - Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal, 1990. - 788p. - (Bibliothèque du Nouveau Monde). - ISBN 2-7606-1508-1. - [Chapitre 1 : Shanghai, p. 25-31]. - Bibliothèques de Montréal et BAnQ: 928.41 G751 et 848.912 G7518v 1990.

Article connexe

La prose d’Alain Grandbois

09 octobre 2020

La condition tropicale / Francis Hallé


Les pays tempérés restent riches, les pays tropicaux continuent d’être pauvres. C’est cette invariance qui m’intrigue et justifie ce livre.

Le célèbre botaniste Francis Hallé publie une synthèse lumineuse sur la tropicalité, une œuvre couronnant sa riche carrière de chercheur: «Je suis botaniste et fier de l’être. […] Mais j’ai maintenant 70 ans, ce qui, on en conviendra, autorise à porter un regard global sur l’existence.»

L’introduction présente les buts de l’auteur, la notion de tropicalité et les marqueurs de la tropicalité. Sa structure est identique à celles des huit chapitres du livre: sommaire en caractères gras, sous-titres correspondant aux idées développées, illustrations légendées. Plusieurs chapitres contiennent des encadrés thématiques. Le caractère didactique de l’ouvrage est manifeste.

Les titres des chapitres sont évocateurs des facettes de la tropicalité abordées tour à tour, la plupart du temps avec des points de vue inusités:

1. - Vivre sur une sphère en croyant qu’il s’agit d’un plan
2. - La Terre: astronomie et géophysique
3. - Les climats
4. - Géographie et paysages, roches et sols
5. - La biologie tropicale (forêt et récif, diversité et évolution)
6. - Essai d’anthropologie tropicale (être humain, hypothèse photopériodique, psychologie)
7. - L’activité économique (points de vue contradictoires, approche historique, économie et latitudes)
8. - Un plaidoyer pour les tropiques.

Plusieurs outils de recherche complètent l’ouvrage: bibliographie, index thématique, liste des encadrés, liste des figures, crédits iconographiques et remerciements.

Appréciation

Les idées qui ont le plus suscitées mon intérêt ont trait à l’importance accordée à l’astronomie et à la géographie (géophysique, climatologie, pédologie), ainsi qu’à leurs conséquences durables (biologie végétale et animale, anthropologie, économie) comme facteurs déterminants et explicatifs de la condition tropicale.

Cette encyclopédie me semble essentielle pour bien comprendre l’histoire humaine et le monde contemporain caractérisés par les inégalités socio-économiques. Assurément une référence exceptionnelle!

Référence

Hallé, Francis. - La condition tropicale. Une histoire naturelle, économique et sociale des basses latitudes. - Paris: Actes Sud, 2018 © 2010. - 703p. - (Babel, n° 1230) - [Citations, p. 28, 15]. - Bibliothèques de Montréal et BAnQ: 508.313 HALL.C et 508.313 H183c 2010.

Image

Vriéséa (Vriesea platynema var. variegata, Bromeliaceae, Brésil oriental, Jardin botanique de Montréal)

Article connexe

Plaidoyer pour l’arbre / Francis Hallé

Exposition

Le Jardin botanique de Montréal a présenté une superbe exposition intitulée «Francis Hallé, carnets d’un botaniste», du 15 juin au 3 septembre 2018. À cette occasion, le chercheur a rencontré un grand nombre de visiteurs. Des dessins botaniques en grand format du biologiste français sont encore affichés dans la serre de la forêt tropicale humide.

Deux photos souvenirs: affiche de l’exposition et dessin de Francis Hallé dans les Jardins d’accueil >

02 octobre 2020

Espace / Govert Schilling


Vous cherchez une synthèse sur l’espace? Une synthèse illustrée? Une synthèse captivante? Une synthèse en français? Et bien, le livre Espace de Govert Schilling, traduit de l’anglais par Julie Fillatre, est tout indiqué.

C’est un livre grand format, de forme carrée, abondamment illustré. L’introduction est suivie d’une dizaine de chapitres. L’ouvrage est complété par les crédits des photos et illustrations, un index et un glossaire.

Chaque chapitre est présenté sur une double page illustrée. Tout comme les exposés thématiques qu’il contient, le sommaire du chapitre est captivant et limpide. La mise en page est exemplaire: clarté du texte affiché en blanc sur fond noir, polices de caractères, disposition des exposés, fiches signalétiques (passeports), illustrations légendées (photos, dessins, graphiques), pagination et rappel du titre de chapitre.

L’espace exploré commence avec le Système solaire: le Soleil, les planètes telluriques, les planètes gazeuses, les astéroïdes et les comètes. Ce chapitre initial est complété par l’histoire de l’astronomie.

Le chapitre 2 porte sur la naissance des étoiles. Comme dans l’ensemble du livre, les images sont à couper le souffle. Ce chapitre est complété par un exposé sur les télescopes, depuis 1600 jusqu’à nos jours.

Le chapitre 3 explore le monde des étoiles et des planètes. Après l’explication du diagramme de Hertzsprung-Russell sur le classement des étoiles, l’auteur présente plusieurs types d’étoiles: ordinaires, cannibales, naines rouges, étoiles ratées, binaires, géantes, supergéantes, etc. La seconde partie du chapitre porte sur les exoplanètes.

La mort des étoiles fait l’objet du chapitre 4. Un grand nombre de nébuleuses étayent les explications portant sur les diverses fins des étoiles, selon leurs constitutions initiales. Un monde aussi surprenant que fantastique.

Le chapitre 5 porte sur notre galaxie, la Voie lactée. Les différentes composantes et facettes de la Galaxie sont démontrées avec brio. Ce chapitre est complété par la présentation des télescopes spatiaux.

Le chapitre 6 nous introduit dans le Groupe local comprenant plus de cinquante membres, dont les Nuages de Magellan et les galaxies d’Andromède et du Triangle. En plus de la description de ces trois grandes galaxies, le chapitre souligne la découverte initiale des céphéides par Henrietta Leavitt.

Le volumineux chapitre 7 présente un atlas des galaxies, c’est-à-dire des portraits de différentes catégories de galaxies distinguées par leurs formes, leurs tailles et leurs constitutions variables. Le télescopage et le cannibalisme entre galaxies sont aussi illustrés par de nombreux exemples. Le chapitre est complété par la description des rayonnements électromagnétiques, des rayons cosmiques et les ondes gravitationnelles.

Le chapitre 8 porte sur les amas et superamas de galaxies, dont les amas de la Vierge et de Coma, et les superamas de la Chevelure de Bérénice, de la Vierge, d’Hydre-Centaure, du Grand Mur, du Grand Mur de Sloan et du Grand Mur Hercule-Couronne. La distribution de ces gigantesques objets astronomiques est observée depuis peu par l’utilisation des lentilles gravitationnelles fortes et faibles. Ces nouvelles techniques d’observation permettent aussi d’étudier la répartition spatiale de la matière noire.

Le chapitre 9 est dédié à la cosmologie, soit à l’étude de la naissance, de l’évolution et de la structure de l’Univers. L’auteur fait état des découvertes scientifiques les plus récentes, tout en évoquant plusieurs spéculations sur le devenir du cosmos. Il réfute aussi certaines idées fausses, en particulier sur l’expansion de l’Univers et le Big bang.

Le dernier chapitre est constitué d’un atlas céleste de 14 cartes, d’un tableau sur les constellations et de l’alphabet grec.

Concluons le survol de ce livre instructif et captivant par cette citation tirée de l’introduction: «La majeure parte de ce livre n’aurait pu être écrite il y a vingt-cinq ans, pour la simple raison que nos connaissances étaient beaucoup plus limitées à l’époque. Et même si ce livre avait pu être écrit, vous seriez passés à côté des photos magnifiques qui ont été fournies par de grands observatoires terrestres et des télescopes spatiaux.»

Référence

Schilling, Govert. - Espace. Dans les profondeurs de l’Univers et à l’origine du Temps. - Traduction de l’anglais par Julie Fillatre. - Paris: Éditions Place des Victoires, 2015. - 224p. - ISBN 978-2-8099-1310-1. - [Citation, p. 7]. - Bibliothèques de Montréal et BAnQ: 523.1 S3347e 2015.

Sur la Toile

Govert Schilling (Wikipédia)

Image

Une pépinière d'étoiles - (Wikipédia) - (WWT)

Insérée à la page 45 du livre et portant sur les globules de Bok, cette image est ainsi légendée: «Semblables à des taches d’encre, les globules sombres se dessinent sur l’éclat de l’hydrogène chaud dans la zone de formation stellaire IC 2944, située dans la constellation du Centaure.»

Sur la Toile

Astronomie (répertoire de sites)

Articles connexes

Astronomie (billets)