26 juillet 2015

David Altmejd / La galopade des zèbres

Lorsque je conçois mes vitrines, ce qui m’intéresse, c’est de déployer une structure très légère faite en fils, de créer un univers de réseaux suspendus dans l’espace. C’est important de donner l’impression qu’il flotte.
David ALTMEJD

La sculpture Le spectre et la main (2012) est exposée au Musée d’art contemporain de Montréal (MACM) dans le cadre de l’exposition en cours David Altmejd - Flux. Elle est englobée dans une vaste boîte rectangulaire de plexiglas. Certains éléments dépassement même les limites de cette structure architecturale.

C’est une œuvre étonnante où trois éléments dominants se croisent et s’entrecroisent d’une façon dynamique. Vus de face, trois zèbres s’élancent vers le spectateur. Vues de côté, à gauche comme à droite, des envolées de noix de coco interfèrent autour et dans ces mammifères volants. Vues d’en arrière, mais aussi sur les autres côtés, de nombreuses et fines toiles de fils colorés traversent l’ensemble de la sculpture. Des éléments secondaires complètent ce tableau en trois dimensions: des bobines de fil, de fines brindilles accrochées aux fils, des raisins verts, quelques petites flaques sur le sol et ailleurs, de petits insectes noirs et des traces du travail en gestation dans un coin de la sculpture.

La galopade des zèbres caractérise cette imposante sculpture. Plusieurs aspects soulignent leur mouvement: la figuration dans l’espace, la tête profilée et ascendante, la peau qui se détache, se soulève et révèle la structure squelettique, les sabots qui propulsent l’animal vers l’avant. Les peaux soulevées, du côté gauche de la sculpture, se rejoignent et forment un cercle au plafond de la sculpture, tandis que les intérieurs des animaux sont visibles du côté droit de l’œuvre. Certains signes indiquent que ces zèbres subissent à la fois une transformation vitale (nourriture dans l’estomac) et mortifère (peau maladive). Le dynamise de ces mammifères, c’est-à-dire celui du règne animal, est intrinsèque.

L’envolée complexe des noix de coco participe et amplifie cet aérodynamisme. Partant du sous-sol, une série de noix de coco s’élève vers le premier zèbre, puis les fruits tropicaux s’agglutinent au sommet de la sculpture. Ensuite, une double série de noix de coco s’abaisse graduellement en traversant les deux autres mammifères. Deux forces naturelles agissent sur ces produits exotiques, la force tellurique qui les catapulte à l’extérieur du magma et la force gravitationnelle qui les ramènent vers le sol.

Les fils colorés qui circulent dans toute la sculpture induisent des relais dynamiques à tous les niveaux de l’œuvre, ainsi que dans les angles et inclinaisons diversifiés. À cet égard, les bobines situées au sommet de la sculpture peuvent même évoquer des génératrices. L’ensemble de cette infrastructure relationnelle reflète la synergie de l’œuvre et la minutie de l’artiste.

En plus du mouvement et de l’énergie cinétique, la sculpture est marquée par d’autres contrastes: les bandes noires et blanches des zèbres, les parties extérieures et intérieures des corps, l’imposante masse de ces mammifères et le volume minuscule d’un insecte, les fuseaux de fils colorés rectilignes ou courbés, les matériaux transparents ou opaques.

Une partie de l’œuvre semble être statique, celle de l’atelier de l’artiste. Située dans un coin reculé de la sculpture, elle contient six noix de coco rangées dans des boîtiers de plexiglas, plusieurs grands morceaux de plexiglas déposés obliquement sur un support horizontal, et quelques lignes fléchées tracées sur ces tableaux de plexiglas. Toutefois, l’inertie n’est qu’apparente, car trois insectes minuscules circulent dans cette chambre intérieure.

Plusieurs indices laissés par le sculpteur indiquent que l’œuvre est en quelque sorte inachevée, qu’elle est toujours en cours de réalisation. Ces marques illustrent le processus continu de l’œuvre.

Le sculpteur utilise plusieurs matériaux dans Le spectre et la main (2012): argile époxy, crin de cheval, fil, fil de fer, noix de coco, peinture acrylique, plexiglas, résine et résine époxy.

Le montage des différents objets et des structures multiformes de la sculpture force l’admiration, tellement les imbrications des éléments constitutifs sont ténues, multiples et complexes. L’ensemble constitue une conception architecturale aussi originale qu’admirable!

Référence

La citation de David Altmejd est tirée de l’article Faire flotter les choses (Entrevue avec Émilie Granjon, Vie des arts, n° 239, Été 2015, p. 17).

Base de données

Plusieurs périodiques ont publiés des articles sur David Altmejd et son œuvre. Par l’intermédiaire de la base de données Érudit, ces documents peuvent être consultés gratuitement par les abonnés à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

Sur la Toile

Le spectre et la main, 2012 (Photos) (Site de artiste)
A Spectre emerges from Montreal’s Zoo (Sarah Milroy, The Globe and Mail, 20 juillet 2013)

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