Introduction aux Spectacles curieux
L’anthologie des Spectacles curieux d’aujourd’hui et d’autrefois est un chef-d’œuvre de la littérature chinoise. Le texte a été traduit, présenté et annoté par Rainier Lanselle, dans la collection «Bibliothèque de la Pléiade», aux Éditions Gallimard.
Sept instruments composés par Lanselle permettent au lecteur de mieux comprendre le sens de ces contes de la période Ming : Introduction, Chronologie, Note sur la présente édition, Bibliographie, Notices et notes, Répertoire, Table.
Avant même de lire l’Introduction, le lecteur avisé commencera par lire la Note sur la présente édition. L’anthologie des Spectacles curieux contient 40 contes réunis par un compilateur anonyme peu avant 1644. Ces contes proviennent de cinq collections regroupant chacune 40 contes. Trois de ces collections sont publiées par Feng Menglong (1574-1646), entre 1620 et 1627. Les deux autres sont publiées par Ling Mengchu (1580-1644), en 1628 et 1632. La présente édition des Spectacles curieux est la première édition complète et critique publiée en langue occidentale.
Dans l’Introduction, Lanselle explique comment la Chine cherche à émouvoir par l’allusion. Le récit (conte, roman) est discrédité, car il se situe en dehors de la tradition canonique. S’attardant à l’événement et à l’individu, le récit est extérieur à la morale traditionnelle. Politiquement inutile, le récit n’en est pas moins apprécié par les lettrés à la fin des Ming.
Le récit a des origines ambigües et lointaines. Ses sources proviennent des «menus propos» (xiaoshuo) recueillis auprès des gens du peuple par des lettrés au service de l’empereur. Ces lettrés réécrivent les histoires populaires dans une langue codée imitant l’art des conteurs publics. Des commentaires en langue classique accompagnent la publication de ces récits en langue vulgaire. Ces éditions donneront naissance à des anthologies.
C’est grâce à l’éditeur, auteur et compilateur Feng Menglong que le conte en langue vulgaire connaît une grande vogue au 17e siècle. Ling Mengchu l’imitera tout en donnant une touche plus personnelle à ses écrits. Pour publier leurs 200 contes dans cinq collections différentes, l’un et l’autre puisent leurs sources dans un vaste corpus en langue classique.
Le compilateur anonyme des Spectacles curieux sélectionne 29 contes publiés par Feng Menglong : 8 dans les Contes d’autrefois et d’aujourd’hui, 10 dans les Paroles pénétrantes pour mettre en garde le monde, 11 dans les Paroles éternelles pour éveiller le monde. Les 11 autres contes sont tirés des Histoires extraordinaires à en frapper sur la table de Ling Mengchu : 8 dans le premier volume et 3 dans le second volume. La publication de l’anthologie connut un immense succès et un rayonnement durable. Toutefois, en Occident, on s’attarda à étudier davantage les cinq collections originales plutôt que l’anthologie elle-même.
Trois facteurs favorisent l’étude de l’anthologie : la possession de l’intégralité du corpus d’origine (les 200 contes publiés par Feng et Ling); l’identification de la grande majorité des sources textuelles en langue classique des auteurs des contes; la possession des commentaires du texte même figurant sur les anciennes éditions ou ajoutés par le compilateur anonyme des Spectacles curieux. Cette étude doit se situer dans la tradition chinoise de l’anthologie : «Les choses ne prennent pleinement leur effet qu’en raison du contexte. L’anthologie, par le seul effet immanent de sa propre compilation, devient ainsi machine de sens.»
Dans ses Notices, à la fin de l’ouvrage, Lanselle met notamment en relief le parallélisme des contes. De ces analyses se dégagent la figure du sage et le thème général de la sagesse. Par ailleurs, quatre thèmes particuliers permettent de regrouper les 40 contes en sous-groupes de 10 : homme de bien, amitié véritable, rite et devoirs familiaux, homme de peu. Ces thèmes sont longuement détaillés dans les Notices.
Le Répertoire peut être considéré comme un dictionnaire encyclopédique sur la civilisation chinoise. Signalons quelques entrées : Académie Hanlin, Administration, An Lushan, Bachelier, Calendrier, Censorat, Cinq éléments, Classiques, Collège des fils de l’État, Concours mandarinaux, Dao, Huaben, Langue…, Li Bai (Li Po), Livre…, Noms de personnes, Pavillon…, Piété filiale, Système monétaire, Yinzhi.
Les Orientations bibliographiques recensent les éditions des Spectacles curieux et des cinq collections d’origine, des traductions en langues occidentales et en japonais, et des études en langues occidentales, en chinois et en japonais. Les 80 illustrations figurant dans l’édition produite par Lanselle proviennent du manuscrit conservé au Département des manuscrits orientaux de la BnF.
Référence
Spectacles curieux d'aujourd'hui et d'autrefois (Jingu qiguan). – Texte traduit, présenté et annoté par Rainier Lanselle. – Paris : Gallimard, 1996. – lxii, 2105 p. – (Bibliothèque de la Pléiade). – ISBN 2-07-011332-9. – Cote BAnQ : 895.134608 S7418 1996.
Sur la Toile
À parti du XIXe siècle, le recueil [Spectacles curieurs] devait servir de réservoir sans cesse visité par des traducteurs européens (dont, en France, Abel Rémusat, Stanislas Julien, d’Hervey de Saint-Denis, Soulié de Morant furent les plus connus), traducteurs qui quelquefois ne méritent ce nom qu’à condition de donner du terme une définition point trop contraignante. (Reinier Lanselle, Introduction, p. xxxv)
Contes chinois (Dix contes publiés par Abel Rémusat) (1827)
Kin-Kou-K'i-Kouan (Jingu Qiguan) (Douze nouvelles chinoises traduites par d’Hervey-Saint-Denys) (1885)
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