20 décembre 2012

La manifestation

La manifestation de rue constitue aujourd’hui une forme d’action politique reconnue, tant par ceux qui y ont recours que par ceux qu’elle cible : les acteurs politiques, le patronat… et l’opinion publique.

Les professeurs Olivier Fillieule et Danielle Tartakowsky présentent une synthèse captivante sur les manifestations. Leur étude a été publiée en 2008 aux Presses de la Fondation nationale des sciences politiques (Sciences Po). Elle peut être utile pour la compréhension de certains aspects du Printemps québécois que nous avons vécu en 2012.

Dans l’introduction, les auteurs précisent leur approche historique et sociologique, rappellent la définition et l’étymologie du mot manifestation, expliquent les éléments constitutifs des manifestations et présentent les acteurs des manifestations, ainsi que les sources d’investigation sur ce phénomène.

L’ouvrage compte cinq chapitres complétés par une annexe (tableaux statistiques) et une bibliographie de plusieurs pages.

Le chapitre 1 retrace les jalons de l’émergence de la manifestation comme action politique, principalement du début du 19e siècle à la Seconde Guerre mondiale. Il est intéressant de constater la similitude des nouveaux règlements municipaux de Montréal et de Québec concernant les manifestations avec les lois françaises du 10 avril 1831 et du 30 juin 1881 (p. 37-38).

Le chapitre 2 porte sur l’institutionnalisation des manifestations à partir des années 1970. Des enquêtes d’opinion démontrent la légitimation croissante des manifestations parmi la population. Plusieurs indicateurs (caractéristiques sociopolitiques, âge, sexe, etc.) sont analysés par les auteurs.

Le chapitre 3 est constitué de deux parties : la morphologie des manifestations; la violence. La première partie traite des grandes tendances observées au cours des dernières décennies : l’augmentation du volume global des manifestations; la croissance de l’interpellation directe du politique; la multiplication des manifestations de proximité par rapport aux manifestations de masse. La marche mondiale des femmes du 8 mars au 17 octobre 2000, inspirée de la marche des femmes du Québec contre la pauvreté en 1996, est citée en exemple. La seconde partie souligne la relative décrue de la violence pendant les manifestations. Après un rappel historique, les auteurs analysent les différentes facettes de la survenance de la violence.

Le chapitre 4 fait appel à la sociologie, à la psychologie sociale et à diverses méthodologies d’enquête. Il vise la compréhension des effets sur les individus impliqués dans des manifestations. Plus spécifiquement, il traite de trois hypothèses : l’identité, l’adhésion et la socialisation. Au passage, il aborde la dénonciation politico-journalistique des « casseurs » par les pouvoirs face aux mouvements qui les contestent. D’une façon sommaire, les participants aux manifestations ont un profil sociodémographique et politique distinct de celui du reste de la population : plus jeunes, plus grande affiliation aux organisations, plus diplômés et plus à gauche. Les foules ne sont jamais homogènes. Par ailleurs, « c’est par des réseaux de relations que les individus descendent dans la rue ».

Le chapitre 5 traite de la manifestation dans l’espace public, c’est-à-dire de la couverture médiatique susceptible de peser sur la décision politique. En général, les médias font preuve d’une « forte insensibilité structurelle » vis-à-vis les manifestations. Les auteurs décrivent avec minutie le traitement journalistique des manifestations, ainsi que la difficulté pour les manifestants de se faire comprendre et de voir accepter leurs revendications. Ils abordent aussi les rapports ambivalents entre la police et les médias. La dernière partie de ce chapitre porte sur les scénographies manifestantes. Ce chapitre contient un grand nombre d’exemples illustrant les sujets étudiés.

La conclusion met en évidence les dangers de la nouvelle philosophie et de la nouvelle doctrine du maintien de l’ordre public privilégiées par les autorités politiques et policières, notamment lors de manifestations transnationales.

Ce livre constitue une synthèse captivante sur un phénomène majeur. Pour les citoyens québécois, le dernier chapitre et la conclusion seront possiblement les parties les plus intéressantes, car les auteurs y décortiquent plusieurs problématiques vécues et débattues au cours du Printemps québécois.

Référence

Fillieule, Olivier; Tartakowsky, Danielle. – La manifestation. – Paris : Sciences Po, 2008. – 184p. – (Contester, n° 2). – ISBN 978-2-7246-1008-6. – BanQ : 303.61 F486m 2008. – [Citation, p. 11].

Sur la Toile

État de la nouvelle : bilan 2012 (Influence communication)

Avec à son actif une vingtaine d’éclipses médiatiques, le conflit étudiant a été la nouvelle la plus longue et la plus intense de l’histoire moderne des médias québécois. Le dossier a décroché une place dans le top 5 pendant 22 semaines.

Influence communication décortique le conflit étudiant (Mathias Marchal, Métro, 19 décembre 2012)

Ces chiffres viennent ajouter de l’eau au moulin de l’ancien porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois. En novembre, lors d’un débat organisé dans le cadre du dernier congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, il avait déploré le manque de profondeur de la couverture journalistique.

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