Les aventures naturalistes de Joseph de Jussieu
Héliotrope arborescent (Heliotropium arborescens, Boraginaceae) – «Cette plante, qui fleurit aujourd’hui dans une multitude de jardins de par le monde, est certainement le legs le plus visible du botaniste.»
Dans son livre intitulé Les conquistadors du savoir, Bernard Jimenez consacre un chapitre au botaniste Joseph de Jussieu (1704-1779), sous le titre Les aventures naturalistes de Joseph de Jussieu.
L’auteur aborde l’œuvre du botaniste en deux parties. Son récit est largement illustré par des documents de première source (dessins, cartes), des peintures artistiques et des photos contemporaines (plantes, paysages).
Première partie – Histoire naturelle et médecine, 1736-1747
[ 1 ] – Les trésors végétaux de « l’avenue des volcans » (1736-1739) – Les découvertes botaniques de Jussieu dans les environs de Quito : Duranta triacantha, Calceolaria crenata, Tigrida pavonia, Heliotropium arborescens, Cactus cylindrus, Chiquiraga jussieui, Lupinus alopecuroides, Azorella compacta. Ces espèces sont illustrées (5 dessins de Jussieu et 3 photos contemporaines).
[ 2 ] – Quinquina, l’or amer des Indes (1737-1739) – L’usage de l’écorce réduite en poudre de l’arbre Quiquina est répandu en Europe au 17e siècle. Mais c’est Joseph de Jussieu qui saura l’identifié précisément, sous sept espèces, dans la région de Loja. Ce n’est qu’en 1936 que son mémoire le décrivant sera publié. Des illustrations du Cinchona officinalis de Jussieu et/ou Morainville accompagnent le récit.
[ 3 ] – Malade, séquestré, puis médecin pour survivre (1739-1747) – Le contexte général (contrebandiers anglais et guerre de Succession d’Autriche) et local (fièvres à répétition, sans nouvelle de ses frères, manque d’argent, épidémie à Quito, contraint de rester sur place pour exercer la médecine, nuages de cendres causés par l’éruption du volcan Cotopaxi en 1744, intempéries) empêche Jussieu de regagner la France.
Seconde partie – L’exploration botanique des Andes et de l’Oriente, 1747-1758
[ 4 ] – À la recherche de la mythique cannelle (décembre 1747-avril 1748) – Les péripéties de l’expédition à la recherche de l’arbre à cannelle sont relatées avec minutie. Mais l’espèce Borbinia peruviana (Ocotea quixos) découverte et décrite par Jussieu n’a pas les qualités de l’espèce Cinnamomum verum (Ceylan, Sri Lanka). Plusieurs dessins de Jussieu et photos contemporaines accompagnent le récit.
[ 5 ] – Le voyage à Lima, avril-septembre 1748 – Jussieu illustre le cactus Cleistocactus neorezlii au cours de son périple et dessine trois oiseaux de Lima ou des environs. Il accepte de retourner en France par Buenos Aires, en compagne de Louis Godin.
[ 6 ] – Dans la vallée sacrée des Incas, septembre 1748-juin 1749 – Après 13 ans écoulés depuis son départ de La Rochelle, et de nombreuses fièvres, Jussieu entreprend avec enthousiasme la prochaine étape de son voyage de retour. De Lima au lac Titicaca, il herborise; par exemple : Passiflora edulis, Annona cherimola, Cantua buxifolia, Allionia incarnata, Crytopetalon ciliare, Ayenia pusilla, Opuntia soehrensii, Tropaeolum oerigrinum, Ullucus tuberosus. En cours de route, il visite plusieurs mines. Plusieurs dessins de Jussieu et des photos contemporaines.
[ 7 ] – Du lac Titicaca aux Yungas, juin-juillet 1749 – Dans ces régions, Jussieu s’attarde pour découvrir et décrire de nouvelles plantes : Buddleja incana, Escobedia scabrifolia, Erythroxylum coca. Trois dessins de Jussieu.
[ 8 ] – L’exploration botanique de l’Oriente, avril 1749-juillet 1750 – Dans la région de Santa Cruz de la Sierra et les missions jésuites de Chiquitos, le botaniste herborise de nouveau : Ficus boliviana, Guapurium peruvianum, Passiflora tomentosa, Garcinia madruno. Cartes dressées et plantes dessinées par Jussieu.
[ 9 ] – Ingénieur à Potosi, autonome 1750-décembre 1755 – Lors de son long séjour à Potosi, Jussieu exerce ses talents d’ingénieur, en particulier pour l’amélioration du fonctionnement d’un moulin à aubes et la reconstruction d’un pont important sur la rivière Pilcomayo. En route vers Lima, pour son retour en Europe avec le gouverneur Domingo de Jàuregui, Jussieur poursuit ses travaux botaniques : Neowerdermannia vorwerkii, Mimosa strombufira. Des dessins techniques et botaniques de Jussieu accompagnent l’exposé.
[ 10 ] – La triste fin d’un chasseur de plantes, janvier 1756-avril 1779 – Après un séjour de 20 ans en Amérique latine, Jussieu retourne à Lima. Il apprend alors le décès de sa mère et de plusieurs de ses frères et la perte de ses envois de plantes. À défaut de pouvoir herboriser, suite à sa maladie pulmonaire attrapée à Potosi, il exerce la médecine, souvent gratuitement pour les pauvres. Il rentre finalement en France en 1771, mentalement malade, après 35 ans d’absence.
Bernard Jimenez témoigne ainsi de la fin de Jussieu : «Sa fin de vie est un martyre. Paralysé, aveugle, Joseph meurt de la gangrène après huit jours de terribles souffrances, le 11 avril 1779, à l’âge de 74 ans.»
Témoignage de Nicolas de Condorset (1743-1794) envers Joseph de Jussieu : une «figure tragique de l’histoire des sciences».
De son œuvre immense ayant survécu, une centaine de dessins et quelque 400 planches d’herbier, Jussieu laisse aussi le souvenir de son humanisme envers les plus pauvres.
Référence
Jimenez, Bernard. – Les conquistadors du savoir. Une fabuleuse épopée scientifique en Amérique du Sud, 1735-1743. – Préface de Christian Grataloup. – Paris : Glénat / La Société de géographie, 2024. – 192 p. – ISBN 978-2-344-058275. – Chapitre 4 : Les aventures naturalistes de Joseph de Jussieu, p. 102-139. – [Citations : p. 103, 137, 139]. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : 508.8 J614c 2024.
Image
Héliotrope arborescent (Heliotropium arborescens, Boraginaceae) © Claude Trudel, Le monde en images, CCDMD. – Photo affichée dans l’album Plantes en Amérique latine et aux Antilles (2025), p. 67.
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