Carte du monde (1529) de Diego Ribeiro
Ricardo Padrón, professeur à l’Université de Virginie, présente une étude intéressante de cette carte manuscrite dans Mapping Latin America, A Cartographic Reader. Il développe son exposé en plusieurs séquences thématiques: le rôle de la Casa de la Contratación, les caractéristiques des portulans, les apports novateurs de Diego Ribeiro, l’imaginaire implicite dans les cartes marines, la modernité de la carte de Ribeiro, les visées idéologiques et politiques du cartographe. Cet essai est complété par des notes et une bibliographie.
Le planisphère de Ribeiro contient à la fois les éléments traditionnels des portulans moyenâgeux et de nouveaux éléments typiques de la Renaissance. Comme sur les portulans, des roses des vents, des rhumbs, des échelles graphiques de distances et d’innombrables toponymes sur les littoraux figurent sur la carte. Par contre, des éléments novateurs témoignent de la modernité de la carte: l’espace américain inconnu est laissé en blanc, les trois lignes verticales pointillées pour mesurer les latitudes (au milieu des océans Atlantique, Indien et Pacifique), la ligne de l’Équateur graduée pour mesurer les longitudes (en plus des tropiques du Cancer et du Capricorne, et des deux cercles polaires), la présence d’une grille évoquant le système de projection de Ptolémée, l’inscription des plus récentes découvertes, les illustrations d’instruments scientifiques de navigation (astrolabe, quadrant, table de déclinaison du Soleil). Globalement, ces innovations visent à tenir compte de la navigation au long cours consécutive aux découvertes portugaises et espagnoles de la fin du 15e siècle et du début du 16e siècle.
Selon le professeur Padrón, la carte de Ribeiro a été élaborée au cours des négociations visant à préciser le partage du monde entre le Portugal et l’Espagne après la circumnavigation de l’expédition de Magellan (1522). Sur la carte, au sud du Brésil et de l’Insulinde, des drapeaux signalent les espaces respectifs des puissances ibériques. Un drapeau supplémentaire de la Castille figure sur le territoire chinois. Alors que le Portugal exploite déjà les Moluques, la carte de Ribeiro attribue à l’Espagne cette région asiatique. Sur la carte, l’imposant empire castillan est magnifié par l’immense table de déclinaison pour la navigation céleste (incorporant un calendrier, les signes du zodiaque et une rose des vents) localisée au milieu du Pacifique: les visées impériales espagnoles couvrent tout le Pacifique et la plus grande partie de continent américain. Entourée de nombreux navires, cette image illustre notamment les ambitions hégémoniques de l’empire maritime espagnol.
Terminons cette présentation en observant plus particulièrement l’Amérique. Outre les îles des Antilles et les aires riveraines du golfe du Mexique, Ribiero identifie une douzaine de régions dans le Mundus Novus: Tierra de Labrador, Tierra de Cortereal, Tierra de Esteva Gomez, Tierra de Ayllon, Tiera de Garay, Nueva Espagna, Guatimala, Castilla Deloro, Peru, Tera Basilis, Tiera de Solis, Tiera de Pata Gones. La plupart des toponymes sont d’origine européenne, dont des noms d’explorateurs. Seuls les littoraux occidentaux de l’Amérique centrale et du Pérou sont indiqués, les littoraux inexplorés étant absents. L’intérieur du continent reste anonyme, mais des images animalières illustrent certaines régions de l’Amérique latine.
Les personnes maîtrisant la langue espagnole et la calligraphie de l’époque pourront approfondir l’étude de cette carte en parcourant les inscriptions marginales, les remarques et les cartouches affichés sur la carte.
Références
Padrón, Ricardo. - «Chartring Shores», dans Dym, Jordana; Offen, Karl; dir. - Mapping Latin America. A Cartographic Reader. - Chicago: The University of Chicago Press, 2011. - xx, 338p. - ISBN 978-0-226-61822-7. - P. 33-37. - [Google Livres donne accès au texte de cette étude.]
Lectures complémentaires
Carrera, Magali Marie - Traveling from New Spain to Mexico: Mapping Practices of Nineteenth-Century Mexico. - Durham (Caroline du Nord): Duke University Press, 2011. - 352p. - ISBN: 978-0-8223-4991-4 - [Locating New Spain: Spanish Mappings, p. 39-62].
Carta Universal (Diego Ribeiro, 1529) - [Contexte et toponymie].
The Navigational Iconography of Diogo Ribeiro’s 1529 Vatican Planisphere (Surekha Davies, Imago Mundi, 2003, Vol. 55: 103–112) - [Description des instruments de navigation et de la navigation céleste].
Carte
1529 - Monde - Carta universal en que se contierne todo lo que del mundo se ha descubierto fasta agora hizola Diego Ribero cosmographo de Su magestad. Año de 1529 è Sevilla ([Reprod. en fac-sim.]) - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
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