12 septembre 2012

Deux siècles d’esclavage au Québec

L’historien Marcel Trudel, en collaboration avec l’historienne Micheline D’Allaire, a mis à jour son étude d’abord parue en 1960. Cette nouvelle édition est accompagnée d’un dictionnaire sur disque numérique.

Dans son introduction, l’auteur raconte les premiers cas apparus dans la vallée laurentienne au 17e siècle.

Le chapitre 1 retrace le petit nombre d’esclaves noirs à l’époque de la Nouvelle-France : un total de 13 pour la période 1689-1713; de zéro à 21 nouveaux esclaves par année au cours de la période 1714-1760.

Le chapitre 2 porte sur la légalisation de l’esclavage : la permission de Louis XIV (1689), l’ordonnance de Raudot (1709), l’ordonnance de Hocquart (1730), le traité de capitulation de Montréal (1760).

Le chapitre 3 présente des statistiques globales sur près de 4 200 esclaves au Québec : près de 2 700 Amérindiens et au moins 1 443 Noirs. Les origines et la répartition de ces esclaves sont étayées. C’est peu par rapport à la situation prévalant dans les colonies anglaises.

Le chapitre 4 traite des modalités d’acquisition et de vente des esclaves noirs ou amérindiens, considérés comme des animaux : cadeau, héritage, servitude volontaire, enchère, achat au comptant, à crédit ou par troc.

Le chapitre 5 brosse un tableau des propriétaires d’esclaves : les commerçants, qui en ont le plus, les militaires, les hauts fonctionnaires, les professionnels (médecins, notaires, autres), imprimeurs, gens de métiers, seigneurs, gens d’Église. Peu de ces propriétaires possèdent plus de dix esclaves.

Le chapitre 6 décrit les conditions de la vie servile. L’auteur fait état du contenu du Code noir des Antilles (1685) et de celui de la Louisiane (1724). Il n’y a jamais eu de code spécifique pour le Canada. Les aspects suivants sont ensuite abordés : adoption, instruction, apprentissage d’un métier, tenue vestimentaire, hospitalisation, décès précoce (19,3 ans en moyenne), inhumation, relation maître-esclave.

Le chapitre 7 révèle que plus de 80 % des esclaves sont baptisés, certains d’entre eux assez tardivement. La cérémonie du baptême s’avère parfois une rencontre sociale de prestige. Les informations sur la pratique des autres sacrements sont plutôt fragmentaires.

Le chapitre 8 porte sur la criminalité. Les esclaves sont si bien intégrés à la société que l’historien ne recense que 18 criminels en deux siècles sur 4 185 esclaves. Le cas le plus célèbre est celui de Marie-Joseph-Angélique ayant causé un incendie majeur à Montréal en 1734. Les sentences appliquées à ces esclaves sont équivalentes ou souvent moindres que celles encourues par les Blancs.

Le chapitre 9 aborde deux sujets : l’exercice des droits légaux reconnus de fait aux esclaves et le sort des esclaves émancipés. Cette double analyse porte sur un nombre limité de cas.

Le chapitre 10 porte sur les relations amoureuses entre esclaves et entre esclaves et Blancs : liaisons hors mariage, mariages et statuts légaux des enfants nés de ces liaisons et mariages interethniques. Les informations rapportées sont basées sur des données minimes et très fragmentaires.

Le chapitre 11 ironise sur le délicat problème du métissage de la population québécoise, métissage sans doute peu répandu, mais quand même documenté.

Le chapitre 12 raconte les péripéties menant à la fin de l’esclavage en Ontario et au Québec. L’historien termine ainsi son exposé : « Il est assez difficile de dire exactement comment l’esclavage prit fin au Canada français. […] Autant dire qu’au Québec l’esclavage disparaît de lui-même sans qu’on puisse en dater le terme. »

La conclusion, de plus de vingt pages, résume le volume. Pour la personne désirant seulement connaître un survol du sujet, sa lecture est tout indiquée.

Le livre est complété par une bibliographie, la liste des œuvres de Marcel Trudel et un index. Une table des matières détaillée est insérée en début d’ouvrage.

Statistiques et anecdotes abondent dans cette synthèse de recherches minutieuses sur un sujet peu exploré par les historiens.

Référence

Trudel, Marcel. – Deux siècles d’esclavage au Québec, suivi du Dictionnaire des esclaves et de leurs propriétaires au Canada français sur CD-ROM. – Avec la collaboration de Micheline D’Allaire. – Montréal : Hurtubise HMH, 2004. – 405p. – (Cahiers du Québec - Histoire). – ISBN 2-89428-742-9. – Cote BM : 306.362 T. – Cote BAnQ : 306.36209714 T8662d 2004.- [Citation, p. 319]. – [Le Dictionnaire est au format pdf].

Club de lecture

Ce livre est au programme du Club de lecture (section histoire) des Amis de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (ABAnQ).

Sur la Toile

Marcel Trudel (1917-1911)

Accueil, Bibliographie, Biographie, Bourses, Croix de Saint-Louis, Photographies, Prix obtenus, Liens suggérés, Renseignements

Carte d'Amérique dressée pour l'usage du roy en 1722 par Guillaume Delisle... et augmentée (Collection numérique de cartes et plans) (BAnQ)
Code noir de 1685 de Louis XIV
Code noir de 1724 de Louis XV
Esclavage (Arnaud Bessière, Université de Montréal) (Musée virtuel de la Nouvelle-France)
La pratique de l'esclavage au Canada (Plans de leçon des Archives publiques de l’Ontario)
Sur les traces de nos ancêtres (L’esclavage au Canada français : la fin?) (Michèle Villegas-Kerlinger, Téluq)

La délicate question de l'esclavage au Québec (Caroline Montpetit, Le Devoir, 31 mai 2013)

Articles connexes

L’esclavage en Nouvelle-France

L’exposition qui s’est déroulée en 2007 au Centre d’archives de Montréal a été reprise à l’identique en 2012 au même endroit.

Les chrétiens d’Allah

Aucun commentaire: