30 janvier 2020

Le châtiment de Prométhée


À l’issue d’une longue procédure, une séance extraordinaire du Sénat se déroule à l’ombre d’un olivier sacré.

Quatre personnalités participent aux délibérations: Hypométhée, le président du Sénat, Apométhée, l’assesseur, Améthée et Antiméthée.

Avant le prononcé de la sentence, pour éviter des objections de forme, le président du Sénat rappelle les faits. Prométhée est accusé d’avoir inventé le feu, de pouvoir reproduire à tout moment le feu par frottement, d’avoir diffusé cette invention, d’avoir indiqué l’usage du feu à des personnes incompétentes, au lieu de l’avoir déclaré aux autorités légitimes.

L’assesseur Apométhée intervient pour demander l’examen approfondi de l’accusation avant de prononcer l’énoncé de la sentence.

Comme cette requête est acceptée par le président du Sénat, Améthée intervient en évoquant le côté religieux de l’affaire, Prométhée ayant subtilisé le feu aux puissances divines. En conséquence, il doit être accusé de vol et de sacrilège et lèse-divinité.

Apométhée prend la parole pour s’opposer à Améthée, expliquant que le feu est une force naturelle dont la découverte était à la porter de n’importe qui voulant s’amuser à frotter des pierres. Par contre, le feu est un élément très dangereux pouvant détruire des biens et des vies, au risque de mettre fin à toute civilisation. En conséquence, Prométhée doit être accusé de voies de fait personnelles et de menace pour la sécurité publique. L’intervenant conclut en réclamant la peine de détention à vie, avec coucher sur la dure et mise aux fers.

Hypométhée approuve les propos d’Améthée et d’Apométhée. Il ajoute quelques remarques sur la gravité de la situation. La production du feu est un manque de respect envers l’héritage du passé, une activité subversive. De plus, le feu va causer le ramollissement des gens, la décadence des mœurs et le désordre.

Antiméthée renchérit ensuite en citant des effets imprévisibles de l’usage du feu dont les nouvelles possibilités sont prodigieuses. En conséquence, Prométhée doit être accusé d’avoir communiqué la découverte du feu au premier venu, de ne pas avoir confié sa découverte aux seules personnes autorisées, d’avoir appris aux étrangers (et ennemis) à allumer le feu, de haute trahison et de manœuvres contre la communauté. L’intervenant conclut en réclamant la peine de mort.

La séance est levée après une brève discussion sur la conciliation des accusations allant en crescendo et le prononcé de la sentence… que vous pourrez découvrir en lisant le récit apocryphe de Karel Čapek (1890-1938) intitulé Le châtiment de Prométhée (1932).

Commentaire

Une figure mythique présentée d’une façon étonnante. Un récit satirique comme l’épilogue le souligne. Une nouvelle toujours d’actualité en ce début du nouveau siècle.

Dans la même veine, les récits apocryphes portant sur l’impérialisme et le cynisme des dirigeants des grandes puissances sont tout aussi d’actualité, par exemple Alexandre le Grand, La mort d’Archimède et Napoléon.

Référence

Čapek, Karel. - «Le châtiment de Prométhée» (1932). - Dans Récits apocryphes. - Traduit du tchèque par Marlyse Poulette. - Préface de Marcel Aymonin. - Lausanne (Suisse): Éditions L’Âge d’Homme, 2001. - 204p. - (Petite bibliothèque slave, n° 03). - ISBN 978-2-8251-1226-7. - P. 13-18. - BAnQ: Capek C237r.

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Olivier © 2018, Claude Trudel, Le monde en image, CCDMD.

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Karel Čapek (Wikipedie)

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