Centenaire de l’Atlas Pinsoneault
Au début du 20e siècle, Alphonse R. Pinsoneault publie un atlas qui fera date dans l’histoire de Montréal. À l’occasion du centenaire de la publication de cet ouvrage, je vous présente l’auteur et son milieu urbain, une description de l’atlas et des exemples typiques de relevés géographiques. Les versions numérisées de cet atlas et du Lovell's Montreal Directory, dont il sera aussi question, peuvent être consultées sur le portail de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).
Au cours de l’année 1906, l’ingénieur Pinsoneault déménage au 10, rue University, juste au nord de la rue Dorchester ouest (aujourd’hui boulevard René-Lévesque). Alfred Small et C. E. Dawson logent dans le même bâtiment. À proximité de cet édifice se trouvent les clubs privés St. James, Elks et Reform, l’imposante demeure de George W. Stephens et la bibliothèque publique Fraser Free Library. La richesse du secteur nord du quartier Saint-Antoine, surnommé le Golden Square Mile, est à l’image de la croissance de la ville. Celle-ci, au deux tiers francophone, est dirigée par une élite anglophone. La langue anglaise utilisée pour l’atlas témoigne de cette réalité sociologique.
L’Atlas of the Island and City of Montreal and Ile Bizard, A Compilation of the Most Recent Cadastral Plans from the Book of Reference a été publié en 1907 par The Atlas Publishing Co. Ltd. La page de titre a été dessinée par J. Blouin dans le style Art nouveau : les éléments bibliographiques sont entourés d’arabesques et de motifs naturels. Outre cette page initiale, l’atlas compte soixante-trois planches de 47 x 74 cm. Les planches sont partiellement coloriées, à la main. Les échelles des cartes sont variables, mais la majorité d’entre elles ont l’échelle suivante : 200 pieds = 1 pouce.
La planche Index est le point de départ de toute consultation de l’atlas. Un répertoire présente les divisions administratives : les comtés électoraux (2), les quartiers de la ville de Montréal (20), les villages et autres villes de l’île de Montréal (36). Une légende indique la signification des traits typographiques et des délimitations linéaires. Deux échelles, en miles et en arpents, complètent cette planche.
Comme le soulignent les éditeurs du Lovell's Montreal Directory, dans leur préface du 17 juillet 1906, la ville connaît une croissance démographique phénoménale. Ils estiment la population de l’île à 405 000 habitants et celle de la ville de Montréal à 352 000. Notons que la métropole n’avait que 267 730 habitants au recensement de 1901. La population de la ville s’est donc accrue de 24% en cinq ans. L’industrialisation, l’immigration, l’exode rural, le taux de natalité élevé et les annexions peuvent expliquer cet essor.
La métropole est un important centre maritime et ferroviaire en Amérique du Nord. Le premier bassin industriel du Canada s’est développé de part et d’autre du canal de Lachine, dans la seconde moitié du 19e siècle. Ce développement est bien visible sur les planches 18, 23 et 28 de l’atlas. Par exemple, on y trouve les propriétés industrielles suivantes : silos à charbon de l’Intercontinental Coal Mining, la fonderie Montreal Steel Works, la scierie Sherer Brown Will’s, la cimenterie Canadian Portland Cement, la raffinerie Canadian Sugar Refining, la minoterie Ogilvie Flour Milling, la Northern Electric et la Montreal Light Heat & Power.
Le développement industriel riverain du port de Montréal est aussi notable dans le Centre-Sud. Ainsi, on retrouve les établissements industriels suivants sur les planches 1, 2, 5 et 10 : Dominion Cotton Mills, Tobacco Factory McDonald, Montreal Light Head & Power, Canadian Rubber, Montreal Oilcloth, Chadburn Carriage Mfg, Deering McCormick, Cater White Lead, Canadian Bronze, Standard Shit Factory, Diamond Flint Glass et Molson Brewery.
Les communications ferroviaires, tout comme les transports maritimes, favorisent l’émergence et le développement des industries. Les voies ferrées parcourent l’île de Montréal et les cours de triage sont localisées à proximité des zones industrielles. Les planches 2, 3, 17, 19, 22 et 34 indiquent les installations du Grand Trunck (Pointe-Saint-Charles, pont Victoria, Bonaventure) et du Canadian Pacific (Hochelaga, Rosemont, Outremont et Westmount). Les installations du CPR dans la cour de triage Hochelaga et aux ateliers Angus sont particulièrement bien détaillées.
L’industrialisation suscite le développement domiciliaire. Prenons l’exemple du futur quartier Rosemont. Les nouveaux associés Ucal-Henri Dandurand et Herbert S. Holt achètent la terre Crawford, fondent la Rosemount Land Co. et, en 1903, subdivisent leur terre en 2 553 lots à bâtir. Ces lots sont indiqués sur la planche 4. Les ouvriers des ateliers Angus (ouverture en 1904) seront parmi les premiers acheteurs de ces lots. L’atlas permet de comparer aussi ce nouveau lotissement, pratiquement inhabité en 1907, aux anciens lotissements densément peuplés, comme par exemple celui du quartier Saint-Jacques (planche 5).
Concluons cet article en soulignant une utilité sous-jacente de cet atlas pour les recherches généalogiques. Pinsoneault indique les adresses civiques des différents lots inscrits aux cadastres de la ville. Cela permet de localiser précisément les habitants de la ville en recourant aux répertoires des noms et des rues du Lovell's Montreal Directory. Ainsi, il est possible d’identifier la demeure du compilateur de l’atlas en liant son nom, l’adresse 10, rue University et le numéro de lot 1353, ces dernières données étant indiquées sur la planche 19. Par ailleurs, il suffit de consulter le répertoire Les rues de Montréal pour trouver la correspondance entre un ancien nom de rue et son toponyme actuel.
Références
Abboud, Christiane, dir. – Les rues de Montréal : répertoire historique. – Montréal : Méridien, 1995. – 547 p. – ISBN 2-89415-139-X. – Cote BAnQ : 917.14280014 M811ru 1995.
Annuaires Lovell de Montréal et sa banlieue. – (Collection numérique de BAnQ).
Pinsoneault, Adolphe Rodrigue. – Atlas of the Island and City of Montreal and Ile Bizard : a compilation of the most recent cadastral plans from the book of reference. – [S.l.] : Atlas Publishing, [1907]. – Cote BAnQ : G/1144/M65G475/P5/1907 DCA.
Sabourin, Roger. – Rosemont : mon quartier. – [Montréal] : R. Sabourin, 2000. – 90 p. – Cote BAnQ : 971.42802 S117r 2000.
Ajout (3 juin 2021)
Petite enquête sur l’Atlas historique de Pinsoneault (Guy Gaudreau et Normand Guilbault, Carnet de la Bibliothèque nationale, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, BAnQ)
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