02 avril 2013

De l’école à la rue

Renaud Poirier St-Pierre et Philippe Éthier nous convient à une assemblée singulière, une assemblée qui nous introduit dans les coulisses de la grève étudiante. Au préalable, le décor est campé par Simon Tremblay-Pepin, chercheur à l’IRIS.

Les jeunes militants racontent le Printemps québécois depuis l’ouverture de l’assemblée générale du 7 février 2012, au cégep de Valleyfield, jusqu’au retour en classe des étudiantes et étudiants de l’UQAM, le 5 septembre 2012.

Un récit captivant, mais surtout des réflexions et des analyses remarquables, sur un temps mémorable et sans précédent dans notre histoire. Un témoignage précieux pour la suite du monde.

Ouverture de l’assemblée

La première résolution de grève générale illimitée, votée par les collégiennes et collégiens de Valleyfield, ouvre l’assemblée. Cet incipit est suivi de l’historique du travail méthodique de mobilisation qui s’est déroulé au cours des années précédentes et pendant la grève. Les dates charnières de ces péripéties sont relevées et commentées. L’introduction est complétée par la présentation succincte des cinq parties de l’ouvrage.

Points

Les auteurs expliquent comment la CLASSE a réussi à mobiliser graduellement les étudiantes et étudiants contre la hausse des frais de scolarité grâce à son pouvoir organisationnel.

Le point 1 est introduit par l’évocation de l’imposante manifestation illégale du 22 mai regroupant près de 200 000 personnes dans les rues de la métropole. Ce point initial, à caractère plutôt théorique, porte sur les rapports entre l’État et le mouvement étudiant. Un tableau synthèse sur une stratégie d’escalade des moyens de pression et plusieurs encadrés illustrent les propos des auteurs.

Le point 2 présente la nature démocratique, les méthodes de fonctionnement et les structures organisationnelles de la CLASSE. Les différents mécanismes de la mobilisation sont ensuite décrits. Un lexique de la mobilisation et plusieurs exemples factuels étayent les explications, dont les déroulements d’assemblées tenues en février au Collège de Maisonneuve et au cégep de Saint-Jérôme.

À partir de l’exemple des préparatifs des discours des porte-parole de la CLASSE pour la manifestation nationale du 22 mars, les auteurs abordent au point 3 le discours idéologique (de l’ASSÉ et) de la CLASSE. Les auteurs démontrent que la force de la CLASSE est d’inscrire les enjeux reliés au monde de l’éducation au centre d’un débat plus large sur la justice sociale et la démocratisation de la société québécoise. Ainsi, la grève étudiante devient une lutte populaire. La vision dominante néolibérale est largement remise en question dans l’espace public.

Le point 4, amorcé par le récit d’un épisode éloquent, porte sur les communications de masse. Le contenu de ce point stratégique constitue un guide pour les mouvements sociaux. Par exemple, au cours du Printemps québécois, la CLASSE utilise les médias de masse pour diffuser son discours et accroître la mobilisation étudiante et populaire. Dans ce contexte, graphique et exemples à l’appui, le rôle crucial et délicat des porte-parole est souligné. Le thème récurrent de la violence est aussi abordé.

Le point 5 fait état de l’utilisation des médias sociaux par la CLASSE selon un plan stratégique élaboré dès septembre 2011. Au cours de la grève, ces moyens de communication servent notamment à diffuser l’information, susciter des manifestations et multiplier les solidarités. Plusieurs outils sont utilisés tels Twitter, Facebook, des vidéos, des mèmes, des sites et même la télédiffusion en direct des manifestations. Les exemples cités sont aussi nombreux que diversifiés.

Clôture de l’assemblée

Au terme de l’assemblée, les auteurs précisent les buts distinctifs de leur démarche : raconter la grève d’un point de vue militant et expliquer le mouvement social; rendre hommage à celles et ceux qui se sont mobilisés et favoriser une réflexion critique chez les militantes et militants; inspirer d’autres luttes. Ce dernier objectif donne lieu à la description de six axes nécessaires à la construction d’un mouvement social.

L’annulation de la hausse des frais de scolarité marque la victoire de la grève : Nous avons gagné. Toutefois, en considération des conséquences malheureuses de la répression chez un grand nombre de manifestantes et manifestants, ainsi que des résultats électoraux décevants, cette victoire est mitigée.

À plus long terme, les jeunes auteurs se demandent quel sera l’héritage du Printemps québécois. Leur réponse est confiante et résolue. Comme un écho à leur dédicace. Comme le poème de fierté cité en conclusion d’assemblée.

Appréciation

Le livre de Renaud Poirier St-Pierre et Philippe Éthier est admirable à plusieurs égards. Il se caractérise d’abord par sa visée pédagogique et ses procédés didactiques.

La métaphore de l’assemblée encadre le récit de la grève. Comme les gens ont déjà participé à des assemblées, parfois même depuis le primaire, cette figure de style est familière.

Chaque partie de l’ouvrage débute par un exemple. Cet élément accrocheur introduit un thème particulier, une analyse en profondeur. D’autres exemples, insérés dans le texte ou dans des encadrés, suivent en cours de récit. Plus que des anecdotes, ce sont des illustrations judicieuses qui éclairent l’exposé.

Le souci de rigueur intellectuelle est constant. Le style est direct, dynamique, limpide. Le vocabulaire est riche et précis.

L’ouvrage se caractérise aussi par sa véracité. Son contenu est basé sur des expériences vécues directement par les auteurs et leurs collègues dont plusieurs sont identifiés à la page des remerciements. La préface de Simon Tremblay-Pepin souligne la qualité du témoignage.

Concluons ce survol en remerciant les auteurs et leurs collègues pour leur implication courageuse, leur détermination incomparable et leur générosité exemplaire envers leurs concitoyennes et concitoyens.

Référence

Poirier St-Pierre, Renaud; Éthier, Philippe. – De l’école à la rue : dans les coulisses de la grève étudiante. – Préface de Simon Tremblay-Pepin. – Montréal : Éditions Écosociété, 2013. – 219p. – (Actuel, n° 11). – ISBN 978-2-89719-048-4. – Bibliothèques de Montréal et BAnQ : 371.81 P753d 2013.

Sur la Toile

L'ABC du printemps érable (Caroline d’Astous, Le Huffington Post Québec, 22 mai 2013)

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